Bien que Serenos n’avait pas de mauvaises intentions dans ses gestes, dire qu’il n’y voyait aucun geste coquin serait un mensonge. La Sœur était après tout une femme, et il était un homme. Aussi honorable qu’il se voulût, il ne pouvait pas nier le fait qu’elle était près de lui, vulnérable et semblerait dévaloriser un corps qui, de toute évidence, devrait être réceptacle de toutes les louanges. Avec les informations qu’elle lui avait données, Serenos pouvait en déduire qu’elle était peut-être effectivement maudite ou possédée, bien que cela serait une forme de possession qu’il n’avait que rarement vu. Les démons étaient, finalement, des esprits, après tout, et un démon laissait toujours une trace de son passage, même lors de visites occasionnelles plutôt qu’une possession constante, mais il ne se risqua pas à tenter d’expliquer à la jeune femme qu’elle n’avait pas à s’en faire.
Une autre théorie voudrait que la jeune femme ait simplement des désirs qu’elle n’assouvissait pas en raison de sa Foi. Répression ou refoulement étaient des termes que Serenos avait déjà entendu, mais il n’y avait que les sages qui comprenaient l’application de ces termes en terme psychologique. Pour Serenos, répression était un terme militaire pour contrôler une révolte, et refouler était un autre terme pour forcer un adversaire à reculer.
Elle dévia le regard de lui. Il se demanda un moment s’il avait fait quelque chose de déplacer en lui réchauffant les mains, jusqu’à ce qu’elle prenne la parole de nouveau. Elle avait l’impression d’être dans l’interdit, simplement par sa proximité avec lui. Et pourtant, il avait une impression qu’elle n’était pas complètement sincère. D’esprit, si, il n’y avait aucun mensonge dans sa voix, mais son corps semblait lui dire autre chose. Elle lui dit qu’elle commençait à se réchauffer naturellement, mais encore une fois, il ne semblait pas convaincu qu’elle aurait pu survivre à cette température. Certes, ce n’était pas l’hiver, mais même une froide nuit d’automne pouvait suffire en ces temps pour prendre la vie de quelqu’un, surtout si aucun magicien ou druide n’était dans les environs pour traiter la maladie.
Lorsqu’il débuta son examen, évidemment, elle lui démontra une opposition, mais il n’y porta pas plus d’attention, mais il prit la peine de répondre.
‘Mary, si je vous laisse comme ça, ces blessures risqueraient de s’infecter, et je ne crois pas qu’un prêtre de campagne pourra traiter une infection. La possession ne vous tuera peut-être pas, mais une combinaison d’infection, de basse température et de fatigue ont pris la vie de gens plus robustes que vous.’
Et il poursuivit son traitement, ignorant les protestations et les plaintes de la jeune femme, mais une petite pointe de culpabilité s’installa dans son cœur ; il n’aimait pas vraiment le rôle qu’il prenait dans cette situation.
Lorsque l’opération était enfin terminée, elle semblait enfin plus confortable, remuant contre lui de ses jambes, frottant ses cuisses. Pour l’empêcher de continuer, la main du Roi étranger se referma sur le genou gauche de la belle et le colla directement contre son jumeau, l’empêchant de remuer ainsi.
‘Je n’ai pas les outils pour ajuster une ceinture de chasteté, alors si vous ne voulez pas que je vous l’enlève de force, Mary, vous allez devoir arrêter de gesticuler,’ l’avertit-il avec un ton qui se voulait ferme, bien qu’il vienne littéralement de menacer une jeune femme de lui arracher l’équivalent de ses sous-vêtements.
Et comme pour le punir, elle répondit une des pires phrases qu’elle aurait potentiellement pu dire à un homme qui était en train de geler, torse nu, les bras enroulés autour d’une jolie jeune femme ; ‘Je sens que je perds le contrôle de mon corps...’
Tentant de retenir tant bien que mal un rire mais ne pouvant réprimer un sourire devant l’ironie de la situation, il écouta cependant ce qu’elle lui disait. Elle voulait qu’il l’attache, et à cette demande, il ne put que hausser un sourcil. C’est qu’il n’avait pas pensé à embarquer des cordes. Il était en voyage, pas en exploration. Certes, il s’était un peu perdu en chemin, mais cela ne voulait pas dire qu’il était un aventurier partant explorer quelque ruine.
En temps normal, il lui aurait opposé un refus ferme et non-négociable ; il ne savait pas pour qui elle le prenait, mais il n’allait pas saucissonner une femme qu’il venait de rencontrer juste parce qu’elle lui demandait plus ou moins poliment. Mais en même temps, il notait une pointe de désespoir dans son ton, comme si lui refuser cette requête revenait à trahir le peu de confiance qu’elle accordait à l’inconnu qu’il était. Il hésita un moment, puis il soupira avant de retirer sa ceinture. Il lui prit alors les mains et, comme elle le lui avait demandé, il s'affaira à les lier. Les ceintures de Meisa étaient heureusement faites de tissus argentés plutôt qu'avec du cuir, ce qui leur donnait une plus grande souplesse, ce qui lui permit de la neutraliser sans être obligé de lui faire mal. Après avoir fait quelques tests avec elle, il lui adressa un sourire rassurant. Après un moment de silence, il se dit qu'elle était assez réchauffée pour qu'ils trouvent un nouveau coin; plutôt que de la pluie, c'était maintenant de la grêle qui s'abattait sur eux, ne serait-ce que pour empirer la situation.
'Une fois votre crise terminée, si vous le désirez, vous pourriez faire la route jusqu'à Nexus avec moi.' Lui offrit-il, sachant que le coeur du Nexus était de loin l'option la plus réaliste de la jeune femme. 'Je dois y rencontrer des dignitaires. C'est un très bon pèlerinage. Il y a sûrement quelqu'un pour vous assister... sinon, si vous vous sentez de naviguer, Eist'Shabal serait une excellente destination; vous n'y trouverez peut-être pas votre Dieu, mais on a des magiciens de toutes sortes, et je pourrais vous trouver des solutions alternatives. Et puis, c'est un coin charmant, de beaux couchers de soleil, des plaines à perte de vue et la mer. S'il n'y avait pas autant de loups... Mais bon, c'est la vie.'
Il la souleva ainsi, une main passée sous ses genoux, lui soutenant les cuisses, l'autre passée autour de son tronc pour la tenir contre lui alors qu'il se remettait en route.
Les minutes se succédèrent, seulement accompagnés du bruit des pas du Roi de Meisa et des haletements de la soeur. Il aurait bien voulu user de magie pour l'aider à se détendre, mais il préférait économiser ses forces s'il devait marcher en amont des collines forestières. Il ne savait pas comment s'orienter dans ces bois, mais ce n'était pas le plus important. ce qui était important, c'était de trouver un endroit sûr pour qu'ils puissent se reposer à l'abri de la température qui ne cessait de chuter. Il marcha pendant un bon moment avant de se résigner et d'utiliser la magie pour trouver un endroit sec. Rien de plus simple; il suffit de trouver un endroit que l'eau ne peut pas atteindre mais que l'air atteint aisément. Autrement dit; une grotte ou une caverne, et avec un peu de chance, inhabité. Il n'était pas vraiment émoustillé de se retrouver piéger face à face avec un ours des montagnes. Ou une meute de loups. Ou un envol d'outardes.
Fort heureusement, son Don l'orienta vers une colline à une demi-lieue de l'endroit où ils étaient assis plus tôt. Une grotte de pierre, au bord d'une ruisseau. Serenos aurait préféré éviter de se mouiller, mais il n'avait pas le choix; pour arriver à la grotte, c'était sa meilleure option. C'est avec un juron qu'il s'enfonca dans l'eau, d'abord lentement en marmonnant et soufflant bruyamment, frissonnant de tous ses membres, gardant la jeune soeur hors de l'eau autant qu'il le put, bien que les pieds et fesses de la jeune femme eux le malheur de toucher le liquide glacial lorsqu'il manqua de peu de trébucher sur une racine au fond de l'eau.
Une fois de l'autre côté, le Roi s'empressa de gagner l'intérieur de la grotte; à sa grande joie, il ne s'agissait pas que d'une simple grotte; c'était un refuge de voyageurs. Inhabité depuis un moment, vu l'état des lieux, mais il y avait des peaux disposées un peu partout et une cheminée de fortune pour faire un feu, ainsi que du bois. Il ne perdit pas un moment et posa la jeune femme sur un petit amoncellement de fourrures de loups cousues ensembles et la couvrir de sa couverture avant de retirer sa cape mouillée et de la poser sur la pierre. Il retira également ses armes et ses poches de voyage et les posa au fond de la grotte, avant de s'emparer de quelques bûches et de les placer dans le 'foyer', l'allumant d'un sort pour ne pas perdre plus de temps.
Maintenant qu'ils étaient à l'abri, le Roi tira un couteau de son fourreau et gratta de la pointe une rune de protection à l'entrée de la grotte, pour empêcher les animaux de s'aventurer vers eux. Il rangea la lame, puis prit place près de la jeune femme, s'allongeant sur les peaux de bête. Croyant qu'elle devrait avoir froid, il se glissa sous la couverture et l'attira contre lui, les seins de la jeune femme plaqués contre le torse musclé du Roi de Meisa, qui ne semblait pas en faire de façon. Il se pencha sur elle et la regarda.
'Tout va bien se passer. Parlez-moi, essayer de penser à autre chose, maintenant, d'accord?'