Insane Minds ( Crimson )

Le bonheur n'avait pas le don de se retrouver là où on le souhaitait. Maintes fois, Hera l'avait constatée, à bien des dépends d'ailleurs. Eternellement insatisfaite, au tempérament bien trempé, la déesse n'avait pas pour don de se laisser facilement satisfaire. En un mot : elle était une véritable petite emmerdeuse quand elle s'y mettait.
Mais elle le vivait bien. Elle assumait son statut de déesse mal lunée. Elle avait bien d'autres qualités pour compenser ce caractére insondable et cet égo démesuré. En ce jour pluvieux de septembre, la déesse était intimement persuadée que l'être humain ne la satisferait donc jamais. Désespérée, elle avait passée plusieurs de ses dernières nuits avec des hommes, tous différents, mais surtout beaucoup trop mielleux et naïfs. Personne de satisfaisant. Elle soupira un grand coup, les sourcils froncés.
Il fallait tenir bon. Les humains ne devaient pas être tous aussi moindres.
Même si elle doutait, chaque jour de plus en plus de cette affirmation. Elle noyait donc ses journées dans des films plus ou moins américains, le dernier en date étant Appaloosa, les yeux dans le vague.

Elle se sentait humaine, cela lui donnait la nausée.

Depuis quelque temps, donc, elle se perdait dans des délires , semant une certaine panique sur son passage. Quiconque connaissait le caractére d'Hera, la reconnaitrait facilement. Colérique, suceptible, rancunière et n'ayant pas sa langue dans sa poche. Elle passa sa langue sur ses lèvres. C'était pour rechercher un peu de calme qu'elle était dans ce café, et qu'elle l'avait acheté d'ailleurs, à déguster seule des cafés noirs et sans sucre, qui lui arrachait la gorge avec une infame aigreur.
Elle adorait ça. La porte du café s'ouvrit, à un moment, et elle fronça les sourcils. Une jeune femme la fixait, les yeux remplis de haine.

" Oups " laissa t'elle échapper.

L'inconnue se précipita sur elle. Hera se doutait bien qu'elle n'allait pas lui déclamer des poémes enflammés. Quand elle sortit de sa poche un couteau, Hera soupira. Il y avait des gens qui ne savaient pas se tenir, vraiment. Se battre, ce n'était pas ainsi !
La déesse leva la main. L'inconnue recula aussitôt violemment, ejectée du café, traversant la porte vitrée. Hera se leva, se mettant sur le seuil du café, fixant la jeune fille qui était affalée sur le sol.

" Si tu veux m'assassiner, mets-y du tien. Ce n'est pas comme ça que tu m'abattras. " lança t'elle d'une voix calme.

Elle ressemblait réellement à une déesse, ainsi. Grande, fine, avec ses cheveux noirs et son visage doux mais ferme, sa stature qui inspirait le respect, et sa tenue plus ou moins exorbitante ( http://media.lunch.com/d/d7/135670.jpg?2 ). Elle était étrange. Une déesse, donc.
L'inconnue détala. Hera soupira à nouveau. Elle avait l'habitude de ce genre d'agissements. Les humains détestaient les déités, et cherchaient à s'en débarasser. Ce n'était plus une surprise.
Elle jeta un dernier regard sur les ruelles, ses yeux se perdant dans les rues sinueuses des bas-fonds, inquiétantes contrées. Elle resta immobile devant le café, fixant ce lieu.
Elle n'avait pas envie d'aller y jeter un oeil.

La gamine entra en contact direct avec ma main, qui l'aggripa à la gorge dans sa course. Je n'étais pas vraiment Hercule, mais étant donné son aspect fluet et son poids plume je la stoppais aisément en l'étouffant à moitié lors de l'impact. Elle tenta de se défendre et de se débattre , gesticulations qui prirent fin alors qu'elle rencontrait frontalement et violemment le mur de briques sales qui formait un des couloirs de la ruelles.
Ses yeux rencontrèrent les miens à travers les verres rouges de mes lunettes. Sans doute l'effrayais-je puisqu'elle se mit à respirer plus vite, à paniquer. Peut-être mon allure de noir et de muscles, peut-être ma crinière couleur de sang qui recouvrait mon visage, où plus possiblement les deux gros flingues portés en évidence sur mes cuisses ? Bah, pour ce que j'en avais à foutre... Non, ce qui m'interessait plutôt c'était l'origine de son vol plané à travers une porte de verre, précisément celle du cachait qui s'ouvrait plus loin au bout de la ruelle. Je scrutais le café un instant en posant les yeux sur la forme féminine qui en ornait la porte, avant de finalement m'interesser à ma victime.
Une gosse, même pas vingt ans.

- Il s'est passé quoi, au juste ? Allez, accouche.

- Je... J'ai rien à vous dire ! Rien à vous di...

Le cri de douleur qu'elle poussa empêcha la fin de sa phrase. En effet, ma grosse ranger noire s'était écrasée sur son poignet, forçant mon poids à reposer sur ses petits os. Mouais, pour sûr que ça allait rapidement craquer.

- Plus d'deux cent os dans le corps humain. Ca en fait un paquet à pêter, mais je suis pas pressé.

Le ton de ma voix est simple, grave et puissant. Habituel, donc. Le calme transpire, tout comme la sincérité. Je vais lui casser les os un par un et elle le sait certainement à présent. Elle se calme, enfin elle essaie. Finalement, elle ouvre son bec avec la voix de celle qui mouille les couches.

- Ce... C'est bon... Putain...J'voulais... Aïe.... Buter la meuf... La meuf du café ! C'est une pute ! Une déesse qui baise partout... J'te jure, j'te jure !

Une déesse ? Interessant. J'avais pas prévu de partir en chasse dans l'immédiat, c'est vrai. Je viens de sortir et je voulais commencer par me taper une nana et un cheeseburger. Maintenant, on crache pas sur un petit cadeau comme ça non plus. Faut bien que les petites fiottes de l'Olympe apprennent que ce bon vieux Crim's est de retour, non ? Ok, ça marche. On va dire que la gamine a éveillé mon intêret et que ça suffit à ce qu'elle conserve son intégrité physique.
En fait, non. Pour le principe, je lui brise quand même le poignet. Ca craque sèchement et elle hurle comme un porc qu'on égorge pendant que je retire mon pied et qu'elle se recroqueville en me traitant de tout les noms en articulant quand même une question presque audible entre les sanglots de douleur.

- T'es... T'es un croyant ? Un défenseur des dieux ? Aïïïïïe ! Merdeeeee ! Ca fait maaaaaaal !

- Pas vraiment, non.

- Euaïe... Al...Alors pourq-

Mon pied s'écrase dans sa mâchoire, lui explosant quelques dents dans une gerbe de sang et d'échardes d'émail. Terminé, celle là ne causera plus avant un moment et moi je suis déjà avancé dans la ruelle. Et alors que j'en sors pour me mettre à la lumière, dévoilant ainsi ma silhouette fort reconnaissable et le canon dressé de mon flingue prêt à cracher du plomb, je réponds à ma victime, même si je parle plus pour moi qu'autre chose.

- Juste parce que c'est à moi de le faire.

Sans rien ajouter de plus, j'appuie sur la détente et vide le chargeur sur le café dont la devanture vole en éclats tranchants et scintillants, dévastée par le plomb qui se déverse à une cadence folle. Bien entendu, le reste de la boutique explose tandis que les douilles se répandent à terre dans un tintement de métal au rythme régulier.
Le détail, c'est pas mon délire.

Hera s'était interrogée, un moment. Voilà que la môme de tout à l'heure avait sortie la grosse artillerie ? Bien qu'Hera doutait que la corpulence de cette gamine soit assez conséquente pour utiliser de grosses armes, elle pensait intimement qu'elle en était capable.
Pleine de surprise, vraiment ? Elle soupira. En entendant le premier bruit d'une balle volante, elle s'était recroquevillée derrière le comptoir, attendant que cela passe. Elle se doutait que son café ne devait pas être en trés bon état, au vu des soins qu'on lui apportait. Cette fois, cette fille aurait ses félicitations, et d'autres bonnes surprises. La déesse était prête à lui faire voler la tête dans chaque recoin du Japon, avec les remerciements des dieux.
Et vlan !
Elle acheva d'imaginer sa vengeance, et se releva, de toute sa stature de déesse en furie. Et ouvrit de grands yeux. Ah, non, ce n'était plus cette charmante enfant. A la place siégeait face à elle un homme à la corpulence plus virulente, plus masculine. Elle lui aurait bien fait la cour, s'il n'envisageait pas de lui planter des balles un peu partout dans le corps.

Elle fronça les sourcils, voulant jouer la méchante, mais se retint. Quelques menaces ne stopperaient pas ce type, qui ne semblait pas craindre la déesse. Aucunement, même. Elle aurait aimé, à nouveau, soupirer, mais se retint, et le fixa, le dévisageant d'un air assez méprisant. Elle était obligée d'adopter cet air, elle n'avait jamais songé à se montrer adorable envers les humains. Surtout ceux qui voulaient la tuer.

" Vous n'avez pas fini votre cirque ? " s'indigna t'elle. " Quand comprendrez-vous que vouloir tuer un dieu, c'est une chose inutile ? "

Elle parlait avec un ton lassé. Cela lui semblait évident ; tuer une divinité était quelque chose qu'on ne pouvait concevoir. Surtout pour Hera, la déesse des déesses. Puissante, colérique, elle n'était pas une tendre. Elle sauta au dessus du bar, faisant face à son adversaire, les poings sur les hanches, et remarqua ce qu'il restait de son " amie " de tout à l'heure.
Elle ne put s'empêcher de frissonner. Celui-là n'était pas un tendre.
Elle le fusilla du regard.

Elle avait les sourcils froncés, et l'air d'une femme engagée. En un instant, elle exposa sa puissance à un certain niveau, en faisant naître aux creux de ses mains deux rapières. C'était chic, et pas trés violent, mais elle n'aimait pas les flingues, et savait bien se servir des épées. Au fond, elle n'était pas mauvaise, Hades lui ayant donné des cours assez conséquents.

" Vous êtres vraiment acharnés " soupira t'elle en faisant tournoyer les rapières entre ses doigts. " Et vos actes sont insencés ... Rentrez chez vous. "

Elle savait qu'elle pouvait répliquer, et pas d'une manière des plus tendres. Hera n'était pas n'importe qui, ne l'oublions pas ... Même sans jambes, elle trouverait des moyens de faire des croches pieds.