Je ne dis pas que le gamin est un incapable, loin de là. Il m'a aidée plusieurs fois dans ces terres constamment hostiles, sans rien demander. Ça peut paraître louche, je ne lui ai pas accordé une confiance totale. C'est normal, ça ne fait que quelques heures que nous avons fait les présentations. Si je me suis proposée comme premier tour de garde, c'est pour surveiller les environs...Et le surveiller lui aussi. Même s'il a l'air plus faible que moi, ça pourrait très bien être une illusion, un bon coup de théâtre et lorsque j'aurais le dos tourné...PAF ! Coup de poignard entre les nibards ! Et si vraiment la fatigue me gagne, et bien, il faudra bien que je me repose, mais ça ne sera que d'un œil ou d'une oreille. D'être toujours aux aguets, ça ne va pas être réellement reposant mais j'en ai l'habitude.
Il a beau ne pas être aussi fort que moi, ça ne fait pas tout. Ce gamin a l'air de parcourir de nombreuses contrées, aux climats et aux paysages bien différents des uns des autres. La faune, la flore...Il semble la connaître sur le bout des doigts, et peut facilement l'esquiver lorsqu'elle devient dangereuse apparemment. Ce petit bout d'homme sait se débrouiller, et en réalité, il n'a pas vraiment besoin de moi pour survivre ici. Il suffit de voir comme il a monté un petit truc pour faire sécher sa...chemise. Visiblement, il n'a pas froid. Ahem...On va éviter de trop le fixer, et je me concentre sur le feu, agitant une branche pour l'attiser sans l'éteindre. Sa remarque me fait rire, juste un peu. Est-ce qu'il sous-entend quelque chose ? Boarf, j'ai pas à m'en faire.
Je lève un sourcil quand je l'entends fouiller dans son sac, jetant un œil vers lui. Il me tend alors un petit paquet que j'attrape gentiment, le remerciant premièrement par un hochement de tête.
- Merci. T'étais pas obligé.
Je le vois bien qu'il reluque mon corps. Bon, j'vais rien dire. C'est pas le premier à le faire, et ce ne sera pas le dernier. Au moins, ce qu'il dit me fait sourire. Même rire un peu. Mon esprit se perd un peu dans des souvenirs forts lointains.
- Comme quatre, j'sais pas, mais il fallait bien manger pour gagner en force et en muscles afin de battre mes frères. Et maintenant, j'entretiens la machine. On va dire ça comme ça.
Ça fait longtemps que je n'ai pas pensé à eux. Quelle ingrate. J'ai un peu honte, je dois l'avouer. Il faut dire que plus les années passent et plus leurs traits s'effacent de mon esprit. Parfois, ce sont leurs voix qui s'éteignent...Ne voulant pas afficher une mine déconfite et triste, je me concentre sur ce qu'il m'a donnée. Je me penche un peu, reniflant le paquet offert. Ça sent ni bon, ni mauvais, donc ça doit être au moins comestible. Je ne fais pas la fine bouche et croque un tout petit bout dans ce précieux mets de fortune. Il est bien gentil de me laisser taper dans ses réserves. Au moins, c'est pas du poison.
Je ne suis plus bavarde. Je ne vais pas parler la bouche pleine non plus ! Quoique...Je prends mon temps pour manger à petites bouchées. Je hausse les sourcils de surprise quand je l'observe sortir de son sac une sorte de matelas...Attends, son sac, c'est un trou sans fond ? Ha. S'il prend des missions sur Lenwë, ça ne m'étonnerait pas plus que ça qu'il ait obtenu des objets magiques en récompense...Mmh, la chose qui me titille un peu plus, et promis, j'reluque pas pour ça, mais...Il n'a absolument aucune cicatrice. J'veux dire...Même si ce n'est pas un combattant et qu'il a tendance à esquiver le danger, il crapahute dehors tout le temps. Il devrait avoir des cicatrices de coupures ou d'anciens coups, sur ses mains, son t...torse. Merde, quitte ça des yeux, Yukka !
Je gronde, mâchouillant la dernière bouchée de mon dîner, tandis qu'il s'installe sur son lit de fortune. Le nez froncé, reniflant longuement, j'me lance, vu qu'il a l'air de vouloir bavasser.
- J'ai une question. Tu l'as eu où, ton sac de l'infini, là ? On te l'a offert ? Tu l'as acheté ? Tu l'as volé ?
Oui, bon, ça ne fait pas qu'une seule question. Dans tous les cas, j'attends qu'il me réponde, et il a intérêt à être sincère, sinon, ça risque de ne pas être une très bonne nuit, j'le garantis.