Okkoji Yamamoto s’arrêta un instant sous le ciel crépusculaire de Seikusu, ses yeux écarlates captant les reflets chauds des lanternes du Seikusu Palace, dont les contours majestueux se découpaient dans la lumière douce du soir. Les paroles d’Aiko, empreintes de tendresse et de vulnérabilité, résonnaient encore dans l’air, comme une mélodie fragile perçant le chaos de son monde de pouvoir et de violence. L’odeur subtile des fleurs de cerisier, omniprésentes dans les jardins du palais, se mêlait à son parfum boisé aux notes d’agrumes, l’ancrant dans cet instant précieux où son rôle d’oyabun s’effaçait face à la femme qu’il aimait. Son baiser, fugace mais incandescent, avait allumé une flamme dans sa poitrine, qu’il contint avec effort, conscient des regards indiscrets qui pourraient surgir, même dans l’enceinte protégée du palais. La discipline forgée par des années dans l’univers impitoyable des yakuzas imposait une retenue, fidèle aux codes japonais de discrétion en public. Sa mâchoire se crispa légèrement, un réflexe de son contrôle implacable, mais ses yeux, fixés sur Aiko, débordaient d’une tendresse qu’il ne réservait qu’à elle.
« Aiko », murmura-t-il, sa voix rauque et profonde vibrant d’une chaleur qu’elle seule pouvait susciter. Il serra sa main avec une douceur calculée, ses doigts calleux, marqués par les cicatrices d’une vie de combats, effleurant sa peau délicate. Ce contact, si simple, portait tout le poids de son amour, une réponse silencieuse à ses mots qui l’avaient touché au plus profond. « Tu ne sais pas… ce que tes paroles font à mon cœur », ajouta-t-il, un sourire discret, presque imperceptible, se dessinant sur ses lèvres – un sourire qu’elle seule pouvait lui arracher. Il s’avança légèrement, réduisant l’espace entre eux, mais veilla à maintenir une distance respectueuse, son corps droit et imposant, reflet de l’autorité qu’il incarnait. Même dans cet instant d’intimité, il restait l’oyabun, conscient que chaque geste pouvait être observé, même dans l’enceinte sacrée du Seikusu Palace.
Il jeta un regard furtif autour d’eux, s’assurant que leur moment restait à l’abri des curieux, même ici, dans ce sanctuaire de pouvoir qu’il contrôlait. Les jardins du palais, avec leurs cerisiers en fleur et leurs lanternes de pierre diffusant une lueur chaude, semblaient un havre temporaire face aux tempêtes de sa vie. « Katsu… et toi », continua-t-il, sa voix s’abaissant jusqu’à n’être qu’un murmure, comme s’il confiait un secret aux pétales flottant dans l’air. « Vous êtes mon ancre. Les seules raisons pour lesquelles je continue à me battre dans ce monde. »[/i] Son pouce caressa doucement le dos de sa main, un geste fugace mais chargé d’une tendresse qu’il ne montrait jamais en public. Il mourait d’envie de la serrer contre lui, de faire disparaître le monde, mais les traditions japonaises et la vigilance imposée par son rôle l’en empêchaient. Ce contact discret était un fil ténu mais puissant, reliant leurs cœurs dans le silence.
« Ce soir, j’ai une surprise pour toi », dit-il soudain, son ton mesuré mais teinté d’une pointe d’amusement, une lueur espiègle dans ses yeux écarlates. « Pas seulement le palais. Je t’emmène quelque part… un endroit digne de nous. » Il relâcha sa main avec une réticence presque palpable, son regard s’attardant sur elle un instant avant de l’inviter à le suivre d’un léger signe de tête. « Viens. »
Ils traversèrent les couloirs élégants du Seikusu Palace, leurs pas résonnant doucement sur le parquet poli, jusqu’à atteindre le restaurant kaiseki du palais, un joyau caché connu sous le nom de *Hana no Uta*. Niché dans une aile isolée, ce restaurant incarnait l’essence de l’élégance japonaise, avec ses cloisons shoji ornées de motifs délicats de fleurs de cerisier et ses baies vitrées donnant sur un jardin zen illuminé par des lanternes en pierre. L’ambiance était feutrée, l’éclairage tamisé des lanternes en papier washi diffusant une lumière douce qui semblait caresser les lieux. Une serveuse en kimono traditionnel les accueillit avec une révérence gracieuse, les guidant vers une salle privée, une table basse en bois de cerisier disposée face à un petit jardin intérieur où un ruisseau murmurait sous un érable aux feuilles rougeoyantes.
Okkoji s’installa avec sa prestance habituelle, son costume noir taillé sur mesure contrastant avec la simplicité raffinée du décor. La pochette rouge sang de son costume captait la lumière, ajoutant une touche audacieuse à son allure imposante. Il observa Aiko s’asseoir, ses gestes gracieux captivant son regard comme toujours. « J’ai voulu un endroit où nous pourrions… être nous », dit-il, sa voix basse mais empreinte d’une chaleur sincère. « Un moment où je ne suis pas l’oyabun, mais juste… ton Okkoji. » Il marqua une pause, ses yeux cherchant les siens, une lueur de vulnérabilité perçant son masque d’autorité. « Et où Katsu pourra nous rejoindre plus tard, quand il aura fini de réclamer ses histoires. » Il esquissa un sourire, repensant à leur fils, à ses éclats de rire et à ses étreintes enthousiastes dès qu’il le voyait. « Il te ressemble trop », ajouta-t-il, une note d’amusement dans la voix. « Cette façon de s’accrocher, de ne jamais lâcher… Je ne pourrais pas rêver d’un meilleur héritage. »
Le premier plat arriva, une composition délicate de sashimi de fugu, présenté comme une œuvre d’art sur une céramique artisanale aux motifs de vagues, accompagné d’une soupe claire au parfum subtil de yuzu et de shiso. Chaque détail, de la disposition des plats à la présentation méticuleuse, reflétait l’élégance intemporelle de la cuisine kaiseki. Okkoji observa Aiko, captivé par la manière dont la lumière douce dansait sur ses traits, accentuant la douceur de son visage et la lueur dans ses yeux. « Aiko », murmura-t-il, son ton redevenant sérieux, presque solennel. « Ce que tu as dit tout à l’heure… sur ta peur que je parte sans dire au revoir… » Il s’interrompit, ses doigts jouant nerveusement avec la montre en acier à son poignet, un rituel hérité de son mentor. « Je te le promets, jamais je ne ferai ça. Peu importe les dangers, peu importe les ennemis. Je trouverai toujours un moyen de revenir à toi. À vous. »
Il se pencha légèrement en avant, sa voix s’abaissant encore, comme si les murs du palais, pourtant sous son contrôle, pouvaient trahir ses mots. « Ce monde… il est impitoyable. Il prend tout ce qu’il peut. Mais toi et Katsu, vous êtes à moi. Ma force. Ma raison de tenir, même quand tout semble vouloir m’abattre. » Ses yeux écarlates, si intimidants pour le reste du monde, brillaient d’une intensité douce, presque fragile, réservée à elle seule. « Je ne suis pas aussi fort que tu le dis », ajouta-t-il, un aveu rare, sa voix teintée d’une ombre de doute. « Mais pour vous, je ferai tout pour l’être. »
Il tendit la main, effleurant la sienne sur la table, un geste audacieux dans cet espace semi-public, mais si discret qu’il passa inaperçu. « Ce soir, profitons de cet instant. De nous. Laisse-moi voir ton sourire, entendre ta voix… oublier, juste pour quelques heures, le poids du dehors. » Il retira sa main, reprenant sa posture composée, mais son regard restait ancré dans le sien, un mélange d’amour profond et de désir contenu. « Et dis-moi… », ajouta-t-il, une pointe de malice dans la voix pour détendre l’atmosphère, « est-ce que Katsu a encore essayé de te convaincre de lui lire trois histoires au lieu d’une ? »
Le repas se poursuivit, chaque plat – un tofu soyeux au sésame noir, un tempura de crevettes de rivière, une tranche de bœuf wagyu grillée à la perfection – racontant une histoire de tradition et de raffinement. Okkoji, malgré son apparence imposante et son aura de danger, semblait plus léger, ses épaules se relâchant légèrement à mesure que la soirée avançait. « Je veux que tu saches », dit-il finalement, alors qu’ils partageaient un dessert de mochi à la pâte de haricot rouge, « que chaque sacrifice, chaque combat… c’est pour un jour où nous n’aurons plus à nous cacher, à craindre les ombres. Je te le promets, Aiko. Ce jour viendra. » Ses mots, prononcés avec une conviction farouche, portaient le poids de son ambition, mais aussi de son amour indéfectible.
Il posa sa main sur la table, paume ouverte, une invitation silencieuse. « En attendant, ce soir est à nous. Et je veux le graver dans mon cœur. » Ses yeux écarlates scintillaient, reflétant les lanternes du jardin, et dans cet instant, loin des intrigues et des dangers, Okkoji Yamamoto n’était qu’un homme amoureux, prêt à tout pour protéger ce moment de paix avec la femme qui était son monde.