Myrissa avait rarement fait face à une telle tempête, et, s’il n’y avait pas eu ce navire perdu, elle serait sans aucun doute partie… Mais la sirène était inquiète, nerveuse. Et si un petit garçon tombait dans l’eau ? Myrissa savait que les gens du haut attachaient peu d’importance à la vie humaine, mais ce n’était pas son cas. Elle, elle considérait chaque vie comme sacrée, et c’était bien à ce titre qu’elle réussit à se défaire des algues, et remonta. Des débris tombaient régulièrement dans l’eau, et elle sursauta en voyant un immense morceau tomber, coupant la mer en deux.
C’était le grand mât du navire, qui s’écroula vers elle. Écarquillant les yeux, la jeune sirène tâcha de s’écarter au plus vite, mais, même en étant rapide, elle ne put empêcher un filet de la saisir. Sa palme la tira vers le fond, et elle grogna encore, tout en voyant de multiples corps tomber.
Mère-l’Océan avait des tempêtes terribles, mais elle abritait aussi de redoutables monstres. Et ceux-ci étaient toujours là, tapis dans l’ombre, en cas de tempêtes. Ils s’attaquaient parfois aux sirènes, mais privilégiaient vraiment les marins tombant en mer. Myrissa tenta ainsi de se libérer, tout en voyant les marins, catastrophés, se débattre vainement devant d’immondes êtres verdâtres se rapprochant… Des Sahuagins ! Ces monstres aquatiques étaient les ennemis naturels des sirènes, des créatures aussi hideuses que dangereuses. Myrissa ne comptait plus le nombre de fois où les sirènes et les Sahuagins s’étaient affrontés pendant des décennies. Comme quoi, quand on croyait que l’océan était paisible, il s’agissait, bien souvent, d’idées reçues, qui ne résistaient pas à l’examen des faits.
Quoi qu’il en soit, Myrissa les voyait fondre sur les pauvres désespérés, les attrapant, les étranglant, capturant ensuite ces derniers, morts ou vifs, pour les manger.
« Non ! Partez d’ici, vils monstres !! »
Myrissa se débattait encore, et réussit à s’extirper du filet, puis remonta. Elle n’était pas une guerrière, mais elle était très agile, très rapide, ce qui lui avait permis, à maintes occasions, d’échapper aux Sahuagins. La jeune sirène entendit des grognements et des sifflements bestiaux. Les monstres venaient de la repérer, et plusieurs s’élancèrent vers elle ! Myrissa se mit à nager rapidement, s’aidant des courants marins pour filer entre les récifs et le corail, tout en évitant soigneusement les algues, qui venaient restreindre ses mouvements quand elle se faisait piéger dedans.
La sirène nageait autour de l’épave, et, alors qu’elle continuait à nager, elle vit un corps qui flottait, attiré par un courant. Elle vit ce dernier heurter lourdement le sol, atterrissant au milieu d’algues, tandis que deux Sahuagins se rapprochaient de lui. Pourquoi lui, précisément ? Myrissa devrait très souvent, par la suite, se poser cette question. Pourquoi lui ? Tout ce qu’elle sut, sur le coup, c’est que cet homme, robuste, allait mourir sans elle. Alors, elle se précipita rapidement, et pivota sur place en approchant, se servant de sa longue queue aquatique comme d’un fouet, et l’abattit sur un Sahuagin. Le coup repoussa le monstre violemment, et l’envoya heurter son congénère.
Myrissa attrapa ensuite l’homme par les aisselles, et décolla brusquement, s’aidant d’un courant pour filer, sous les crachotements furieux des monstres. Ils étaient rapides, eux aussi, et, pour s’échapper, Myrissa nagea très rapidement. Le courant l’emporta donc, jusqu’à ce qu’elle perde le contrôle. Son dos heurta des récifs, et elle sentit une vague de douleur la traverser. Inconsciemment, sa queue s’enroula autour de la taille de l’homme, puis elle rebondit sur le sol, raclant le sable, et fila encore.
Au petit matin…
La tempête était passée. Le long des rivages d’une île, des morceaux de bois décoraient la plage, comme autant de souvenirs funestes de la tempête qui avait éclaté hier soir. De multiples palmiers s’étaient également effondrés tout le long de l’île. Et c’était là, sur cette île, nichée sur un banc de sable, qu’un homme était en train de progressivement revenir à lui… Tandis qu’une sirène gisait allongée sur le sable, couchée sur le ventre, à quelques mètres de lui…