Comme la dernière fois, la mystérieuse fille avec laquelle j'échangeais tous ces vers ne répondit pas. Sans doute s'était-elle préparé à aller travailler. Quant à moi, je n'avais encore rien décidé de réellement concret à ce sujet pour l'instant. Tout semblait tourner autour de mon frère et je doutais de plus en plus avoir été conçue pour avoir un quelconque avenir sans lui... Je vaque alors à ouvrir et à observer les livres qui trônaient sur une grande étagère à côté du bureau. Je me rappelais encore de toute la poussière qu'il y avait dessus, avant que je les nettoie pour le déménagement depuis les états-unis pour venir nous installer ici au Japon. L'absence prolongée d'Eva avait mis la grande majorité de ses affaires dans un état qui semblait avoir été pris à travers les tourments du temps. Ce qui était après tout normal, au vu des nombreuses années qu'elle avait passé dans ce lit d'hôpital...
Le temps que j'ouvre quelques livres, je finis par entends mon frère qui se lève. Comme chaque jour depuis notre arrivée dans notre nouvelle demeure, j'avais pris l'habitude de quitter la chambre à ce moment-là pour lui préparer un copieux petit déjeuner. Je savais que c'était important pour lui de me voir et de discuter un peu avant d'aller qu'il ne parte au travail. C'est donc après l'avoir embrassé et servi un petit déjeuner à l'anglaise, mélangé avec des céréales sucrés, ainsi que de toutes sortes de miels qu'il adorait par dessus tout, que j'avais tout autant pris l'habitude de l'attendre ensuite à la sortie de la demeure près du grand portail, une fois le petit déjeuner terminé. Une fois que nous y avions échangés un signe tandis qu'il s'éloignait avec sa voiture de sport, je regardais le portail se refermer lentement devant moi. Mais à la différence que pour la première fois depuis son départ matinal, que je me suis rapprochée des barreaux pour les observer avec une sensation étrange, avant d'observer ensuite à travers pour y voir le long chemin qui se perdait à travers la forêt, juste derrière la grille. Puis lorsque je me suis retourné pour y voir à nouveau le manoir, je prenais conscience d'être ici entre ces quatre murs, juste derrière le décor qui appelait à la liberté. Je ressens alors soudainement comme une étrange et brève sensation m'étreindre de manière inexplicable, mais que je ne laisse pas le temps de se former à travers mon esprit, préférant chasser sa présence de celui-ci.
La journée en elle-même se passa tranquillement. Entre le fait de m'occuper autant à l'intérieur des murs, que d'aller passer du temps dehors en ville ou bien dans les vallées perdues selon mes envies du moment, j'avais toujours de quoi me perdre à observer. Malgré les encouragements de mon frère, je ne m'étais faite aucune amie depuis notre emménagement. Je ne travaillais pas, je n'avais aucun projet d'avenir concret en tête à part celui de soutenir mon frère et bien que je ne refusais jamais l'apprentissage, les études à proprement parler dans une université ne semblaient pas avoir sa place pour moi. Je ne comprenais pas... Eva n'avait-elle donc aucune ambition, au point que je sois là à seulement rester spectatrice de sa vie passé, ainsi que de tout ce qui m'entourait au quotidien? Aussi avais-je plutôt mis cela sur le compte qu'elle était parti beaucoup trop tôt "hors du monde", que pour avoir sans doute eu le temps de réellement réfléchir à son avenir, ce qui pouvait sans doute se comprendre au vu de l'issue dramatique de la situation...
C'est ainsi qu'une journée entière composée d'activités d'entretien au manoir, d'observations externes menée sur la vie terrienne, passa une fois de plus. Et exactement comme pour l'aller, je me tenais au portail pour y accueillir mon frère qui revenait du travail tout en fin de journée. Exactement comme depuis que je suis revenue à la vie selon sa volonté, je suis parti ensuite faire à manger, car Eva semblait s'intéresser à la cuisine et ce, dès qu'elle était toute petite. Nous passions ensuite à table une heure plus tard et comme toujours, Ralph me conta sa journée et moi je l'écoutais avec attention. Comme souvent, je le conseillais et je tentais parfois de trouver des solutions avec lui face à ses éventuels problèmes quotidiens, juste avant qu'il ne parte parfois en éclats de rire, me jugeant être toujours trop sérieuse. Mais ce que je savais en vérité, c'était que mon frère était animé par une étrange controverse et qu'il y avait des choses en lui qui n'appartenaient pas aux anciens souvenirs d'Eva. Malgré sa tendresse, je voyais bien qu'il restait intérieurement tourmenté. Beaucoup plus encore que ce qu'il voulait bien me dire à ce sujet. Aussi je ne cherchais jamais à aller trop loin quand nous abordions éventuellement les points sensibles qui me concernaient. Quelque chose me disait intérieurement que je devais éviter de franchir un certain seuil de discussion à ce sujet. L'accident d'Eva, le coma dans lequel elle s'était retrouvée plongée durant des années et l'état que cela a entrainé pour Ralph, je sentais qu'il restait des points sombres et douloureux en lui et ce même malgré ma présence à ses côtés. Parfois Ralph me demandait si j'étais heureuse de vivre avec lui et si je me sentais simplement bien d'être à ses côtés. Je lui répondais évidemment toujours par l'affirmative...
Une fois remontée un peu plus tard dans ma chambre après y avoir mangé et fait la vaisselle, j'y ai trouvé la nouvelle notification indiquée sur l'écran de mon ordinateur. Lorsque je me suis mise à lire les mots de ma mystérieuse correspondante, ces derniers semblaient encore une fois trouver un sens profond à l'intérieur de moi. Mais avant que je ne parte de nouveau un peu trop dans des réflexions intérieures, j'y couchais ce qui me venait à l'esprit.
"Chaque seconde qui nous traverse se transpose dans le typhon de l'histoire de notre vie."