Melisende semblait parfaitement savoir comment entretenir une ambiance chaleureuse sans défaire son emprise sur ses invités, une parfaite hôtesse. Organisée et habile, elle avait accordé au jeune noble ses dons de cuisinière en lui préparant un repas digne d'un roi. Cependant, elle comme bien d'autres ne savaient pas que le jeune homme n'aimait guère la viande, bien qu'il lui arrivait d'en manger lors de très rares occasions. En fait, manger n'était même pas l'une des nécessités dont il disposait. Lucifer lui avait dit à ce sujet que son corps fabriquait de lui-même les nutriments nécessaires à son bon fonctionnement et que même une petite dose de nourriture pouvait lui suffire largement. Il regarda les multiples mets et s'installa sur la chaise que Melisende lui offrait. Alors qu'il s'asseyait, un parchemin glissa du sac dont il ne se séparait pratiquement jamais, attaché à sa ceinture. C'était du papyrus de bonne qualité. Kamui ne le remarqua pas et s'empara, presque gêné, d'une carotte cuite à la vapeur de sa fourchette de fer.
Sur le parchemin déroulé, à la vue et aux pieds de la belle magicienne que Kamui admirait régulièrement lors de ses passages dans le village de Meisa et lors des améliorations hebdomadaires des champs de protections du fief, les vers suivants étaient écrit d'une calligraphie belle, soignée et bien lisible:
Ta beauté rivalise avec celle des plus belles nymphes qui peuplent cette terre
Ton allure pleine de noblesse réclame que tes prétendants persévèrent
Nul ne peut prétendre être assez digne de toi, belle créature altière
Mélisende, toi qui est si jolie, plus que la magie, de ton art tu peux être fière
À ton passage, les oiseaux gazouillent ta grâce et la beauté de ta voix
Les pierres, effrayées à l'idée de te blesser, s'écartent, pour toi, de la voie
Hommes et femmes sont indignes de poser sur toi leurs regards si impurs
Ceux qui tenteront un jour de te souiller recevront un châtiment des plus dur
À toi, nul de peu oser résister et....
Ce poème n'était visiblement pas fini, et certains vers demandaient des ajustements, mais le message était clair, le seigneur avait un œil sur la magicienne, même s'il avait si souvent tenté d'éviter de se retrouver aussi longtemps en sa présence. Il jugeait d'ailleurs déplacé d'avoir de tels sentiments envers une femme de si grand talent. Mélisende était une magicienne puissante, et même si Kamui n'avait guère entendu parler d'elle au travers des rumeurs, cela ne l'empêchait pas de l'admirer et de connaître réellement sa valeur.
Mais si elle était puissante, Kamui l'était davantage à cause de ses réserves d'énergie difficilement épuisables et de sa grande maîtrise de la langue d'Éden, une des 18 langues de la magie et certainement l'une des plus puissantes. La plus puissante étant une langue divine détenue par la déesse suprême, nul ne connaissait ce dialecte. L'Eden était comprit par les animaux, les plantes, les forces de la nature et bien plus encore.
Je m'égares encore une fois, veuillez m'excuser. Allons donc, Kamui prit quelques bouchées de la succulente nourriture que lui avait offert Mélisende et il lui fallut un moment pour remarquer que le parchemin cité plus tôt était tombé de sa poche.