Lynn x Kenichi
La corruption par le corps
La nouvelle avait mis toute l’université en ébullition : les entreprises de la famille Kawamura recrutaient des étudiants du campus de Seikusu pour un stage de moyenne durée.
Une expérience intéressante outrageusement bien payée ; il faudrait être stupide pour ne pas tenter sa chance.
Alors, comme tout le monde et sans trop y croire, Lynn avait envoyé CV et lettre de motivation.
Première surprise, elle avait décroché un entretien.
Un coup de chance ; la déchiqueteuse n'avait pas détruit ses espoirs.
Deuxième surprise, les autres candidats étaient quasi exclusivement des candidates.
Certaines, que Lynn connaissait de vue, avec des résultats scolaires qui côtoyaient la perfection. Autrement dit, elle n’avait aucune chance.
Pour elle, c’était fichu, elle avait repris son quotidien, sa petite vie d’étudiante médiocre et de modèle prometteuse.
Mais une fin d’après-midi, alors qu’elle rentrait chez elle, un numéro inconnu la contacta. La voix féminine avait des mots qu’elle n’attendait pas.
Troisième surprise, elle était l’heureuse élue.
Et il n’y avait pas de temps à perdre : on lui accordait quelques jours pour mettre ses affaires en ordre ; une des dirigeantes viendrait en personne la briefer la veille du stage.
Dimanche. Lynn avait délaissé le short confortable pour la petite robe noire. Le thé fumant était prêt à être servi.
Une berline noire se stationna devant son immeuble. Deux femmes en tailleur en sortirent, accompagnées de deux gardes du corps. C’était elle.
Lynn s’attendait à un échange cordial.
Mais la plus âgée, la mine pincée, s’était assise en lui intimant de la rejoindre, tandis que la plus jeune, les bras chargés de sacs de transport floqués de marques de luxe, disparaissait dans sa chambre.
Interloquée, Lynn voulut protester mais elle fut vite rappelée à l’ordre par un discret raclement de gorge de l’aînée.
« Bien. Je vais aller droit au but, mademoiselle. En épluchant vos activités, nous sommes tombés sur quelques… détails qui pourraient compromettre la réputation de notre groupe. »Ah non !
Pas encore les photos de la dernière sortie scolaire du lycée qui venaient la rattraper !
Lynn fronça les sourcils. La femme disposa les clichés en éventail sur la petite table.
On la voyait, parfois avec d’autres femmes, prendre des poses lascives en ensemble lingerie, serre-taille, porte-jarretelle.
Celle qui avait retenu son souffle tout du long, soupira de soulagement.
Ces images, elle les connaissait très bien.
« Je peux tout expliquer, madame…— Keiko Kawamura, corrigea la secrétaire revenue de son excursion, les bras vides.
—
Madame Kawamura, ces clichés ont été faits à l’occasion de la collection automne-hiver d’une marque de lingerie de luxe. Au King Hotel Seikusu. Et tout a été fait dans les règles, je peux vous fournir le contact de mon agence. »Les lèvres rouges de la femme entre deux âges se pincèrent alors qu’elle fit un signe à sa secrétaire.
« Nous vérifierons. Mais il y a autre chose, mademoiselle… »Sa larbine sortit une tablette allumée sur une image de mauvaise qualité et de mauvais goût.
Deux corps dénudés, un féminin, un masculin, en pleine action.
On ne distinguait pas le visage de l’homme qui était hors champ, alors que la femme, allongée, les jambes tendues reposées sur une épaule virile, avait de longs cheveux… blancs ?
La vidéo se lança, le son obscène des ébats emplit la pièce. L’extrait était court.
Ça semblait être elle, sa voix, son corps.
Mais elle ne se souvenait de rien, ni de l’homme, ni de cette pièce, ni d’avoir un jour réussi à être pénétrée.
« Vous avez perdu votre langue ? »Un frisson aussi chaud qu’un blizzard partit de ses reins jusqu’à sa nuque. Cette vidéo pouvait détruire tout ce qu’elle avait réussi à reconstruire. Lynn fixait un point imaginaire, abasourdie, tandis que Keiko se levait triomphalement.
« Voici ce que vous allez faire : vous allez utiliser vos talents
pour séduire mon frère, le rendre fou de vous. Ce que j’attends de vous, c’est la preuve de sa décadence. En échange, mon équipe privera tous les détraqués du monde une occasion de se palucher sur vous. »Le ton était tranchant et froid comme une lame.
Echec et mat. Le convoi quitta les lieux.
Une fois seule, et pour éviter de pleurer, elle s’effondra sur son lit, son visage plongé dans un coussin coincé sous elle. L’impression de tomber dans un puits sans fond. Le vertige et, à l’arrivée, une issue incertaine.
Son regard finit par se poser sur son téléphone qu’elle saisit pour lancer une recherche rapide.
Celle sur le vieux croûton insupportable qu’elle allait devoir draguer.
KA-WA-MU-RA KE-NI-CHILa première photo la fit se dresser sur ses coudes.
Il n’était pas vieux.
Et il était beau.
Genre beau à être mis sur un catwalk.
Cela méritait une investigation plus poussée.
Elle alluma son ordinateur, donna une utilisé à son thé et reproduit la requête sur grand écran. Les recherches suggérées :
Kawamura Kenichi célibataireKawamura Kenichi copineKawamura Kenichi fortuneKawamura Kenichi milliardaireKawamura Kenichi gayTiens, tiens…
Kawamura Kenichi fanfictionPauvre homme.
Il apparaissait presque toujours dans des contextes professionnels, aucune photo volée, son image était extrêmement propre. Il devait avoir le procès facile. Elle l’enviait un peu.
Lors de sorties mondaines, les gestes qu’il avait envers les femmes relevaient davantage de la courtoisie que de la séduction.
Son célibat était un mystère.
Imbuvable ou gay.
Sans surprise, elle préférait la première option.
Le grand jour.
Lynn observait la ville défiler derrière les vitres teintées de la berline affrétée pour elle.
Les vêtements choisis par Keiko sur elle, étrangement à sa taille. Elle avait dû fouiller son book en ligne et ses réseaux sociaux. Weirdo.
Un tailleur blanc, une blouse sombre transparente juste assez pour laisser deviner la dentelle entourant un sein. Rébellion discrète, elle avait noué un ruban rouge au niveau du col, rappelant la semelle de ses escarpins.
Elle entendit à peine le vrombissement du moteur mourir.
Un pas après l’autre, dans une démarche bien travaillée, elle traversait la haie d’honneur du haut de ses talons la faisant flirter avec le mètre quatre-vingts. Lynn savait être au centre de l’attention.
La mise en scène était si grandiloquente qu’elle avait l’impression d’assister à son propre mariage.
Arrivée à sa hauteur, une hésitation qui ne dura qu’un battement de cils.
Peut-être par culpabilité de piéger cet homme qui ne lui avait rien fait, ou peut-être parce qu’il sentait vraiment très bon.
Après s’être inclinée bien bas et avoir replacé une mèche insolente tombée sur son visage, elle tendit une main fraîchement manucurée pour qu’il la prenne. Cela ferait de belles images.
Celles de son patron étaient tout de même fort jolies.
« Il me tarde de travailler avec vous, monsieur Kawamura. »Faites qu’il soit pas gay.
Faites qu’il soit pas gay.
Faites qu’il soit pas gay.