Quand l'aigle et le lion se retrouvent...

Début

Marine avançait comme un zombie dans les couloirs du lycée. Elle avait bien du mal à se concentrer ce matin là. Elle se demandait comment elle allait pouvoir faire son cours. Elle avait la terrible impression qu’une catastrophe allait arriver. C’était idiot, bien sûr, mais elle n’arrivait pas à se débarrasser de son impression de malaise.

Elle savait très bien à quoi était due cette sensation. A quoi ou plutôt à qui. Aiolia, l’homme qu’elle avait croisé la veille au soir dans le parc. Leur rencontre avait été détonante. Il l’avait attaquée, elle l’avait frappé, il s’était excusé, il l’avait embrassé et elle l’avait embrassé avant de s’enfuir. Elle n’en revenait toujours pas d’avoir agit de la sorte. Elle était toujours si maîtresse d’elle-même et là elle s’était jetée au cou d’un parfait inconnu. Cet homme l’avait profondément troublée. Elle n’aurait jamais su dire pourquoi mais elle l’appréciait.

Malgré tout, sa conduite l’a décontenançait. Elle n’en avait pas fermé l’œil de la nuit. Elle avait passé près d’une heure à pleurer avant de rester totalement prostrée au sol. Elle avait mis plusieurs heures avant de réussir à aller sous la douche puis à regagner son lit où elle ne réussit d’ailleurs pas à trouver le sommeil. A chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle revoyait le regard d’émeraude du jeune homme du parc. A certains moments, elle sentait presque la douceur de ses lèvres sur les siennes. Tout ça l’empêcha de trouver le sommeil et elle passa le reste de sa nuit à se tourner et à se retourner sous ses draps. Quand le réveil sonna, pour la première fois de sa vie, elle aurait bien aimée rester au lit. Néanmoins, comme chaque jour, elle se leva, revêtit sa tenue victorienne composée de son indétrônable jupe longue noire en satin qui tombait jusqu’au sol et qui fronçait légèrement à l’arrière, son chemisier à jabot blanc dont les manches étaient serrés aux poignets et plus large autrement et, pour finir, son corset brodé noir. Elle prit alors la direction du lycée avec son mince cartable.

Arrivée devant sa classe, la sonnerie avait déjà retentie et ses élèves étaient déjà tous présent à l’intérieur. L’image d’Aiolia s’imposa à nouveau à elle. C’était idiot car elle ne le reverrait plus jamais. Curieusement elle se sentait triste à cette idée. Elle respira un bon coup et ouvrit la porte, prête à donner son premier cours de la journée.

« Bonjour à tous ! »

La nuit était vite passée pour Aiolia qui avait arpenté la ville à la recherche de cette force mystérieuse. Malheureusement pour lui, il ne retrouva pas sa trace. Le jour allait se lever, il devait donc se résoudre à rentrer et à se préparer pour rejoindre le lycée afin de jouer son rôle d’étudiant qui allait lui servir de couverture pendant la durée de son séjour au Japon. Le chevalier d’or aurait bien évité cette mascarade mais un ordre du grand-pope ne pouvait être discuté.

Le représentant du sanctuaire rentra à son appartement pour mettre ses vêtements de lycéen qui n’étaient guère  à son goût. Il avait revêtit son uniforme de couleur noire à la veste au col d’officier avec une chemise blanche et des mocassins noirs.

Le guerrier d’Athéna n’était que peu enthousiaste à l’idée de cette mission d’infiltration. De plus, son esprit était hanté par l’image de la jolie rousse. Mais bon, la mission passait avant tout et Aiolia était certain de ne plus jamais revoir cette jeune femme. Le chevalier du lion s’éclipsa en un instant avant d’apparaître quelques instants plus tard dans une ruelle près de l’établissement.

Il se présenta ensuite à l’administration avant d’être conduit jusqu’à une salle de classe. Son guide l’abandonna, laissant « l’étudiant » frappé et entrer seul dans la classe. A l’intérieur, Aiolia voyait des élèves assis à leurs places, devant, le bureau du professeur situé sur une petite estrade. Le guerrier d’or allait se présenter au professeur et lui tendre la feuille qu’on lui avait transmise mais il resta figé sur place lorsqu’il vit le visage de la jeune femme.

Alors que Marine dispensait son savoir sur Nietzsche à une classe plus ou moins endormie, un coup retentit soudain à la porte. Un retardataire ? Bizarre, tous les élèves semblaient présents même si elle n’avait pas fait l’appel ce matin là.

« Entrez »

C’était probablement le directeur ou son adjoint qui venait donner une information quelconque. Alors qu’elle jetait un regard sur l’importun, elle faillit tomber par terre, au sens métaphorique bien sûr, en voyant le jeune homme qui entrait dans la salle. Aiolia ! L’homme qu’elle avait honteusement embrassé la veille au soir. La bouche de la jeune femme devint totalement sèche et l’air sembla lui manquer alors qu’il s’approchait d’elle, un papier à la main. Elle avait la terrible impression de vivre un film au ralentit. Il ne fallut que quelques secondes au chevalier pour rejoindre Marine mais elle eut l’impression que cela mettait des dizaines de minutes.

Aiolia releva la tête alors qu’il se trouvait juste devant elle et resta figé. Il ne s’attendait visiblement pas, tout comme elle d’ailleurs, à la retrouver ici. Vu la tenue qu’il portait, ce n’était pas juste une interruption exceptionnelle. Il était élève dans le lycée, un nouvelle élève. La jolie rousse essaya de se reprendre et attrapa d’une main tremblante la feuille tendue par le jeune homme. Elle la regarda à peine avant de la poser sur le bureau derrière elle. Elle devait se reprendre et très vite avant que les autres élèves se demandent ce qui se passait.

« Bien… Allez-vous installer ! »

De la main, elle désigna une table tout au fond de la classe. Il ya avait une autre place devant mais elle préférait qu’il soit loin d’elle au moins pour ce cours. Elle se détourna de lui et reprit son monologue là où elle l’avait arrêté. L’heure s’écoula sans autres interruptions.

Alors qu’elle donnait les principaux éléments de la pensée du philosophe, son esprit essayait de trouver une solution à l’intrusion dans sa vie professionnelle d’un homme qui la troublait. Elle ne devait rien laisser voir et surtout faire en sorte qu’il ne se fasse aucune idée par rapport à ce qui s’étais passé la veille. Lorsque la sonnerie retentit, les élèves quittèrent la salle comme une volée de moineaux. Marine attrapa son manuel et ses quelques fiches manuscrites qu’elle enfourna dans son sac. Elle voulait quitter rapidement cette salle. Elle ne savait pas si Aiolia était déjà parti. Elle avait pris soin de ne pas le regarder pendant le cours. Malgré son désir de sortir rapidement, son visage n’exprimait aucune panique et aucun stress. En fait, il n’exprimait rien, il était de glace.

Aiolia ne prononça pas un mot, se contentant de saluer à la façon nippone son professeur, avant d’aller s’installer d’un pas calme et assuré à la place près de la fenêtre au fond de la salle. Sa poitrine se resserrait et son cœur battait la chamade. Il pensait avoir perdu à jamais la belle inconnue et voilà que Marine apparaissait de nouveau dans sa vie. Il connaissait désormais son nom et sa profession. Mais il n’était pas là pour enquêter sur cette demoiselle, le devoir passait avant tout.

Le cours paraissait sans fin et la notion de philosophie était plutôt abstraire pour ce jeune homme uniquement éduqué et entrainé pour obéir aux ordres, les exécuter et se battre si nécessaire. Aiolia remarquait que Marine l’ignorait totalement . . . Elle l’avait peut-être déjà oublié ? Ou préférait elle peut-être faire comme si tel était le cas ? Le chevalier d’or était intrigué mais il ne savait pas comment obtenir des réponses à ses questions. Il restait donc là, à se morfondre, à dévorer des yeux la belle rousse, captivé par sa beauté. Il était dans un autre monde ou rien d’autre n’existait. Il n’écoutait même pas ses paroles, il n’avait plus l’usage de l’ouïe ou de ses autres sens. Juste sa vue qui était concentré sur la seule contemplation de la belle marine.

A la longue, c’était comme installer un lion en cage, alors qu’une belle proie n’était qu’à quelques mètres de lui. Preuve une fois de plus, que le destin se montrait bien souvent cruel et particuliérment avec les membres de la chevalerie. Lassé de se torturer de la sorte, le protecteur d’Athéna se décida à jeter un coup œil à l’extérieur. Il pouvait admirer les cerisiers en fleurs et le sol de la cour qui commençait à en être recouvert, créant un tapis végétal. L’occidental qu’était Aiolia avait commencé à se documenter sur le japon et sa culture.

Il se souvenait avoir lu un sujet traitant de « sakura ». Les Japonais croyaient que l'âme des soldats morts au combat se réincarnait en fleurs de cerisier. Cette pensée poétique et peu habituelle pour le chevalier le rassurait en un sens. S’il venait à mourir au combat, il aimait cette idée de revenir sous cette forme.

La cloche sonna, annonçant la fin de l’heure de philosophie. Aiolia émergea, voyant ses nouveaux camarades quitter la salle. La plupart se tournaient vers lui avant de s’entretenir avec leurs amis. Un nouveau venu était toujours une attraction de quelques heures. C’est alors qu’une lycéenne se présenta à Aiolia comme étant une déléguée de la classe. La charmante brune se proposait de le guider et plus si besoin pour l’aider à s’intégrer. Aiolia quitta donc la salle sans un regard pour Marine. Le nom de sa guide était Sakura, comme quoi, le destin semblait être en marche.

Marine allait sortir de la salle quand elle vit Aiolia s’en aller avec une des élèves. La fille était jolie, très belle même. Pour la première fois de sa vie, la jeune femme sentit son cœur se serrer. Elle se sentit étonnamment triste tout d’un coup. Elle choisit de se murer dans son silence habituel. Elle baissa la tête et sortit de la salle rapidement en bousculant le couple dans le couloir. Aucun mot d’excuse ne sortit de sa bouche. Elle fonça vers sa salle de cours suivante essayant de chasser l’image des deux jeunes gens ensembles.

Toute la matinée s’écoula ainsi au rythme des différents cours qu’elle dispensait. Quand la sonnerie de midi retentit, Marine souffla. Elle avait finit sa journée et pouvait rentrer chez elle. D’habitude le lycée ne lui pesait pas mais là, elle avait envie de fuir cet endroit. Elle craignait trop de se retrouver face au jeune homme et, encore pire, de se retrouver devant le couple. Elle repassa à la salle des profs et récupéra quelques documents. Ses collègues ne cherchèrent pas à lui parler. Ils savaient qu’elle n’aimait pas parler et sa froideur ne les encourageait pas. Ils la considéraient comme un ovni et beaucoup ne comprenaient pas comment elle avait pu se faire engager dans le lycée. Marine n’en faisait pas cas. Elle faisait ce qu’on attendait d’elle, c’est-à-dire enseigner, et rien d’autre.

Une fois ses affaires récupérées, elle quitta la salle et le bâtiment. Arrivée dans la cour, elle se dirigea vers le portail. Le sol était jonché des jolies fleurs roses. Elles faisaient comme un véritable tapis d’honneur pour la jeune femme. Alors qu’elle marchait, elle revoyait toujours la même image dans sa tête, celle du jeune homme et de la lycéenne. Et son cœur se serrait à chaque fois. Elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce sentiment étrange qu’elle ressentait pour la première fois de son existence. Elle devait rentrer chez elle, elle avait besoin de se retrouver seule pour pouvoir analyser calmement la situation et savoir comment y réagir. D’habitude, l’analyse était inutile. Elle savait comment réagir en toutes circonstances. Là, c’était une situation trop nouvelle et trop déroutante pour réagir à chaud.

Alors qu’elle franchissait les grilles, elle stoppa net en voyant le chevalier en grande discussion avec la dénommée Sakura. Son cœur sembla manquer un battement. Un fugitif instant, une grande tristesse et une grande douleur s’afficha sur son visage et dans ses yeux mais le masque d’indifférence revint bien vite à sa place. Elle reprit son chemin en marchant le plus vite possible, sans pour autant courir, vers son appartement. Elle voulait effacer cette vision cauchemardesque.

Aiolia était certes avec la dénommée Sakura mais ce n’était pas une discussion. Il s’agissait plus d’un monologue de la représentante des élèves qui avait ainsi tenu la jambe du chevalier durant toute la journée, puisqu'elle lui fournissait une bonne couverture. Elle faisait ceci pour l’aider à s’intégrer, le guider et lui expliquer le mode de fonctionnement de cet établissement. Le chevalier d’or l’avait laissé ainsi agir à sa guise toute la journée, puisque ainsi, elle lui fournissait une bonne couverture. Pour sa part, il ne l’écoutait qu’à moite, trop occupé à chercher une piste, tentant de trouver une trace, le moindre résidu d’énergie. C’est en tout cas ce qu’il essayait de faire et surtout, il tentait de se convaincre lui-même qu’il n’agissait et ne pensait qu’en fonction de sa mission. La vérité était toute autre, il ne faisait que penser à Marine. La jeune femme l’avait durablement marqué et de la revoir n’avait fait qu’enflammer les sens du guerrier. Le jeune homme ne souhaitait qu’une chose : pouvoir la retrouver, la serrer dans ses bras et poser une nouvelle fois ses lèvres sur les siennes.

Lorsque cette dernière passa, Aiolia due user de toute sa volonté pour ne pas la dévorer du regard. Il resta a fixé Sakura qui continuait à lui parler. Il aurait tant voulu disparaître en un éclair pour la serrer contre lui. Le plus rageant, c’est qu’il pouvait et l’avait déjà fait mais il ne le devait pas. Il devait réfréner ses pulsions charnelles et enfouir les tendres sentiments qu’il éprouvait pour la belle demoiselle au plus profond de son être.

Malgré tout, Aiolia ressentait l’irrépressible besoin de lui parler, pouvoir admirer sa beauté et s’enivrer une dernière fois de son parfum. Il fallait accomplir son devoir mais une force étrange et au combien puissante le détournait de la voie du guerrier qu’il c’était juré de suivre.

Une dizaine de minutes s’écoulèrent et qui parurent une éternité pour le chevalier. Enfin, la jeune lycéenne le quitta, permettant à Aiolia de partir dans la direction qu’avait prit la belle rousse. Au mépris de toutes les précautions, le représentant d’Athéna usa de ses pouvoirs pour disparaître à nouveau. Rechercher une personne était bien plus rapide  lorsqu’on le faisait à la vitesse de la lumière. Il ne fallut que quelques secondes au chevalier du lion pour retrouver Marine. Une fois encore, il ne pensa pas aux conséquences de ses actes, se contentant d’apparaître devant Marine avant de la prendre aussitôt dans ses bras. A nouveau, Aiolia se sentait vivre alors qu’il avait la sensation d’être vide et mort depuis le soir où Marine avait disparu. Il était à nouveau heureux et apaisé. Une douce chaleur l’envahissait et son cœur battait à nouveau à tout rompre. Il déposa un baiser dans le cou de la demoiselle, se grisant une nouvelle fois de son doux parfum.

Aiolia aurait aimé dire quelques mots mais sa bouche était sèche et aucun mot ne parvenait à sortir. Il était comme tétanisé, pour la première fois, il éprouvait de la peur. Il craignait d’être rejeté par celle qu’il aimait, même s’il ne pouvait être certain de ce fait, n’ayant jamais connu une telle chose avant ce jour.

Marine avançait les yeux rivés au sol sans se préoccuper des gens qu’elle croisait. Elle ne comprenait pas son attitude. Elle était toujours si détachée de tout et de tous. Alors pourquoi réagir ainsi face aux deux jeunes gens ? Elle n’en savait rien. D’ailleurs, elle ne savait pas pourquoi non plus elle avait embrassé Aiolia la veille au soir. C’était inexplicable et incompréhensible. Elle n’avait quasiment jamais perdue son self-control mais là, elle l’avait bel et bien perdue.

Alors qu’elle continuait sa progression, elle se retrouva d’un seul coup devant celui qui était la cause de tous ses problèmes depuis la veille au soir. Comment avait-il pu arriver aussi vite devant elle alors qu’il était parti après elle du lycée ? Ça faisait comme le soir précédent, il avait utilisé la même technique. Avant qu’elle ait pu dire quoi que se soit, il la prit dans ses bras et l’embrassa dans le cou, la faisant sursauter. Elle lâcha son cartable qui tomba au sol et ne fit aucun geste, restant complètement figée, aussi raide qu’une statue.

Elle devait réagir. Mais comment ? Que devait-elle faire ? Le gifler ? C’était la solution la plus simple, la plus rapide et probablement la plus efficace au moins sur le moment. Il comprendrait alors qu’il ne devait plus l’importuner. Cependant était-ce là ce qu’elle voulait ? Elle n’en savait rien. Ce qui était terrible, c’est que sans le savoir, en l’embrassant dans le cou, il s’en était prit à l’un des points les plus sensibles de la jeune femme. Ce que les livres de biologie et d’éducation sexuelle appelaient « zones érogènes ». Un point particulier chez elle mais si sensible. Son souffle s’accéléra sous la douce pression des lèvres d’Aiolia sur sa peau fine. Elle ne comprenait pas, elle ne se comprenait plus. Elle voulait qu’il s’en aille, elle voulait qu’il reste.

L’image de Sakura vint alors s’imposer à elle. Pourquoi avait-il passé la matinée avec la lycéenne et venir maintenant la rejoindre ? Et puis pourquoi elle ? Tellement de questions se bousculaient dans sa tête. Elle devait s’éloigner de lui, au moins un peu. Elle posa ses mains sur son torse et avec douceur elle le repoussa. Elle plongea ensuite son regard dans celui du jeune homme. Sa froideur habituelle avait laissé la place à une expression interrogative qui s’affichait sur son visage.

« Pourquoi ? Pourquoi me suivez-vous ainsi ? Pourquoi faites… faites vous cela ? – là, elle parlait du baiser – Pourquoi moi ? Je… je ne comprends pas d’autant plus que… vous avez passé votre matinée avec Sakura »

Elle s’en voulut pour les derniers mots qu’elle venait de prononcer. Elle se mordit la lèvre inférieure. Elle comprit alors soudain quel sentiment l’avait assaillit : la jalousie. Un sentiment étrange et franchement désagréable. Elle n’aurait jamais imaginé le ressentir un jour. N’osant plus le regarder, se sentant alors terriblement en faute, elle se pencha pour attraper son cartable noir. Elle le prit alors à deux mains, le mettant devant elle, s’en servant comme d’un bouclier, un bouclier bien fragile et certainement inutile devant ce jeune homme.