C’était une histoire incroyable, invraisemblable, même. L’une de ces histoires qu’on imaginait venir de marins ivres au fin fond d’une taverne, et non d’un rapport impérial émanant d’un gouverneur local. Et le rapport était exact, et avait amené Ashnard à réagir en conséquence, déployant par mesure de précaution une impressionnante Légion. Plusieurs milliers de soldats ashnardiens étaient donc en marche, ayant pris garnison autour de l’impressionnante forteresse de
Karag-Dur, château-fort frontalier ashnardien. C’était une impressionnante cohorte de troupes, comprenant, outre les soldats traditionnels, des bataillons de démons ailés, qui volaient dans les airs, de solides Trolls en armure, des bêtes de guerre redoutables comme des Wargs, sans parler des armes de siège que les Ashnardiens déployaient. Catapultes, trébuchets, béliers, tours de siège… Le déploiement de forces était particulièrement impressionnant, devant ce spectacle hors normes.
Il y a encore quelques semaines, depuis la muraille sud de Karag-Dur, on voyait une plaine sauvage s’étendant à perte de vue, avec, ici et là, d’antiques ruines. Un spectacle calme et apaisant, qui n’était troublé que par quelques invasions barbares, orcs, ou de monstres. Il n’y avait rien, permettant aux éclaireurs de pouvoir voir toute la région sans problème. Et puis, un beau matin, Karag-Dur avait tremblé. Une déflagration magique très importante avait été ressentie jusqu’à la capitale impériale, et, quand les éclaireurs s’étaient approchés des murailles, s’extirpant des casernes, au petit matin, ils avaient vu un spectacle renversant.
La plaine vide avait été remplacée par un royaume entier ! Sous les yeux ébahis des soldats,
un château se dressait maintenant en plein milieu. Médusés, ils avaient sonné l’alarme, et la garnison avait envoyé de toute urgence une missive au Conseil Impérial, tout en mobilisant les vassaux pour qu’ils envoient des troupes. Une solide garnison s’était donc dressée. Des soldats étaient ensuite sortis des remparts de ce mystérieux château. Des diplomates, qui avaient expliqué venir d’Hyrule, et être les représentants de la Princesse Zelda. Bien qu’ils aient annoncé avoir des intentions pacifiques, l’Empire n’avait pris aucun risque, et avait chargé
Samara, une Archimage ashnardienne, mais aussi une haut-fonctionnaire et une diplomate, de résoudre la crise.
Samara s’était donc déplacée rapidement, et avait analysé les rapports avec
Sire Jonah d’Alenquin, le gouverneur local, et seigneur de Karag-Dur.
«
Hyrule, Madame, c’est le nom de ce château ! Enfin, il n’y a pas qu’un château, il y a aussi quelques bourgs, une forêt qui a pondu… Nos mages détectent de fortes émanations magiques émanant d’Hyrule ! -
Je les ressens aussi… C’est très perturbant. »
D’Alenquin put expliquer à Samara, ainsi qu’aux autres généraux mobilisés, qu’Hyrule venait d’une autre dimension, et avait été envoyée ici par un mystérieux mage noir originaire de leur monde, Ganondorf. C’était du reste un royaume magique, avec des créatures redoutables, notamment venant du bois situé au nord-est du royaume, le Bois Maudit. Samara, qui détenait entre ses mains la probable guerre à venir, avait déployé ses forces à l’entrée de la plaine, de manière à ce que les soldats d’Hyrule puissent avoir un aperçu de ce qui les attendait. Mais elle avait encore gardé son meilleur atout en manche, et comptait le présenter à l’occasion de la rencontre officielle prévue à Hyrule.
Cette rencontre avait lieu à Hyrule même, et Samara s’y rendait en personne, accompagnée de plusieurs gardes. Jonah d’Alenquin restait en arrière, pour gérer les troupes. La démone passa le corps de garde d’entrée, et vit une ville assez bien développée, avec des habitants très inquiets, ce qu’on pouvait comprendre. Samara, accompagnée par des gardes hyrulois, rejoignit ainsi l’impressionnant château-fort, et s’arrêta à l’entrée, sautant de son cheval. Elle se tenait sur une grande place, et aperçut la Princesse Zelda, digne, mais non moins magnifique et somptueuse à regarder.
«
Mes hommages, Princesse Zelda d’Hyrule. Je suis l’Archimage Samara, missionnée par le Conseil Impérial de l’Empire d’Ashnard pour mener une négociation avec vous. »
Le ton était chaleureux et cordial, mais, avant de rentrer dans le fort, Samara tourna sa tête vers l’horizon. Rien ne se passait… Et puis, un grondement se fit entendre.
«
Ah, la voici. »
Il était possible que les archers d’Hyrule paniquent, mais il n’y avait rien à craindre. Le fort ne disposait pas d’équipement contre les dragons. Et les simples flèches des arcs seraient encore moins dangereux pour lui que d’insignifiantes piqûres de moustiques. Un nouveau grondement se fit entendre, plus impressionnant encore, et les gardes hyrulois sur les murs tendirent leurs mains vers la silhouette qui s’approchait rapidement.
Le troisième grondement fit l’effet d’un coup de tonnerre. Impossible de se méprendre sur la créature qui pouvait le pousser.
«
Ne vous en faites pas, Princesse Zelda, elle est avec nous. Son royaume étant plutôt éloigné, elle a pris la voie des airs pour arriver à temps… »
Les gardes virent la créature approcher… Puis le soleil se réfléchit sur ses écailles dorées, les éblouissant pendant quelques secondes. L’immense créature survola ensuite Hyrule, étirant ses immenses ailes, survolant la ville en rugissant une quatrième fois. Un immense
dragon doré se tenait dans le ciel d’Hyrule, surplombant ses villageois, sans qu’il ne soit possible de voir la personne qui le chevauchait. Le dragon tournoya sur place, puis se rapprocha ensuite à nouveau du château, et se posa majestueusement sur le sol, soulevant des monceaux de poussière, avant d’exhiber ses épaisses dents triangulaires en soufflant bruyamment.
Puis une silhouette descendit du dragon, et se posa sur le sol, dissimulée de la vision de la Princesse Zelda par l’aide du dragon. La silhouette passa ensuite sous l’aile lorsqu’elle se releva, et des mains finement gantées de blancs, douces et soyeuses, caressèrent le museau de la bête.
«
Allons, allons, Leviathan, du calme… »
Sous se contact, l’épais dragon, dont la gueule aurait pu engloutir d’un coup la moitié du corps de la jeune femme, poussa un nouveau grondement. La femme se tourna ensuite vers la Princesse Zelda, en lui souriant. Elle défit le manteau qu’elle avait enfilé pour se protéger du froid, et apparut dans une élégante robe blanche, avec des gants de la même couleur.
«
Salutations, Princesse Zelda d’Hyrule. Je suis la Princesse Alice Korvander, de Sylvandell. Veuillez pardonner mon arrivée tardive, Sylvandell est éloignée d’ici… J’espère que mon dragon ne vous a pas effrayé. »
C’est ce qu’on appelait une entrée remarquée, et c’était précisément l’effet que Samara avait entendu vouloir donner à ça.