William se laissa repousser sans opposer aucune résistance. Il contempla une fois de plus son visage candide, puis sans un mot, il ramassa l'Agiel et le mit aussitôt à sa ceinture pour ne pas effrayer la jeune fille inutilement.
-Je te laisse t'habituer, lâcha Dolan avant de sortir de la cellule et de disparaître au détour du couloir.
Le gorille qui continuait de reluquer Iaso, ferma la porte derrière son patron et disposa également, laissant la jeune fille seule dans sa cellule.
Dolan était dans l'ascenseur qui remontait vers son bureau. Il paraissait calme et imperturbable, mais tout à coup, il envoya un coup de poing dans la porte en fer qui émit un "bong" de protestation, aussitôt suivi d'un chapelet de jurons lorsqu'il avisa qu'il s'était fait mal en frappant. Dolan était en colère, il avait très mal agit et il le savait. Iaso n'était pas dressée et vouerait tout son temps libre à trouver un moyen de sortir d'ici. Il était même probable qu'elle ne lui obéisse pas. L'esclavagiste enrageait car son erreur, ou plutôt sa faiblesse était impardonnable. Il n'a même pas été capable de la violer...
Durant les jours qui suivirent, William n'était pas passé voir Iaso. Elle voulait qu'il la mette à l'épreuve mais il ne pouvait pas pour l'instant, car il n'avait pas d'agonisants sous la main. Cela prenait longtemps avant de propager prudemment une rumeur. Les soins étaient un nouveau réseau et comme n'importe quel marché, il fallait beaucoup de temps avant de s'implanter, surtout lorsque c'est un marché illégal. Pour l'instant, Dolan faisait passer le mot qu'il avait accès à un chirurgien clandestin d'un niveau supérieur. Cette rumeur était parfaite, car elle passerait pour banale aux oreilles des indiscrets, mais pas pour le cercle restreint de mafieux qui savaient que William avait accès à la magie. Ils se douteraient bien qu'il a un objet magique curatif.
Iaso, quand à elle, n'avait pas été sollicitée pendant une semaine entière. Les cages qui jouxtaient la sienne se remplissaient de terranides en tout genre puis se vidaient pour se reremplir de nouveau. La demi-déesse semblait comme figée dans ce théâtre d'activité. Aucuns gardes ne lui adressaient la parole, personne ne partageait sa cellule alors qu'on entassait parfois une dizaine de terranides dans une seule cage. Iaso était privilégiée par rapport aux autres esclaves ; les gardes ne se privaient pas de malmener les terranides alors qu'elle n'avait qu'à supporter des regards de frustration. Tous les jours, des esclaves soumis venaient la nettoyer. Tête baissée, ils entraient, la déshabillaient, frottaient, la vêtaient et partaient, sans un mot.
* * *
-Enfoirés de Bertinelli, beugla un Yakusa depuis la banquette arrière d'une voiture.
Sur ses genoux un jeune homme d'une vingtaine d'années couvert de sang émettait des gargouillis inquiétants. Le conducteur, un Yakusa également, se retourna pour voir si le jeune homme blessé était toujours vivant, puis jeta un regard grave à son camarade avant de se reconcentrer sur la route.
-Il est sérieusement touché, annonça le conducteur. Je l'emmène voir l'avocat.
-Qu'est-ce qu'on en a foutre de l'avocat, cracha son compagnon en tentant de faire compresse sur la blessure. Il lui faut un médecin.
-Justement, il en a un. Et au moins, si le fils unique du Oyabun (équivalent du parrain chez les Yakusa) meurt, il partagera la responsabilité avec nous.
Le deuxième Yakusa grogna son approbation et sortit son téléphone portable. Puis, après un dernier regard au gamin qui agonisait sur ses genoux, il composa le numéro de Dolan.
C'est un Dolan stressé qui descendait au sous-sol de son building. L'appel qu'il avait reçu aurait dû le réjouir mais il n'avait aucune envie qu'un membre de la famille des Yakusa rende l'âme dans son building. Il avait pourtant autorisé la voiture qui convoyait le blessé à entrer.
William rejoignit la cellule de Iaso d'un pas rapide. C'était la première fois qu'il la voyait depuis qu'il l'avait quitté sur un baiser. Maintenant, il avait besoin d'elle et de ses pouvoirs curatifs. Il avait donné des ordres pour que le blessé attende dans une pièce à côté de l'entrepôt. L'avocat n'avait plus qu'à lui amener Iaso.
-Suis-moi, demanda-t-il simplement alors que la porte de la cellule s'ouvrait.
William n'avait mis aucune menace dans sa demande mais les deux gorilles qui le flanquaient était prêts à la trainer de force à la moindre hésitation.