Au travers de la persienne entrouverte, un soleil jaune et brûlant inondait un pan de la pièce, le reste étant éclairé de lanternes multiples. De temps en temps, Edge se massait la nuque, sentant couler quelques gouttes de sueur. Elle se mit à maudire silencieusement ce courant instable. Elle était vouée à s'éclairer à la bougie, à chauffer au feu de bois ses repas. Habituée des bains froids, elle prenait son bain dans un étang, dans son jardin. L'eau chauffait au soleil, elle était tiède et délicieuse. La jeune femme poussa un long soupir, et reposa son matériel. Elle reprit son souffle. Elle se sentait étouffée. La fin de journée était pénible, et l'air était d'une moiteur détestable. Elle ôta son kimono, trop épais, et ouvrit son armoire à philtres. Et, d'un geste, brisa un des bocaux en le jetant sur le sol.
Aussitôt, l'air s'emplit d'une vapeur fraiche. Edge fit craquer ses phalanges, inspirant cette brise fraiche. L'atmosphère était celle d'un frais matin de printemps, désormais. Souriante, elle se dirigea vers ce qui lui servait de dressing, une sorte de remise où elle entreposait ses tenues, et s'étira. C'était trop bon. La moiteur, la sueur avait disparue. Elle attrapa rapidement un yukata noir et brodé de fils d'argent avec précision, presque mystique, et remit quelques paillettes argentées sur ses paupières.
Et elle se redirigea vers son atelier, pieds nus sur le plancher grinçant. Diable, que cette demeure était vieille ... Elle l'avait récupérée, sans la déclarer, et y vivait comme une recluse : électricité qui déconnait, gaz et eau courante inexistant, aucune ligne téléphonique. Juste une connexion internet parfaite, et un jardin avec un étang qui ouvrait vers une forêt. La maison était grande, et elle y entreposait des curiosités, et des armoires contenant ses philtres ... Sa demeure était un immense labyrinthe, donc, entre bibliothèques, tas de vêtements, étagères, armoires ... Elle même peinait à s'y retrouver.
Vivre à la dure commençait à lui taper sur le système.
Elle but un verre d'eau, et se posa face à son bureau ; balance, pesée, flacons, pinces, il y avait là tout l'attirail d'un enchanteur, presque d'un magicien. Elle ouvrit son livre, et aussitôt entendit un bruit. Quelqu'un était là. Quelqu'un venait de frapper et de pousser la porte grinçante de sa demeure. Elle descendit les escaliers sur la pointe des pieds, rejoignant un rez de chaussée beaucoup plus présentable que le premier étage. En effet, toute un mur était constitué de baie-vitrées qui menaient au jardin, et le reste était bibliothèque sagement rangée, composée de romans étrangers, et d'une cuisine - trés rustique, avec cheminée et creux au centre pour allumer le feu qui cuisait le repas - , salon - soigné, cette fois, avec une multitudes de sièges, tapis, et de coussins - et salle à manger typiquement japonaise. Elle remarqua qu'une théière bouillait sur le feu, et maudit cet oubli. Une fois arrivée au pied des escaliers, elle osa un :
- Qui est-ce ?
De là où elle était, elle ne distinguait qu'une silhouette.