Pauvre petit poussin. Pour le coup, la fierté de la señorita Castejón était clairement mise de côté. Dans un environnement totalement étranger, elle perdait littéralement pieds, et pour ne pas être ridicule ou ne pas être abandonnée, Soledad se rattachait à ce qu'elle connaissait, c'est-à-dire Callisteros. Elle ne pouvait rien dire ou faire dans ce lieu. Tout ce monde lui paraissait dépassé, comme si elle était remontée des années, même des siècles auparavant sur Terre, au moment où la chevalerie était de mise. Parler n'était pas de mise non plus, ne pouvant que signifier que quelques mots en les décrivant avec ses mains, pour communiquer. C'était...archaïque.
Soledad, toujours un peu intimidée par l'ambiance et les regards insistants, fit de son mieux pour sourire timidement en s'asseyant en face de Callisteros. Le contact chaleureux de sa main avait réussi à la rassurer un peu. Elle observait l'auberge, notant les détails qui la différenciaient de ce qu'elle connaissait sur Terre. Les poutres en bois massif, les tables usées par le temps, les bougies qui projetaient des ombres dansantes sur les murs...Tout cela contribuait à une atmosphère à la fois rustique et accueillante. Prenant délicatement la chope que lui tendait Callisteros, elle imita son geste en levant son verre.
- ¡ Salud !Elle répondit avec un sourire timide avant de prendre une petite gorgée de la bière. L'amertume la surprit fortement, toussant même, virant au rouge de honte. Elle n'était pas très friande de bière en elle-même. Il lui arrivait d'en boire mais avec du sirop, généralement de cerise ou de pêche, pour cacher la possible âpreté de la boisson. Et puis, d'habitude, elle préférait le vin rouge à la bière, même la sangria ou du calimocho pour être plus spécifique. Sauf que là, c'était beaucoup trop amer ! Sûrement que la grimace qu'elle avait faite lors de la déglutition était magnifique. De petits rires se firent entendre, ne provenant pas de son compagnon de voyage, les autres clients présents dans la taverne la trouvant ridiculement faible. Elle baissa le visage, son regard sombre fixant la chope. Le feu lui prenait tellement le visage qu'on pourrait croire qu'elle entamait sa transformation, mais il n'en était rien.
Toussant légèrement, l'andalouse releva le bout de son nez, sentant que le jeune homme cherchait à lui dire quelque chose. D'après ses mouvements, lui demandait-elle si elle avait froid ou bien qu'elle pourrait se laver ? Ne pouvant lui répondre correctement, elle ne fit que hocher la tête. L'hispanique se mit à sourire très légèrement, les épaules un peu en avant, voulant paraître plus petite, se cacher même. Vraiment, elle se sentait comme un agneau autour d'une meute de loups...Alors que ses yeux d'obsidienne fixaient Callisteros, la belle rousse aux courbes alléchantes s'approcha du drôle de duo.
- Hey. L'bain est chaud. C'pour elle en premier, j'imagine ?Plutôt imposante de par sa corpulence et par sa confiance en elle, la tavernière invita Soledad à la suivre, celle-ci cherchant l'aide de Callisteros pour savoir quoi faire. Elle comprit bien que c'était alors pour se laver lorsqu'elle se dirigea à l'étage, à la suite de la rouquine. Celle-ci ouvrit une porte donnant sur une
petite pièce, pouvant donner quelques crises de claustrophobie...Les murs avaient les pierres apparentes, donnant un aspect fort rustique et ancien à la pièce. Le tout était éclairé par deux grands chandeliers, avec des bougies plus ou moins longues, certaines à la limite de s’éteindre. Une sorte de grand et large tonneau était posé non loin d'une cheminée allumée. Il faisait pas très chaud dans la pièce, mais on voyait clairement que l'eau l'était. Une chaise traînait là, bancale, avec une serviette un peu usée mais propre.
- V'là pour toi, l'gueuse. Va barboter, j'te remont'rai quelque chose que ta...ton déguisement de guignol. C'est ton gars qui l'a demandé.Sans rien comprendre, et de peur de contrarier la rousse, elle hocha la tête pour valider ce qu'elle a dit, espérant que cela suffise. Et ça passe. La femme s'en va, refermant la porte derrière Soledad. La danseuse soupira alors, rassurée de la tournure de ce petit échange. Puis, elle s'affaire à se déshabiller et à plonger dans cette baignoire de fortune.
- Haaaa...Que ça fait du bien !L'eau était même un poil trop chaud, mais pour le commun des mortels. Pour un esprit du feu, cela ne lui faisait qu'un petit chatouillis plaisant. Balançant sa longue chevelure de jais en arrière, elle prit la peine de la mouiller, à l'idée de laver la crasse présente dans ses cheveux. Fouillant la pièce du regard, Soledad trouva un savon carré, semblant être du même genre qu'un savon de Marseille, ainsi qu'un bout d'éponge naturelle. Bien, elle fera avec...Avec soin, elle se frotta tout le corps, voyant l'eau se troubler en absorbant du savon et de la saleté dont la danseuse se débarrasse. Pourtant, ça ne faisait pas longtemps qu'elle était sur les routes...Elle comprenait mieux de comment les gens vivaient, d'un point de vue hygiène, au Moyen-Âge. Enfin, elle s'en persuadait.
Rapidement, elle sortit de cette grand baignoire, pile au moment où la tavernière revint dans la pièce. Soledad, surprise, usa de ses mains pour cacher ses parties intimes ainsi que sa poitrine, qu'elle trouvait ridiculement petite par rapport à la rouquine. Cette femme ricana, déposant une montagne d'habits en boule sur la chaise, retirant d'abord la serviette pour la balancer à l'andalouse.
- Pudique, gamine ? Ha ! Tiens, essaie ça. On serrera s'il faut.Le corps de l'hispanique se mit à trembler un peu, surprise dans ce moment d'intimité. La tavernière, elle, soupira longuement avant de se retourner, croisant les bras sous sa poitrine, la faisant paraître encore plus imposante. Elle grogna quelques mots que l'ibérique ne comprenait pas. Rapidement, elle attrapa la serviette et se mit à se sécher au maximum, avant de l'enrouler autour de ses cheveux, comme une femme moderne le ferait habituellement. Elle toussa pour indiquer qu'elle avait fini, demandant de l'aide pour la suite. La tavernière se retourna pour assister la jeune femme pour la vêtir. D'abord, elle lui fit passer une large tunique, aux manches trois quarts. Sa poitrine, pourtant pas inexistante, semblait l'être sous ce tissu. Elle lui avait également prévu un pantalon léger mais comme il était trop ample, elle lui avait prise également un long tissu pour le lui attacher telle une jupe. Trop grand aussi. Tout comme le corset d'ailleurs. Tant pis. La rouquine s'en amusa à serrer, seeeeeeerreeeer les cordages pour que cela colle à la silhouette fine de la danseuse. Enfin, elle lui fit essayer plusieurs paires de bottines en cuir à lacer, pour trouver sa pointure. Sans délicatesse, elle lui enleva la serviette qu'elle avait sur les cheveux, attrapant une brosse à cheveux qu'elle avait d'attacher à sa ceinture. Un peu plus indulgente, la rousse vint défaire les nœuds dans la chevelure de jais de l'hispanique, refaisant apparaître les ondulations de sa coiffure. Voilà, Soledad était
parfaite à présent.
- Allez, t'peux dégager maint'nant. J'vais vider l'bain.Toujours sans comprendre, la belle brune sortit de la pièce, un peu mal à l'aise avec ce corset, cet instrument de torture ! De ses yeux sombres, elle scruta les alentours, dans le couloir et les escaliers, à la recherche de Callisteros...