Il trouvait la façon d’exposer toujours ce qui était évident très agaçant, et Shad ne cessait de le faire, posant des questions qu’il jugeait stupides de part l’évidence de la réponse. Décidément, les terranides étaient une bien faible race, se marmonnait intérieurement l’archidémon en fixant l’Okami entrain de se couper avec le couteau d’argent.
« Ce contrat n’est là que pour symboliser ton esclavage de manière formelle, avoues que c’est plus prestigieux de signer pour avoir des chaînes qu’être torturé avant. »
Son sourire s’élargit quand la jeune louve finit par signer le parchemin avec son sang, scellant son destin à jamais. Qu’il était plaisant de voir ces âmes, ces infortunées et pauvres âmes tomber entre ses crocs et finir broyées. Il ne s’en lassait jamais, c’était sa raison de vivre, sa passion. Il était l’un des sept péchés capitaux, et en tant que tel se devait de corrompre toute chose vivante à son image.
Victoire, victoire … VICTOIRE !
Le parchemin s’était savamment envolé en fumée, rejoignant les multiples autres contrats qui liaient les âmes damnées au maître narcissique. Des flammes apparurent soudain, surgissant des interstices du sol dallé pour glisser le long du corps de la lycane à la manière de serpents ardents, s’enroulant perfidement autour d’elle. Les flammes se joignirent lentement autour du bras gauche de Shad, s’agglutinant en un point précis avant de s’immerger dans la peau pâle. Le processus ne dura guère longtemps et bien vite le feu disparut pour laisser place à une marque en forme de lion rugissant. Et cette marque allait symboliser le pacte qui la liait désormais au seigneur du Purgatoire.
« Félicitations, tu es désormais l’esclave de l’être le plus parfait que le monde ait connu. Soit honorée de servir ton nouveau maître, jeune louve, car ce sera ta seule consolation pour l’éternité de servitude que le destin t’as choisis. »
Un rire bref mais sardonique s’échappa de ses lèvres, donnant des frissons dans le dos. Un rire si diabolique que même les statues semblaient trembler dans leur silencieuse immobilité. Un grondement puissant se fit entendre au loin : celui du tonnerre qui semblait répondre au rire du machiavélique démon et se joindre à son euphorie malsaine.
« Viens, je vais te montrer quelque chose … »
Des claquements sourds commencèrent à raisonner contre les vitres colorées des fenêtres, le son caractéristique d’une pluie battante qui déferlait sur les lieux. Un nouvel éclair zébra le ciel, suivit par un tonnerre grondant qui fit trembler les majestueuses et intimidantes murailles de la forteresse. Tout cela aurait bien put avoir détourné l’intention de Shad, mais cela ne dura qu’une fraction de seconde avant qu’une chaîne surgissant de nulle part ne s’accroche fermement à l’épais collier d’obsidienne qui enserrait le coup de l’Okami, faisant ainsi office de laisse.
Détournant la tête, le Péché Originel tirât d’un coup sec son esclave avec la laisse, marchant d’un pas lent imprégné d’une prestance divine vers une épaisse porte en bois. D’un geste léger de la main, la porte s’ouvrit, dévoilant un pont de pierre menant à l’extérieur et dont le bout se terminait contre un imposant donjon. Le pont était à la merci des éléments, la pluie était battante telle des cordes dans le ciel, le vent hurlait et des éclairs zébraient parfois le ciel nuageux et obscur.
« Voilà une bien belle tempête. »
Il avança à nouveau, quittant l’abri et la chaleur de la pièce pour faire face aux éléments cruels et glacés. Pourtant, l’eau semblait l’éviter, glisser sur une barrière invisible et s’écouler plus loin, laissant Nãar intouché et aussi sec qu’à sa sortie de la chambre. Un sort protégeait l’archidémon de la pluie tonitruante, le gardant comme un parapluie. Heureusement pour Shad, elle bénéficiait aussi de ce petit tour de magie.
La laisse se tendit à nouveau, traînant plus fort l’Okami jusqu’au centre du pont humide. Là, il s’arrêta brusquement et se tourna vers la terranide, une mine sombre et inquisitrice ayant prit la place de son masque suffisant.
« Me désobéir équivaut à violer les clauses du contrat, et de ce fait tu seras punie à chaque fois que tu tenteras de me tenir tête. Si tu persistes, tes châtiments se feront plus durs, plus sévères. Et si, malgré tout cela, tu persistes … »
Il se pencha lentement devant elle, son visage à quelques centimètres du sien, son parfum musqué inondant les narines de la lycane. Son ton se faisait plus caverneux, plus … démoniaque. Chaque mot prononcé semblait mutilé votre âme avec un couteau dentelé, vous écorcher l’esprit et vous dévorer de l’intérieur. La domination de l’Orgueil se faisait sentir puissamment en ce moment précis.
« … et bien, tu connaîtras un tragique destin. Un sort si terrible que même la mort te semblerait être un bien doux repos. Regardes, esclave, regardes et crains-moi. Crains ma fureur car elle est sans limite. Pries pour que tes dieux aient pitié de toi, car je n’en aurai aucune. »
En lui ordonnant de regarder, il montra de l’index le dessous du pont. Quand elle obtempéra (et elle n’avait guère le choix), regardant entre les parapets du pont, une vision d’horreur l’attendait, un spectacle épouvantable qui ferait frissonner le plus vaillant des chevaliers. Là, à une centaine de mètres plus bas, des poteaux de bois hérissaient le sol. Chaque poteau avait en son sommet une roue sur-laquelle était cloué à l’aide de pieux un esclave. Humains, terranides, orcs, elfes, nains … un grand nombre de malheureuses victimes souffraient, pieds et mains clouées avec des pieux de fer, abandonnées à la merci du vent et de la pluie. Leurs corps étaient recouverts de terrifiantes blessures, preuves des atrocités commises contre eux. Certaines blessures semblaient être si terribles qu’on s’étonnait de voir les suppliciés survivre à cela, avant de voir qu’un sceau sur leurs fronts les gardait en vie. Certains avaient perdus des membres, d’autres avaient les entrailles en l’air, les yeux crevés ou se noyaient dans leur propre sang. Des esclaves étaient accrochés ou pendus aux poteaux, leurs corps ballottés par les vents furieux qui emportaient leurs cris de douleur et leurs lamentations. Toujours plus bas, certaines victimes étaient littéralement empalées sur de longs épieux, vivant un éternel calvaire.
Toutes ces personnes qui souffraient l’enfer sur Terra étaient d’anciens esclaves dont le seul crime fut de tenter de fuir ou de tenir tête à Nãar. Toutes avaient fait fît de ses menaces et avaient soufferts ses nombreuses punitions. Et toutes désormais agonisaient à jamais sous le pont, à mi chemin entre la vie et à la mort, spectacle atroce que le monstrueux démon savourait chaque jour comme symbole de sa tyrannie.
Nãar se saisit de la chevelure bicolore de Shad et fit pencher sa tête vers cette scène horrifique, la forçant à regarder. Par ce geste, il la mit au-delà du sort qui les protégeait de la pluie, laissant cette dernière s’abattre sur sa tête tout en gardant le reste de son corps à l’abri.
« Maintenant que tu sais ce qui t’attends, que vas-tu faire, hm ? Dis-moi. »