Elles avaient une toute autre image aujourd'hui, dans l'esprit de la kyubi des glaces. Les terres sauvages avaient toujours été un havre de paix pour Shinda. Paysages magnifiques de sa nouvelle vie, loin des décors terriens que la renarde avait pu explorer, parfois indirectement, pendant de longs siècles. Au moins, sur Terra, la géante pouvait vagabonder comme elle le souhaitait, sans avoir réellement à se soucier d'un possible danger. Qui s'en prendrait à une jeune femme de plusieurs dizaines de mètres de hauteur ? À moins d'être un fou ou juste inconscient, personne n'oserait. Errer dans un tel tableau, représentatif de la sérénité du coin, un paradis sans réelle limite, c'était là le quotidien de Shinda, sans parler de ses séances de bains dans les points d'eau qui lui plaisent, ainsi que ses siestes au soleil ou perchée dans les arbres, à l'abri des regards.
À la lisière de la forêt, la kyubi des glaces s'était perchée sur une haute branche, lovée contre le tronc d'un vieux chêne d'au moins plusieurs centaines d'années. Les yeux mi-clos, profitant de la douce chaleur filtrant à travers le feuillage dense, elle soupira d'aise. Le vent jouait avec les poils si soyeux de ses queues, qu'elle avait soigneusement déroulées sur elle comme une couverture toute moelleuse. Shinda savourait simplement cet instant de calme, ce luxe rare dans une forêt où le moindre bruit pouvait signifier un danger ou une opportunité.
Elle qui semblait atteindre les flots lents et doux des songes, fut vite ramener à la réalité. Ce calme qu'elle avait réussi à capter fut soudainement troublé. Un son sourd, semblable à un grondement, traversa la cime des arbres. D'abord lointain, il se fit de plus en plus distinct, presque régulier, comme une onde qui semblait résonner dans les entrailles de la terre. Même l'écorce de l'arbre qui caressait son dos s'était mis à vibrer contre son corps. La femme renarde dressa ses oreilles, les pivotant par ci, par là, ses pupilles fendues se dilatant sous la curiosité. Ce n'était ni le cri d'un prédateur, ni celui d'une proie. Non, c'était...différent. Quelque chose de lourd, de profond, de puissant...Bien qu'étrangement paisible.
Shinda se mouva pour se redresser, usant de ses longs ongles semblables à de petites griffes sur sa griffe pour ne pas tomber, histoire de mieux écouter ce qu'elle entendait. Tout autre personne ordinaire aurait sûrement fui dans la position opposée à l'origine du bruit, mais la belle brune était tout sauf banale. C'était une kyubi, une créature des plus curieuses par nature, avide de mystères et de secrets. Ses instincts lui soufflaient de rester tout de même à l'écart, mais son esprit la poussait irrésistiblement à s'approcher de cette résonance inconnue. Elle marmonna pour elle-même, sa voix douce et chantante se mêlant au bruissement des feuilles.
- Qu'est-ce que ça peut être ?
Silencieusement, la demoiselle se mit à sauter de branche en branche, se déplaçant avec grâce et agilité, comme si elle filait comme portée par le vent. La voie aérienne était toujours plus sûre, ne sachant pas sur quoi elle tombera, malgré ses pouvoirs et son pouvoir de changement de taille. En cas d'extrême danger, elle pourrait utiliser son don d'invisibilité mais ça risquerait de l'épuiser...
Plus la kyubi avançait, plus le son se précisait : il s'agissait là d'un ronflement, sûrement d'un monstre assez grand, celui-ci étant puissant et régulier, faisant presque danser les petits cailloux au sol. Shinda s'approcha encore davantage jusqu'à arriver à l'arbre servant de support à la sieste d'une curieuse créature. Elle était là, massive, avec deux cornes sur le crâne et une imposante tignasse, que dis-je, une fourrure même ! Elle était là, ronflante, étendue de tout son long au pied de l'arbre où était perchée la kyubi.
- Alors là... , murmura-t-elle, impressionnée.
Shinda se décida à descendre un peu, toujours des plus délicates pour être la plus silencieuse possible, pour finalement arriver juste au dessus de la bête. Elle semblait profondément endormie. Son torse immense montait et affaissait à un rythme lent et régulier. Ses ronflements faisaient même fuir les oiseaux et autres petits animaux alentours. Cela pouvait se comprendre. Pire qu'une machine humaine, ce truc-là.
Assise sur la branche au dessus du tracteur terranide, balançant doucement ses jambes dans le vide, ses queues ondulaient paresseusement derrière elle. Elle se mit à grogner, mais comprit que cela ne servait à rien. La créature n'eut aucune réaction. Shinda fronça les sourcils, légèrement vexée de n'avoir su le réveiller de la sorte. Bien, faisons autrement alors ! Un fin sourire en coin orna ses lèvres, puis d'un seul coup, dans un « pouf » inaudible, elle se fit ridiculement minuscule. Lâchant prise sur la branche où elle était, l'insaisissable renarde se laissa tomber dans la fourrure blanche du terranide. Elle en écartait les poils comme si elle se frayait un chemin dans une jungle pour atteindre l'oreille gauche bien cachée. La kyubi se frotta les mains, impatiente et malicieuse, se laissant porter par sa bêtise, elle poussa un cri.
- Debout, là-dedans ! C'est ta conscience qui te parle, gros plein d'soupe !