Lisbeth avait toujours été une grande romantique dans l'âme, s'extasiant depuis toute petite sur l’icône du prince charmant. Néanmoins, même si elle n'avait pas perdu son coté fleur bleue en grandissant, la jeune femme était réaliste. Les coups de foudre étaient beaux dans les contes de fées, mais dans la vraie vie, cela n'arrivait jamais. Et pourtant, même si sa rencontre avec Alan n'avait pas été un merveilleux coup de foudre dès le premier regard, cela s'en approchait suffisamment pour en faire un beau conte de fée.
Tout avait commencé un soir où, lassée de potasser ses bouquins de droit fiscal, elle était passée sur le Discord de l'université où elle se connectait régulièrement, pour discuter et décompresser. Un lien y avait été partagé, menant vers le blog d'un photographe amateur, et lorsqu'elle le visita, vit ses clichés, elle ressentit... quelque chose. C'était beau, et d'une certaine manière, touchant. Elle le contacta, pour partager ses impressions, et de fil en aiguille, une relation amoureuse s'était nouée entre eux. Lisbeth était tombée sous le charme de son âme d'artiste.
Ils se fréquentèrent ainsi toute l'année durant, malgré ses études de droit qui accaparaient presque tout son temps libre. Si elle avait choisi cette voie, ce n'était pas particulièrement pour le prestige, ou pour l'argent, même si elle ne pouvait nier que son coté matérialiste l'apprécierait. Lorsqu'elle était plus jeune, elle vit son père mourir au cours d'une fusillade, le braquage d'une supérette qui avait mal tourné. Le responsable avait fini par être acquitté, sous prétexte d'instabilité mentale, et admis en hôpital psychiatrique. Ne comprenant ni comme un tel dégénéré pouvait s'en sortir aussi facilement, ni comment il avait réussi à mettre la main sur une arme à feu, elle s'était promise de lutter contre ce fléau. Même si Alan ne partageait pas sa véhémence à ce sujet, elle était heureuse de savoir qu'ils avaient malgré tout la même opinion, et qu'elle pouvait compter sur son soutien.
L'année terminée, ils emménagèrent ensemble dans la grande ville de New York, the Big Apple, où elle avait réussi à dégoter un stage. Ils s'aimaient énormément, et filaient le parfait petit amour, pendant quelques mois encore, mais comme souvent au sein des couples, une période de trouble vint agiter leur quotidien. Lisbeth avait remarqué que son compagnon lui cachait quelque chose. Elle n'y voyait aucun problème, en soi, comprenant bien que chacun avait droit à son petit jardin secret. Cependant, le fait qu'il ne voulait strictement rien révéler l'intriguait. Lorsqu'elle finit par découvrir que son secret impliquait de mystérieuses discussions avec des destinataires inconnus, et des rendez-vous clandestins, la jeune femme fût dévastée, ne doutant pas un instant qu'il avait une voire plusieurs maitresses. Étant une personne plutôt franche et directe, et surtout impulsive, elle le confronta sans prendre de pincette, au cours d'une dispute tumultueuse, où les menaces fusaient entre les cris et les pleurs, et qui se termina heureusement sans blessé ou vaisselle brisée, juste une porte claquée et une nuit passée à l'hôtel.
Le lendemain, à tête reposée, Alan eu l'occasion de s'expliquer, et de lui montrer qu'il ne s'agissait pas d’infidélité, pendant qu'elle était à son stage. Elle était toujours furieuse contre lui, persuadée qu'il la trompait, mais sa révélation lui fît l'effet d'une douche froide qui la calma rapidement. *Quoi !? Mais qu'est-ce qu'il raconte... ?* Fan de ses photos, elle connaissait son blog par cœur, aussi resta-t-elle sceptique de n'avoir jamais entendu parler de ce deuxième. Et lorsqu'elle le visita...
« What... the... fuck ? »
Lisbeth ne jurait qu'assez rarement, mais pour le coup, elle ne pu s'en empêcher. Elle y découvrit une série de photos qui lui paraissaient invraisemblables, avec un érotisme qui penchait fortement vers le fétichisme. Si elle n'avait pas clairement reconnu le style de photographie d'Alan, elle n'aurait probablement jamais cru qu'elles étaient de lui. Des photos de femmes, nues ou en latex, parfois attachées, souvent soumises. *C'est ça, son kiff ?* Elle passa régulièrement sur le site, au cours de la journée, curieuse, intriguée, mais surtout troublée, ne sachant pas trop qu'en penser.
Plus tard, en fin d'après-midi, l'apprentie avocate termina son stage et rentra chez elle. Elle était toujours aussi confuse que ce matin, et aurait aimé avoir un peu de temps pour y réfléchir, quelques jours au moins. Mais, après avoir retiré ses escarpins, elle croisa Alan, qui l'attendait au salon. Il allait bien falloir qu'ils en discutent, entre adultes, mais ce n'était pas le moment, pas tout de suite. Ne sachant pas s'il allait dire quelque chose, elle prit l'initiative de lever l'index devant elle, lui faisant signe de ne rien dire.
« Je... je vais boire un verre. »
Elle se dirigea ensuite vers la cuisine, pour s'y servir un verre d'eau fraiche. Lisbeth avait un peu soif, oui, mais c'était surtout pour gagner du temps. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait dire, ce qu'elle devait dire, ce qu'elle voulait dire. En rétrospective, elle comprenait qu'il n'ai pas voulu lui révéler son secret, c'était quelque chose de très personnel, de très intime. Et, pour pouvoir le partager avec quelqu'un, cela nécessitait une forte relation de confiance. La jeune femme ne le jugeait pas sur ses penchants, ce n'était pas son genre. A vrai dire, elle était davantage déçue qu'il ai fallu cette petite crise de couple pour l'apprendre. Ils étaient ensemble depuis quelques temps déjà, très proche et fou amoureux l'un de l'autre, elle aurait espéré qu'il se confie à elle de lui même... même si elle comprenait que c'était un sujet délicat. La question restait toujours en suspens. Que lui dire ? Il était au salon, probablement à se mordre les doigts en attendant sa réaction, à peut-être imaginer le pire, qu'elle se moquerait de lui, voire qu'elle le larguerait. Pour être honnête, elle y avait sérieusement songé, en pensant qu'il l'avait trompé, mais ça, non, ce n'était pas une raison. Il suffisait juste, de... mettre les choses à plat, d'en discuter. Oui, voilà. Elle allait simplement être honnête avec lui, et lui dire ce qu'elle avait sur le cœur.
Lisbeth termina donc son verre d'eau, et revint vers Alan, en lui intimant de ne pas parler, avec ce même geste de l'index. Elle s'installa sur le canapé face à lui, assise les jambes croisées, penchée sur l'accoudoir. La jeune femme portait encore son tailleur bleu marine, avec ses bas en nylon, sa jupe courte aux genoux, son top beige au décolleté discret, et sa veste aux manches mi-longues. Elle prit alors une inspiration, et commença, en le regardant dans les yeux.
« Écoute, Alan, je... j'ai passé la journée à y réfléchir, et, je ne sais toujours pas quoi te répondre, alors, je vais simplement être franche... »
Un peu nerveuse, elle tritura une mèche de sa chevelure blonde, et se lança.
« D'abord, je m'excuse pour ce qui s'est passé hier. J'ai cru que, enfin, tu sais, que tu me trompais... et je me suis laissée emporter, sans te laisser le bénéfice du doute, c'était injuste, et j'en suis vraiment désolée... »
Elle ajouta ensuite, un peu taquine, malgré le sérieux de la conversation.
« Même si, malgré tout, je n'avais pas tout à fait tort, n'est-ce pas ? Enfin, tu avais quand même des rendez-vous avec d'autre femmes. C'était peut-être simplement pour des photographies, il n'en reste pas moins que j'ai vu les résultats, et c'était parfois... très érotique, quand même. Bon, je veux bien croire que c'était purement professionnel, je te fais confiance. Mais si jamais je découvre que tu me trompes avec l'une d'elles... »
Elle ria légèrement, détendant l'atmosphère. Elle l'avait mentionné sur le ton de la plaisanterie, mais au fond, c'était une crainte qu'elle éprouvait quand même un peu. Elle aimait Alan, énormément, et elle devait bien l'admettre, elle ne savait pas du tout ce qu'il faisait avec ces femmes là, en dehors de ces photos. Ce n'était pas absurde d'imaginer que, parfois, ces prises en photo de leur fantasmes ne débordent vers quelque chose de plus intime, non ? Un peu moins anxieuse à force de se livrer, elle poursuivit son monologue.
« A vrai dire, je suis surtout un peu déçue. Je veux dire, je comprends très bien que tu ne souhaite pas forcément laisser n'importe qui pénétrer dans ton jardin secret. Mais cela fait près d'un an que nous sommes ensemble, heureux, amoureux ? J'aurais préféré que tu me fasse suffisamment confiance, pour m'y inviter, plutôt que d'avoir à en forcer l'entrée, par peur de t'avoir perdu... d'avoir perdu l'Alan que j'aimais... »
Lisbeth sentit l'émotion l'étreindre, en y repensant. Elle l'aimait énormément, c'était un fait, et elle ne savait pas ce qu'elle serait devenue s'il l'avait effectivement trompé. Balayant ces spéculations qui ne faisaient que l'attrister, elle ajouta, se remémorant une anecdote.
« Après tout, je t'ai bien avoué que je voulais essayé la sodomie avec toi, et regarde, ça ne s'est pas si mal terminé, non ? »
L'étudiante se mordilla la lèvre inférieur, en souriant, une légère lueur perverse dans les yeux. "Pas si mal terminé" était un bel euphémisme. Après cette confession, et sa première sodomie, elle découvrit qu'elle adorait ça, et lui aussi, depuis leurs relations sexuelles n'en étaient devenue que plus intense. Elle avait néanmoins bien conscience qu'entre ça, et le BDSM, il y avait un fossé assez large, essentiellement culturel. Ce n'était pas si facilement comparable.
« Enfin, bon, voilà... »
Elle finit par marquer une pause, laissant l'opportunité à son partenaire de répondre. Lisbeth avait prit son temps, à tel point que la mèche de cheveux qu'elle ne cessait de triturer était maintenant toute bouclée. Au moins, elle avait pu s'ouvrir, et lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. Du moins, en partie. Car elle avait beau s'être exprimé sur plusieurs points, elle n'avait toujours pas dit ce qu'elle pensait de ses œuvres, et de sa passion en générale. Pour la simple et bonne raison qu'elle était encore très mitigée sur le sujet.