La fièvre qui s'est emparée d'eux ne cesse de grimper en température. De doux, légers et emprunts de douceur, leurs baisers ont fondu dans une passion intense et dévorante qui annihile toute forme de retenue adulte. Tous deux sont comme de jeunes amourachés qui expriment presque maladroitement leur attirance l'un pour l'autre. Les gestes deviennent plus exigeants, les caresses plus appuyés, le contact plus brûlant. Kentaro oublie qu'il ne devrait pas, qu'il devrait être celui qui imposerait la cessation immédiate de cette plongée vertigineuse dans une TRÈS grosse bêtise. Mais il ne peut pas lutter, c'est ainsi que se construisent les belles histoires. Les hauts cèderont aux bas, le bonheur à la tristesse, la réflexion à l'impulsivité. Le melting-pot d'émotions qui le submerge est bien trop fort pour lui ... et Irène sent si bon ...
C'est à nouveau aux maquilleuses que revient la palme de la douche froide. Irène obtient le césar de la meilleure cascadeuse tant elle réagit au quart de tour et s'élance pour bloquer la porte. Et Kentaro obtient la palme du meilleur sprinter en apnée en se jetant sur le synthétiseur.
Et puis ... tout se tasse et chaque chose revient presque à sa place. Il y a des choses qu'on voudrait dire mais qu'on ne peut pas. Kentaro reboutonne sa chemise et se dirige vers la porte. Le mieux est de sortir, il pourra respirer dehors et remettre de l'ordre dans ses idées mais Irène l'arrête et signe. Elle a raison. Elle a complètement raison. Il faut réagir puis parler, ne pas laisser cet interlude sans explications. Le garde du corps hoche la tête. Après ... ils parleront après. Irène doit se changer mais son dernier geste termine de l'achever.
Un seul? Ok? Est-ce une tentative pour elle-même de se rassurer, ou de le calmer lui? Pourquoi un seul déjà? Ou plutôt, pourquoi retenter le diable? kentaro est un homme, fringuant, vigoureux, dynamique, complètement investi dans tout ce qu'il fait. Un seul? Ça aurait le goût de l'inachevé. Là où il y en a un, il y en a deux, et d'autres encore ... Un est un impair et il ne veux pas resté sur un impair. Ils sont deux et se sont lancés ensemble. Aussi, quand Irène vient lui offrir un baiser fugace pour s'éloigner tout aussi vite, il l'attrape par le poignet et la tire à lui. C'est à son tour et ses lèvres sont tout sauf légères et délicates. Son baiser est dévorant et irrémédiablement magnétique. C'est le baiser d'un homme qui en pince sévère pour une femme. Cela fait deux. Et c'est à son tour de se séparer d'elle. Il rejoint la porte en reculant pour ne pas la perdre des yeux, marque un temps d'arrêt qu'on pourrait prendre pour la préparation d'un nouvel élan, mais sort finalement.
"Qu'est-ce que je fous?"
Dans la coursive, il est appuyé dos au mur. Il se passe la main sur le visage. L'odeur d'Irène est sur lui, fatalement excitante. Le garde du corps jette un œil à gauche, à droite, personne ... pffiiooouuu ... Quelle journée.
"Non mais qu'est-ce que tu fous?"
C'est bien la question. Tu fous ta vie en l'air? Ou alors tu prends un tournant en suivant la courbe du virage comme elle se présente? Ou encore tu te laisse aller à un caprice? Kentaro balaie la troisième option, il n'est plus un gamin. Indéniablement, Irène lui plait mais l'image de la star aurait plus à en pâtir que la sienne si quelque chose devait arriver. Et l'idée d'un flirt avorté qui s'arrêterait à ce flamboiement improvisé était hors de question. Il ne voulait pas se mentir, ni lui mentir, et il savait déjà qu'Irène était honnête dans tout ce qu'elle faisait.
"Tu es dans la merde mon vieux ..."
Quelques minutes passèrent avant que la porte ne s'ouvre sur Irène. Ils furent tous deux de bons acteurs car l'équipe avait rejoint la loge pour la suite. Rien ne filtra, aucune émotion. Le décor du plateau avait été changé, on aurait pu croire à une contre allée sinistre de Brooklyn, avec des éclairages crus. Là, on était plus dans la légèreté de la nuisette, le thème était hardcore au goût de Kentaro. Mais bon, il n'était pas professionnel de la publicité et aujourd'hui, la provocation était une bonne arme commerciale. Et quand Irène apparut sans son peignoir ...
Mon Dieu ...
Il chercha le point commun entre la rue, la tenue, Irène et la photographie mais ne le trouva pas. On trouvait ce genre de clichés dans Playboy d'habitude, ou d'autres magazines plus adultes.
Le photographe revint, toujours avec sa tête de con mais avec des manières plus correctes.
"Ahem ... donc pour le thème suivant: les créateurs veulent rendre hommage à Anita Lewinscky, prostituée reconvertie dans la mode. Elle a transformé la vulgarité de la rue en success fashion style."
C'est une blague là? Ça peut exister ce genre de truc, vraiment? Non, c'est une histoire à dormir debout! Et bien non, c'est vrai ... Kentaro fusille du regard le photographe qui n'y pour rien, pour le coup. Ensuite il fusille aussi du regard les techniciens qui ont soudainement plus à regarder sur le plateau qu'à faire leur boulot.
"Il nous faut le client! Où est le client? Quelqu'un a vu le client?"
Le client? Mais de quoi parle t'il? Et puis Kentaro comprend ... la rue, la fille, le client. C'en est trop! Il fait un pas en levant la main pour attirer l'attention. La séance est terminée.
"Excellente idée! Je ne vois pas l'acteur. Si vous voulez bien le remplacer, on ne montrera pas votre visage."
"Pardon?"
Une des créatrices se précipite vers lui.
"Oui!! Ce sont six mois de travail. On ne peut pas tout gâcher pour une absence. Ariane a validé le scénario. S'il vous plait monsieur!"
"Mais ..."
Il lève les yeux sur sa ... magnifique patronne.