Cette femme était vraiment une personne des plus bizarres, mais Kamui n'en était guère plus normal, sinon encore plus bizarre qu'elle ne pouvait l'être. Alors qu'il avait cru qu'elle avait été déstabilisée par ses yeux, elle lui avait encore une fois prouvé le contraire en lui retirant ses lunettes avec une impressionnante délicatesse. L'envie de lui faire plaisir saisit le beau centenaire et il la regarda dans les yeux, s'immergeant une nouvelle fois dans l'eau glacée de ce regard. Une mince étincelle de cruauté avait traversé ce contact, mais ce qui provoqua l'envie de lui arracher les globes oculaires, c'était l'amour qui le suivit. Il détestait ce regard et ce qu'il signifiait, pour la simple et bonne raison que son cœur dégoûtait l'amour-qui-fait-mal. Mais quelque part ailleurs, il se sentait bien. Même s'il avait reculé, la demoiselle s'était à nouveau rapprochée, ce qui voulait dire qu'il ne la laissait pas indifférente.
Elle lui demanda s'il était immortel, tout comme elle. Son immortalité n'était pas franchement une grande surprise pour le jeune homme, il s'en doutait plutôt pas mal. Il la dévisagea un moment puis glissa une main sur le bras de la demoiselle pour lui enlever l'objet d'acier qu'elle avait caché sous ses vêtements. Le petit couteau n'était pas visible, bien caché dans la main du jeune homme. Parfois, les mots n'étaient pas nécessaire et il aimait bien économiser sa salive. D'un geste, il s'enfonça le couteau dans le cœur. Il n'eut qu'une légère grimace lorsqu'il l'enleva, mais il tenait toujours debout. Il dévisagea l'air de la jeune femme, lui rendant le couteau souillé de sang, léchant celui qu'il avait sur les doigts.
- "Je suis immortel à un point où la mort n'en devient qu'un beau rêve." Lui dit-il avec son calme impassible.
La mort effrayait les mortels et tous la craignaient comme une peste ravageuse et pourtant, Kamui ne cessait jamais de désirer mourir pour rejoindre sa bien-aimée dans les abysses du néant, mais il n'a pas trouvé le moyen de mourir. Vivre était devenu quelque chose qu'il détestait, mais voir cette femme et ce regard prouvait qu'il manquerait bien des choses en mourant trop tôt. Il glissa alors une main sur le visage de la demoiselle, se perdant une nouvelle fois dans les ténèbres rassurantes de ses yeux. Il avait tellement envie de s'y abandonner, de ressentir la même chose que devait ressentir la femme qu'il aime et de laisser derrière lui son enveloppe charnelle à la jeune femme, qu'elle fasse ce qu'elle veut de ses dons, ses connaissances et son physique, tant qu'elle le laissait noyer son âme dans les ombres du péché qu'elle gardait en elle. Tout délicatement, il effleura ses lèvres des siennes sans pour autant s'y coller. Son regard de marbre restait planté dans le sien, prit dans une telle concentration qu'un coup de poing ne l'aurait même pas fait sourciller.
- "Peu m'importe ce que vous êtes, ce que vous avez fait ou ce que vous avez envie de faire, Selene-chan, votre existence m'intéresse grandement." laissa-t-il échapper avant de l'embrasser tendrement sur les lèvres.