Ils avaient passé ensemble une journée magique. Dans les bras l'un de l'autre, à discuter de tout, de rien, de lui, d'elle, et surtout d'eux. Pour la première fois de toute sa vie, Miya se sentait entièrement en confiance avec Ryuga. Et surtout, détendue comme jamais. Et cela l'effraya, même si elle essayait de ne pas le montrer.
Par le passé, quand quelque chose ne lui plaisait pas, elle fuyait. Que ça ait été les gitans qui la torturaient, ou quand on lui imposait un numéro au cirque avec des chevaux. Oh oui, Miya était légèrement capricieuse... Et elle avait peur de l'énormité de ses sentiments pour Ryuga, peur de sa dépendance envers lui. Pourtant, si elle oubliait qu'elle luttait pour ne pas fuir - sans doute parce que, justement, elle ne pouvait plus se passer de lui... - elle pouvait se rendre compte à quel point elle aimait ça, de se sentir aimée pareillement en retour. Il y avait un moment dans la journée où elle s'était enfermée quelques minutes aux toilettes, parce que tandis qu'elle continuait sa réflexion intérieure, elle avait eu un étrange malaise en se rendant compte d'une autre chose.
Même Jhun ne l'avait jamais autant aimée ni protégée.
Et cela dévastait la demi déesse. Parce qu'elle a toujours idéalisé son jumeau, qu'elle l'a toujours aimé - et qu'elle l'aime toujours - et il semblait impossible à Miya que quelqu'un puisse être aussi protecteur et adorable que son frère. Pourtant, lorsqu'elle rejoignit son amant sur le canapé, toujours torse nu parce qu'elle avait gardé sa chemise sur elle, et qu'elle avait croisé ce regard si amoureux... Ah, il pouvait aller se rhabiller, le Jhun ! Il voyait en elle la demi-déesse gitane, puis sa soeur jumelle qu'il devait protéger envers et contre tout. Ryuga ne voyait que la femme en elle, et l'aimait pour ça. A compter de ce jour-là, Miya ne chercherait plus à lutter contre l'instinct qui lui avait hurlé de fuir ; parce qu'il n'était même plus question qu'elle quitte ces bras-là. Elle s'y endormit, même, en plein milieu de la nuit, alors qu'il lui parlait.
Miya se réveilla le lendemain matin, juste avant son amant. Emmitoufflée dans la couette épaisse, dans les bras l'un de l'autre, elle le regarde dormir. La demi déesse n'ose même pas bouger ni respirer. C'est qu'elle est loin d'être matinale, et que la matin, elle a beaucoup de mal à se réveiller... De ce fait, c'était généralement Ryuga qui était réveillé le premier. Elle n'allait pas se priver du spectacle exceptionnel de le voir dormir, peut-être avec un visage trop sérieux... Mais ô combien craquant. Miya bougea lentement pour approcher son visage du sien, coller leurs fronts. Elle ferma les yeux quelques secondes. Le souvenir de son frère la rendit un instant nostalgique... Pourtant, elle était assez réaliste pour se rendre compte que si son jumeau avait encore été en vie, jamais elle n'aurait connu cette si merveilleuse histoire d'amour.
"Et rien que pour ça, reste où tu es, Jhun."
Miya rouvrit les yeux, surprise de sa propre pensée. Il y a quelques semaines, elle aurait été prête à se saigner pour faire revenir son frère de l'au-delà. Elle sourit tandis que Ryuga ouvrait les yeux, légèrement surpris de la voir déjà réveillée. Elle a un léger soupir, embrasse son amant et murmure :
- Si tu savais à quel point je t'aime, mon amour...
Et elle le lui prouva.
Puis elle quitta l'apprtement de Ryuga. En bas de l'immeuble, ils s'étreignent longtemps, s'embrassent, avant de se séparer, chacun vers le lieu de son travail. La journée, comme à chaque fois, lui parait longue, terriblement longue. Elle se languit de son amant, de ses bras, son odeur... Miya ne cesse de travailler, dans l'espoir que le temps passe plus vite. Le soir arrive, enfin, et pourtant...
Ryuga n'apparait pas. Si la demi déesse essaye de ne rien montrer, elle est terriblement inquiète. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Il reste un agent de terrain... Il a déjà été blessé... Miya panique. Son second tour de chant à peine terminé, la jeune femme monte dans sa chambre, enfile un jean sous sa courte de robe de chant, une longue veste, et sors par sa fenêtre, court dans la nuit. Ses escarpins à talons aiguille ne sont pas les meilleures chaussures de course, mais l'inquiétude qu'elle éprouve de ne pas l'avoir vu ce soir lui donne des ailes. Et c'est là qu'elle se rend compte à quel point elle est en train de changer pour Ryuga ; depuis quand elle ne se met pas en colère dans une telle situation ?
Elle arrive au pied de l'immeuble, ne voit pas la moindre lumière. Miya inspire profondément, essaye de ne pas trop paniquer, de ne pas imaginer le pire. Elle attend l'ascenseur pour se calmer, mais commence à s'énerver face à sa lenteur. Une fois immobilisé, la chanteuse se précipite au-dehors, jusqu'à la porte de l'appartement où la veille, elle a passé une journée si merveilleuse. Elle frappe doucement d'abord, puis un peu plus fort.
Et à son soulagement, la porte s'ouvre. Toute la tension accumulée depuis le début de la soirée disparait, laisse un instant la demi déesse tremblante. Miya fait un pas en avant, son sac tombe au sol. On pourrait croire qu'elle va se jeter à son cou, l'embrasser, et pleurer, lui dire des mots d'amour, glisser un petit "je me suis inquiétée".
Non. Une fois la tension évacuée, la colère fait surface. Elle avance pour être juste assez proche de lui. Et sa main prend un tel élan que lorsqu'elle vient claquer sur la joue de Ryuga, il en fait un pas un arrière. Et elle a le culot d'avoir les larmes aux yeux et de lui dire :
- Imbécile ! Tu aurais pu me dire que tu viendrais pas !
Et non, Miya n'est toujours pas douée pour extérioriser certains sentiments comme l'inquiétude...