Même passablement bourrée, Eirin est beaucoup de choses, mais certainement pas une idiote. Elle sait pertinemment que l'inconnue lui ment, prendre quelqu'un dans ses bras pour le réchauffer, soit, mais l'embrasser n'a absolument aucun intérêt. Frotter les mains est bien plus efficace, étant donné que le sang qui y passe retourne directement au cœur, réchauffant ainsi le corps entier. Elle a vu un documentaire à la télé sur un appareil de ce genre utilisé par l'armée américaine, pour aider les soldats à supporter les fortes chaleurs du désert en refroidissant leurs mains. De plus, elle n'a jamais demandé pourquoi elle l'avait fait, elle a juste demandé si elle l'avait fait. Son empressement à se justifier est donc suspect, un simple oui aurait parfaitement convenu à Eirin. D'un autre côté, cette Gabriel ne semble pas chercher à profiter d'elle, elle aurait pu aller largement plus loin sans craindre de réaction. On dirait plutôt qu'elle a cédé à une de ses pulsions sans réfléchir … Ou bien, peut être qu'Eirin n'est pas la seule à posséder des pouvoirs étranges ? Après tout, elle se sent étrangement bien par rapport à tout à l'heure. Devrait-elle aborder le sujet ? Non, trop tôt.
Leur baiser fut passionné, intense, exactement comme Eirin s'imaginait le faire avec sa grande-sœur. En sachant que la jeune-fille aux cheveux bleus l'a déjà embrassé, elle n'a pas pu résister à l'envie de tester. Certes l'alcool a aidé, mais c'est surtout ses envies latentes qui ont poussé l'adolescente a embrasser l'ange. Ne pas être repoussée, les gestes tendres de Gabriel, ses attentions, tout cela conforte la voyageuse astrale dans son choix. Elle aimerait en avoir plus, même si ni le lieu, ni la situation ne s'y prêtent. Alors qu'elle rompt le baiser pour rependre son souffle, l'ange lui demande si c'est vraiment ce qu'elle souhaite, craignant que l'alcool ne parle à sa place. Eirin ne peut s'empêcher de sourire, le menton posé sur l'épaule de sa sauveuse, appréciant sa douce et chaude étreinte. Elle aurait pu rester comme ça pendant des heures, bien qu'elle ne le fera pas, pas ici. Après quelques secondes de blanc, l'adolescente répond en glissant ses doigts dans les cheveux de Gabriel, susurrant d'une voix douce :
« Certaine oui. »
Pas besoin d'en dire plus, parfois la simplicité est la meilleure chose qui soit. Malgré la fin du baiser, l'ange la garda dans ses bras, frottant son dos, pressant ses seins contre les siens. Eirin de son côté caresse les cheveux bleus de la jeune-fille, son autre main posée sur sa nuque. Ses lèvres sont à quelques millimètres de son cou, son souffle chaud effleurant sa peau. Les joues rosies par l'excitation, elle meurt d'envie d'aller plus loin. C'est la première fois qu'elle rencontre une fille ouverte à ce genre de choses, en plus d'être mignonne, douce et prévenante.
Puis, brusque retour à des sujets plus terre-à-terre, alors que l'adolescente était à deux doigts de plaquer à nouveau ses lèvres contre celles de l'ange. Un endroit où dormir ? C'est vrai ça … Où va-t-elle dormir ? Elle n'est plus sous forme d'esprit, elle doit de nouveau dormir, manger, se laver, des choses qu'elle n'avait plus besoin de faire depuis plusieurs jours. Cette expérience lui avait presque fait oublier tout cela. Elle ne peut pas retourner chez ses vrais parents dans ce corps et elle n'a aucune idée de l'endroit où dort habituellement celle qu'elle possède actuellement. Elle est en quelque sorte devenue sdf du jour au lendemain. Maintenant qu'elle y pense, c'est une situation compliquée, que va-t-elle faire ?
« Non, je ne sais pas où j'habite. »
Répondit-elle sincèrement, se rendant compte après coup que sa façon de le dire était bizarre. Elle aurait dû dire qu'elle ne savait plus, plutôt qu'elle ne savait pas. Qui ne sait pas où il habite ? L'excuse de l'amnésie ne marchera pas si Gabriel a bien fait attention à ses mots. Elle va probablement croire qu'Eirin lui ment, alors qu'au contraire elle dit la vérité telle qu'elle est, elle ne sait effectivement pas où elle est censée habiter avec ce corps là. Comment pourrait elle trouver la maison de la suicidaire ? Elle n'avait aucun papier sur elle, aucune indication, elle avait probablement tout jeté avant sa tentative de suicide. De plus, sa maison pourrait être un endroit dangereux si elle était désespérée au point de vouloir en finir … Aurait-elle envie d'emmener Gabriel là-bas même si elle savait où aller ? Eirin a bien conscience que sa situation complique la tâche à Gabriel, mais elle n'y peut rien. Elle peut seulement proposer la solution la plus simple qui lui vient à l'esprit :
« Est-ce que tu peux m'aider à trouver l'endroit le plus proche d'ici où on peut trouver de l'alcool ? J'avais forcément de l'argent pour acheter la bouteille, j'ai dû me débarrasser de mes affaires quelque part en chemin ! »
Un sac à dos, une sacoche, un portable, n'importe quoi, en réalité elle n'a aucune idée de ce qu'elle cherche. A-t-elle d'autres solutions ? Aucune à sa connaissance. Elle pourrait aussi essayer d'aller dans un lycée pour voir si quelqu'un la reconnaît, mais chaque chose en son temps.