L’averse était tombée d’une seule traite, sans aucun signe annonciateur. Quelques minutes plus tôt, le ciel était vêtu d’azur, tacheté de quelques nuances de coton. Puis, le vent s’était levé soudainement, éparpillant sa coiffure dans un désordre de mèches brunes, alors qu’elle retenait difficilement les pans de sa robe d’été, blanche comme neige, battue par les bourrasques. Bientôt, de gros nuages sombres avaient envahi l’horizon, au point d’engloutir le moindre rayon de soleil, et l’orage avait éclaté, brusquement, soudainement, déchirant le ciel en deux.
Une pluie estivale, comme il en existait tant d’autres.
Pourtant, Emi ne s’y attendait pas, et le temps qu’elle trouve un abribus sous lequel s’abriter, ses vêtements étaient trempés, plaqués contre sa peau glacée. À présent, l’eau ruisselait le long de ses bras, glissant jusqu’à ses doigts, tandis qu’elle secouait la tête pour chasser les mèches humides collées à son visage. Le vacarme de la pluie sur le toit métallique couvrait presque celui de la route, à quelques mètres de là, où les voitures défilaient à toute allure et fendaient les flaques en formation. Des gerbes d’eau étaient alors soulevées, et les passants, pris de court, étaient éclaboussés sans avoir le temps de s’écarter.
Un soupir au bord des lèvres, Emi s’accroupit sans attendre, sa poitrine pressée contre ses cuisses pour tenter de conserver un peu de chaleur. D’un geste distrait, elle frotta ses bras dans un grand frisson, tandis que le tissu de sa robe, déjà bien collant et presque transparent, épousait ses formes dans une sensation bien désagréable. Elle se sentit aussitôt agacée, partagée entre les frissons qui la parcouraient et cette météo capricieuse, tout en maudissant le ciel et la maladresse de sa tenue estivale. Elle n’avait rien, pas un pull, pas un sweat pour espérer échapper à cette pluie mordante, qui semblait vouloir s’infiltrer jusque dans ses os.
On avait vu pire comme début de vacances, pas vrai ?
Se redressant légèrement, elle fouilla dans son petit sac-à-main, son téléphone éteint niché dans un recoin, tandis que de l’autre, son portefeuille avait pris l’eau. Mais ce n’était pas ce qu’elle cherchait. Elle se saisit d’une pince à cheveux, la glissant rapidement dans sa chevelure humide pour dégager son visage, tout en jetant un regard courroucé aux gouttelettes qui tombaient devant son nez, et qui ne montraient aucun signe de relâchement. Combien de temps devrait-elle patienter ? Elle n’en avait pas la moindre idée, mais ce n’était clairement pas le programme qu’elle avait imaginé aujourd’hui.
Les pieds mouillés, prisonniers de ses talons, Emi finit par s’asseoir lourdement sur le banc de l’abribus, dont elle était la seule occupante pour l’heure. Autour d’elle, pas un chat. Les passants avaient disparu, happés par les abris et les porches, ou rentrés chez eux, qu’en savait-elle ? Les voitures elles-mêmes semblaient s’être envolées, ne laissant plus que le martèlement incessant de la pluie et le bruit discret de sa propre respiration. Dire qu’elle espérait passer cette journée au soleil, à se prélasser dans un coin verdoyant, loin de la clameur du centre-ville… C’était foutu, très clairement. Demain, peut-être… Ou jamais. Après tout, elle ne s’accordait que très peu de jours de congé. Elle n’en avait pas le temps.
Les minutes défilèrent lentement, et au bout d’une dizaine d’entre elles, Emi commença à s’ennuyer, peu patience dans ce genre de situation. Pour tuer le temps, elle se mit à chantonner doucement, comme pour meubler le silence qui l’entourait.