A plusieurs reprises, les réponses de Jackson lui avaient inspiré un seul et même geste. Son majeur levé bien haut, en lui réitérant d’aller se faire foutre. Il était étonnant qu’elle soit attirée, encore maintenant, par un tel connard. C’était le pire type qu’elle n’avait jamais rencontré, et pourtant, elle avait l’habitude des gros lourds au bureau… Baku, à côté de Jaxx, c’était un enfant de chœur. Chaque réponse paraissait être choisie pour la choquer, la pousser dans ses retranchements, et pire, elle se demanda s’il ne faisait pas beaucoup d’efforts pour se faire détester d’elle.
Pourtant, elle était quand même là, coincée contre le miroir de l’ascenseur qui devait la mener à son appartement, stressée de devoir lui ouvrir sa porte, mais le cerveau tourné vers une préoccupation plus animale. Une réaction incontrôlable que cette grosse main caleuse sur ses fesses faisait naître d’instinct, alors qu’elle aurait dû râler qu’il prenne la liberté de relever sa jupe sans même lui en demander la permission. Elle ne lui appartenait pas, pour qui il se prenait, ce rustre ?!
Cependant, lorsqu’elle croise son regard, et qu’il avoue qu’il trouve ça « très bien », Kara manque un battement de cœur. Ça sonne tellement franc et sans filtre, exactement comme lorsqu’il cause d’habitude à vrai dire, mais cette fois, il y a un accent bizarre qui la fait déglutir, la bouche entrouverte. Sa gorge est immédiatement sèche, alors qu’elle sent clairement cette bosse rigide qui s’écrase contre l’arrondit de ses fesses, qu’elle cambre par réflexe. Dis-lui qu’il ferait mieux de s’écarte tout de suite. Il a l’air tellement excité… C’est une bête sauvage, et elle se sent comme un pauvre petit lapin pris au piège dans les grands phares d’un pick-up qui lui fonce dessus, qui va lui rouler sur le museau sans une once de considération. Kara se sent petite, faible, et tremblante.
Mais cette crainte d’être dévorée toute crue, étrangement, souille sa culotte déjà parfaitement impropre, faible barrière pour absorber les miasmes précédents, et qui semble vouée à être inutile entre eux. Quelque chose les pousse à se coller, c’est impossible d’y résister. Est-ce que la physique a expliqué ce phénomène, déjà ? La Commerciale lui lance un regard de victime déglinguée, une seconde, comme si elle le suppliait tout à la fois de ne pas lui faire de mal, et en même temps, de ne pas la ménager. C’était ce qu’elle ressentait au fond d’elle sans réussir à faire un choix. Elle avait envie de le baffer, autant pour lui dire à quel point elle le détestait, comme il la dégoûtait, et combien elle avait envie de fusionner avec lui pour former un seul et même amas de magma dégueulasse qui crame tout sur son passage.
La faible lumière électrique créé sur le visage anguleux de Jaxx des lignes saillantes qui soulignent encore plus l’animalité virile de son faciès. Bordel, ce qu’il est charismatique. Comment c’est possible ? En réagissant un peu vivement à la pression de son membre qui toque à son cul, Kara esquisse trop vivement un mouvement de bassin et fait balancier, cognant son front à la vitre, sans s’en plaindre. Elle est trop prise par la sensation renouvelée et c’est pire… Parce que désormais, ils savent tous les deux ce que ça fait, la sensation de Drago dans Desco. Et ce souvenir pourtant pas si vieux augmente son trouble, la faisant se dandiner et serrer les cuisses avec envie.
Il y a cependant une once de gêne, à être le postérieur à l’air dans l’ascenseur de chez elle, avec ce risque constant d’être surpris. Un petit quelque chose là-dedans l’excite, et une voix moqueuse lui rappelle qu’elle s’est fait sauter en pleine rue. Merde. Kara se mord la lèvre, la joue contre la froide surface qui lui renvoie une sale image de sa gueule noircie, et marque le miroir de son mascara dégoulinant.
« Non. » C’est soudain, elle a un éclair conscient et assuré. Ses épaules se déplient sensiblement, elle a l’air sûre d’elle, pour une fois, mais en tournant le visage, butant son cou pour se contorsionner et le voir, elle se fait voler un baiser, et sans se laisser abattre, s’en trouve immédiatement électrisée. C’est physique, ou chimique, elle n’a jamais bien su la différence, et s’en cogne… Il pose sa bouche sur la sienne, et elle lui livre ses secrets, son code de carte-bleue, son journal intime de quatrième, et lui achète une paire de pantoufles pour chez elle. Sa langue s’étire pour venir taquiner la sienne, elles se répondent avec un naturel alarmant qui devrait leur faire dire à tous deux que, non, ce n’est pas une bonne nouvelle. C’est le signe évident que ce sera douloureux, plus que d’habitude.
Sa main se lève pour venir poser la paume sur la joue qui pique de Jaxx, l’emprisonner de ses doigts comme des serres possessives, avec la sensation viscérale qu’elle veut le dévorer sur place. Comme s’ils n’avaient plus le temps… Comme s’ils en avaient déjà perdu trop. Soudainement, pour Kara, sa salive qui se mêle à la sienne devient vital. Et elle trouve que le goût de ses lèvres d’alcoolique loser, de suicidaire macho, a le parfum du miel et des brioches chaudes à la fleur d’oranger. Qu’est qu’il ne faut pas entendre… Son soupir vient s’écraser dans un bruit obscène de succion.
« Suis-moi. » Une seconde, sa voix a sonné comme un ordre, mais c’est Kara, elle ne peut s’empêcher d’ajouter un léger « S’il te plait. » plus doux, se décrochant de sa ventouse, se penchant suffisamment pour le faire reculer de ses fesses… C’est vrai, ce serait vraiment excitant de faire l’amour ici, mais maintenant qu’ils sont au septième étage, pourquoi hésiter ? C’était contre le hummer qu’il fallait se poser des questions, ma Grande, c’est trop tard, assume. Quelque chose lui dit qu’elle fait une connerie, et quelque chose lui dit qu’elle en a déjà fait de toute façon, et qu’il vaut mieux aller jusqu’au bout…
Kara rappuie sur le bouton d’ouverture des portes en reprenant sa respiration, et essuyant son menton d’un revers de main peu gracieux, avant d’éclater de rire en échangeant un regard malicieux avec son Rebelle d’amant. Ne pas se perdre dans la contemplation de ses pectoraux, ne pas se perdre dans…
« Putain. » Son sourire laisse la part belle à ses dents quand elle l’observe, en entendant les portes s’ouvrir. « T’es une bête. »
C’est un compliment, elle en est sûre. Un monstre, plutôt. Un monstre de testostérone et un fantasme sur patte. En lui tournant le dos, la jeune femme tente de replacer tant bien que mal le tissu imbibé d’eau et de liquides plus douteux, histoire d’être présentable, un peu, dans le couloir qui mène à son appartement. Et, comme si elle avait peur qu’il n’obéisse pas à son commandement, sa main vient se saisir de la sienne. Ses doigts enlacent les siens de manière idiote, pour l’emprisonner totalement, et s’assurer qu’il la suive bien.
Son autre main lui fait signe, de l’index, de marcher dans ses pas, alors qu’ils remontent un couloir plongé dans la pénombre, où seules les lumières vertes des issues de secours éclairent les lieux. A-t-elle volontairement évité d’allumer les plafonniers ? Sans doute pour éviter d’éveiller les voisins, les commères, et qu’il n’ait pas à voir davantage son état lamentable… ? Même s’il a dit que ça lui allait, Kara ressentait une sorte de gêne à mesure qu’ils avançaient jusqu’à son chez-elle, qui n’accueillait pas tant de monde que ça, finalement. Le connaissant, il irait de ses commentaires, et elle savait que cela la toucherait plus qu’il ne le fallait.
La clé entre dans la serrure, et elle sent dans son dos la respiration du Biker, qui lui donne des frissons, impatients, comme anxieux. Elle avale difficilement sa salive, se racle la gorge.
« Jaxx, au premier commentaire, je décommande mardi, c’est clair ? »
Pour appuyer ses mots, Kara se tourne complètement et lui fait face, en levant le menton pour paraître plus grande et plus impressionnante. Mais le voir comme ça, deux bonnes têtes de plus qu’elle, la jeune femme se sent à nouveau minuscule et friable. Il a trop de pouvoir sur elle, c’est dangereux. Sa main ne l’a pourtant pas lâché, et d’une pression, elle l’attire contre elle, sent la porte dans son dos. Là, maintenant, elle a envie de ses lèvres, encore. Son visage se tord en une grimace de dégoût, de dégoût d’elle-même et de sa faible capacité à lui résister, lui, ce connard fini. Alors, pour se venger, sa main libre vient se plaquer entre ses jambes, pour se saisir de cette bosse qui tire les fibres imbibées de son jean. En pressant et insistant comme une menace, il lui semble nécessaire de réitérer ses mises en garde.
« J’te promets que j’le ferais. »