Folle ? Folle d'amour, folle de chagrin, mais non, Miya n'est pas folle au sens où Jones l'entend : "rancunière" serait sans doute un peu plus approprié... Tu t'es joué de moi, tu m'as fait mal à un tel point que je veux te voir souffrir.
Cette haine, c'est la troisième fois qu'elle l'éprouve au point que sa tête lui fait un mal de chien. La première fois, elle l'a oubliée, mais elle a vu la dépouille du cheval qui a piétiné à mort ses parents. Elle avait neuf ans, et la pauvre bête n'était même plus en état pour la boucherie.
Et puis, la seconde fois, si claire dans sa tête. Il y avait ce monstre qui souriait - peut-être n'est-ce que son imagination... Ou les deux joues tranchées dans une grimace de sourire éternel... -, et la voix du fantôme de son frère jumeau qui lui ordonnait d'arrêter. Pourtant, Miya se souvient parfaitement de la façon dont elle a crucifié sa victime - c'est quand même bien pratique, ces pistolets à piques qui servaient à planter le chapiteau du cirque... - et puis, le sang, partout. Le cœur qu'elle tient dans sa main, qui bat si fort, et qu'elle écrase sans le moindre effort... et qui se reforme dans la poitrine ouverte, ramenant par magie le clown à la vie. Le rire démentiel de Miya tandis qu'elle tranche dans la chair, qu'elle s'amuse à lui griller les entrailles. Elle l'aura torturée cinq longues heures, sous le regard terrifié de ses compagnons de voyage - Elle, Miya, l'acrobate toujours de bonne humeur, qui se bat avec une panoplie de yoyos... qui torture quelqu'un ? L'assassin de son frère, certes, mais... La torture ? Ce n'est que lorsqu'elle se rendra compte que son frère ne la supplie plus d'arrêter, qu'elle ne l'entend plus, et qu'en fait, il a tout simplement disparu, qu'elle vient de le perdre une seconde fois, qu'elle donnera le coup de grâce.
Mais là, il n'y aura personne pour m'arrêter. Ni Jhun. Ni Ryuga.
La dague tourne une nouvelle fois dans l'épaule. Comment ose-t-il ? De nouvelles larmes brouillent ses yeux, et elle gémit comme si elle souffrait autant que Jones. La main du jeune homme se referme sur son poignet meurtrier, et la pression de la main sur sa gorge se relâche peut-être légèrement. Miya baisse la tête. Et s'il avait raison ? La dague s'enfonce légèrement avant qu'elle ne la retire d'un coup sec. Elle essuie sa dague sur sa robe, et replonge les yeux dans ceux de sa victime. Un coup il prononce les mots qui manquent de la faire flancher, et tout de suite après, il ravive la flamme de la haine qu'elle a pour lui. Et puis, une idée folle lui traverse l'esprit : et si lui, là, ce Jones... avait tué son Ryuga ? Son œil droit devient entièrement doré, et la brule au point qu'elle plaque sa main et la manche du dague tout contre son visage, et à un râle de douleur. Pourtant, lorsque la brulure cesse dans son œil, il n'a pas changé de teinte, et reste de ce doré si froid. Ses larmes ont fait tombé la lentille de couleur. Regarde-moi, et dis-moi que ce regard d'or ne te fait pas peur.
Personne n'est hors d'atteinte, hein ? Tu ne pourras jamais me blesser physiquement, Jones, mais tu es en train de me détruire mentalement.
Et sans réfléchir davantage, Miya enfonce son poignard dans la cage thoracique de l'homme, jusqu'à la garde. Elle reprend le petit mot qu'il avait glissé dans ce détestable bouquet de fleurs, regarde les mots inscrits. Ah, mon amour, j'aimerai tant le croire, être sure qu'il t'ait vraiment envoyé... Miya reprend le manche de son arme, la baisse pour ouvrir entre les côtes de sa victime -regard gelé, léger sourire de plaisir- et elle retire la lame pour s'entailler jusqu'à l'ongle le bout du doigt, sans même sursauter de douleur -et pourtant, elle est douillette... Consciencieusement, et avant que la plaie ne se referme, Miya dessine un étrange symbole sur le carton et murmure :
- Je te l'ai dit, tu ne mourras pas. Ce n'est pas drôle, comme ça...
Elle le regarde, toujours avec ce sourire en coin. Et elle agit rapidement. Sa main droite plonge dans le trou qu'elle a taillé dans la chair pour saisir le cœur battant de Jones ; la main gauche colle le papier sur sa gorge. Lentement, ses blessures se referment dans un fourmillement qui pourrait soulager le jeune homme... S'il n'y avait pas cette main dans sa poitrine. Et il peut sentir ses ongles autour de son cœur. Miya semble satisfaite, et se penche vers le visage d'EJ.
- Continue à parler. Si ce que tu dis ne me plait pas, j'écrase ton cœur, et on recommencera.
Ce qu'elle fait déjà. La douleur est telle qu'il s'évanouit, et Miya lui envoie une gifle magistrale pour le réveiller.
- Tu vois ? Ça marche comme ça.
Miya va même pousser le vice à lui tendre sa dague :
- Veux-tu vérifier à quel point je me moque du danger ? N'oublie pas que j'ai ton cœur dans la main. (Elle fait une pause, et peut-être que l'éclat de ses yeux d'or se ternisse légèrement.) Je ne doute pas de Ryuga. Pas un seul instant. Je suis t'interdis de le prétendre. Quoi qu'il arrive, il savait qu'il aurait pu m'en parler, et que jamais je ne l'aurai trahi. Trouve autre chose, Jones.
Sa main se serre sur la lame qu'elle tient, et un mince filet de sang coule entre ses doigts. Pourtant, si Jones prend l'arme, il n'y aura aucune plaie ouverte, ni même la moindre trace d'une cicatrice.
Sans doute n'aurait-elle jamais trahi l'homme qu'elle aimait... Mais la situation présente prouvait bien qu'elle était parfaitement incapable d'avoir des idées censées dans ce genre de situation, et... Miya tremble. Dieu, elle se rend compte que ce qu'à dit Jones pourrait se tenir, et elle baisse les yeux. Et puis, peut-être que Ryuga l'a tenue à l'écart parce qu'elle était sa faiblesse ? Allons, Jones, je t'ai suffisamment fait mal pour voir si ta version des faits est vraie... Si la douleur ne va pas te faire changer ton mensonge... Parce que c'est un mensonge, je t'en supplie, ne me dis pas que ma bêtise est en train de nous faire perdre un temps si précieux...