Avertissement : cet OS s’appuie sur des éléments d’intrigues relevant du jeu vidéo « The Witcher 3 ». Si vous ne voulez pas obtenir ces éléments, lisez ce qui suivra avec parcimonie.Corvo Bianco
Duché de ToussaintAblette chevauchait le long des sentiers escarpés et montagneux entourant les champs de vignobles, tandis que le soleil commençait paresseusement à se lever. Une aube nouvelle éclairait le duché de Toussaint, et, en s’arrêtant depuis la colline surplombant le domaine, on pouvait voir, au loin, les tours scintillantes du château de la Duchesse Henrietta, surplombant la ville de Beauclair. Toussaint, à n’en point douter, était vraiment un endroit à part dans le monde. Un endroit qui n’avait pas connu la guerre depuis des éons, un endroit calme et agréable, où les chevaliers locaux étaient plus adeptes de concours de poésie et de jeux de mots que de rapts et de viols envers les paysannes illettrées, comme Geralt avait pu le voir pendant toutes ces années. Humant l’air frais, l’homme observait les reflets du soleil dansant sur le vaste lac qui était planté au centre du duché, et qui en était le moteur économique.
Déjà, on pouvait voir, le long du port de Beauclair, de multiples bateaux s’appareillant, transportant les innombrables tonneaux de vin des vignerons et viticulteurs locaux, qui remontaient ensuite par caravanes tout le long de Nilfgaard, et même jusqu’aux lointaines colonies nordiques, héritages de ces anciens royaumes ayant sombré dans le chaos, le racisme, et la violence. Ablette émit un léger rabrouement, et Geralt, surpris, pencha la tête vers son fidèle destrier.
«
Quoi ? Tu as faim, c’est ça ? »
Geralt s’était levé tôt aujourd’hui, et avait laissé Yennefer endormie dans leur chambre. Corvo Bianco, son vignoble, était un endroit paisible, à l’image de l’ensemble des terres du duché, mais ce n’était pas pour autant qu’il ne s’y passait rien. Les vignerons continuaient régulièrement à se défier pour un oui ou pour un non, et, maintenant qu’il était, lui aussi, viticulteur, propriétaire du domaine de Corvo Bianco depuis que la Duchesse lui en avait fait cadeau, Geralt devait souvent participer aux interminables réunions entre viticulteurs. En réalité, c’était surtout Yennefer qui le pressait, Geralt n’ayant jamais aimé les soirées... Mais personne n’allait se plaindre, car, si les familles locales passaient leur temps à se disputer, chacune amenait aussi leurs bouteilles, et, à la fin de la soirée, quand tout le monde était ivre, plus personne ne se souvenait des motifs ayant justifié les querelles passées, ni même de leurs propres noms. Cependant, et même malgré l’alcool, les tensions étaient palpables, notamment entre les Vermentino et les Coronata.
Face à eux, Geralt n’était qu’un petit poucet, mais sa production lui suffisait volontiers à entretenir Corvo Bianco, et, pour arrondir ses fins de mois, il patrouillait fréquemment le long des vignobles, débusquant et chassant les monstres qui s’en approchaient. S’il était parti si tôt ce matin, c’était pour mener, comme d’habitude, sa ronde usuelle. La guerre entre Nilfgaard et les Royaumes Nordiques était finie. Les historiens parlaient d’une nouvelle ère historique, une hégémonie nilfgaardienne qui allait de Toussaint jusqu’à Kovir, et la Chasse Sauvage avait été éradiquée. La nouvelle Impératrice de Nilfgaard, Cirilla, était considérée comme une jeune femme dynamique et très inspirante, incapable de rester en place, et ayant juré de lutter contre le paupérisme et la misère. Geralt savait qu’elle avait passé de nombreux mois en compagnie de vauriens, quand il l’avait perdu la première fois. Elle s’était retrouvée en compagnie d’orphelins, les Rats, et savait donc que la pauvreté était le cancer de toute société. Geralt lui souhaitait bien du courage, et savait que Ciri’ avait très peu de temps libre. Pour autant, elle venait parfois le voir, et, que ce soit pour lui ou pour Yennefer, c’était toujours un ravissement de la voir, même si elle se plaisait ensuite à défier Geralt, et à se moquer de lui lors de leurs passes d’armes, en disant qu’il avait pris du poids, et qu’il n’était plus aussi rapide qu’avant. Le fait est que Ciri’ continuait à régulièrement s’entraîner à la capitale, où ses conseillers devaient rivaliser d’ingéniosité pour trouver un maître d’armes qui ne se fasse pas étaler en quelques secondes par la fougueuse Impératrice. Geralt avait même reçu une missive impériale lui demandant de devenir le formateur de Ciri’ ! Une offre tentante, mais Geralt ne se voyait pas retourner près des politiques. Yennefer, elle, n’était pas dupe, et, malgré sa retraite, continuait à suivre très étroitement l’actualité politique. Elle savait ainsi que beaucoup de nobles nilfgaardiens voyaient Cirilla comme une parvenue, indigne du trône, remettant en cause son lien d’hérédité avec Emhyr. Ainsi allait le jeu des trônes à Nilfgaard, mais Geralt ne s’en faisait pas pour sa fille. Après avoir vaincu Eredin, quelques nobles nilfgaardiens, ce n’était même pas digne d’un dessert.
Du Nord, Geralt recevait fréquemment des nouvelles de son plus vieil ami, devenu désormais l’un des principaux clients de Corvo Bianco : Jaskier. En compagnie de Zoltan et de Priscillia, l’homme menait une jolie vie à Novigrad. Après le passage de Radovid et des fanatiques, qui avaient ensanglanté la ville, la cité reprenait peu à peu des couleurs, et commerçait intensivement avec Nilfgaard, qui en avait fait l’un de ses bastions économiques pour relancer l’économie dans les anciens Royaumes Nordiques. L’Empire s’était plutôt bien installé à Novigrad, mais les rumeurs allaient bon train sur une nouvelle guerre. Le Nord n’avait pas oublié, et, dans les régions dévastées par la guerre, les révoltes s’ourdissaient. La Scoia’tael, notamment, dupée par Nilfgaard, était toujours aussi active, et avait même déployé des commandos dans Novigrad.
Le monde continuait à tourner, mais, quoi qu’il se passe, Geralt n’en serait plus un acteur. Il avait déjà envisagé de partir, notamment pour retrouver Regis, son vieil ami vampirique, qui l’avait bien aidé à Beauclair lors de l’attaque des vampires, mais qui était depuis traqué par ces derniers. Le sorceleur avait hésité, avant de renoncer. Ce n’était plus ses histoires.
Néanmoins, tout n’était pas encore totalement terminé pour lui. Il lui restait encore une dernière quête à accomplir, et probablement l’une des plus dangereuses de toutes. Une quête à laquelle il réfléchissait depuis quelques mois déjà, et il s’apprêtait maintenant à franchir le pas.
Ce qui avait relancé le sorceleur était un ultime message de Cirilla, qui prenait toujours le temps de lui écrire. Elle lui avait expliqué que, suite à la guerre, le Nord était dévasté par les monstres. L’Impératrice traquait notamment la dernière des Moires, mais ses soldats avaient bien du mal à la débusquer, dans les régions profondes et encore très sauvages du Nord. Pour cela, Cirilla avait demandé à Geralt sa bénédiction pour restaurer Kaer Morhen. Les sorceleurs avaient été décimés par l’ignorance et par la folie et la haine, et elle voulait les réintroduire, qu’ils soient à nouveau les protecteurs qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être. Geralt lui avait dit de contacter Lambert ou Eskel, et il avait finalement reçu les deux chez lui. D’un commun accord, et après en avoir longuement discuté, les trois avaient signé un document qui faisait de Cirilla la légataire universelle de Kaer Morhen. Ciri’ avait donc commencé à reconstruire Kaer Morhen, et avait engagé les mages et les alchimistes les plus compétents. Et, dans son dernier courrier, elle lui avait annoncé que ces derniers travaillaient sur les fameux mutagènes des sorceleurs. Remettre aux politiciens les secrets des sorceleurs avait été une décision lourde de conséquence, et qui avait longuement fait réfléchir les trois frères d’armes. Lambert, comme à son habitude, avait été le plus difficile à convaincre, mais il fallait se rendre à l’évidence. Après la guerre, la mort de Vesemir, les sorceleurs n’étaient plus que des fantômes. Alors, peut-être était-il temps que ces derniers sortent enfin de l’ombre, et qu’une nouvelle génération voit le jour. Les élixirs et les mutagènes avaient donc été soumis aux Nilfgaardiens, et ces derniers étaient apparemment en train de trouver un moyen de lutter contre la stérilisation des sorceleurs.
C’était cette information qui avait fait réfléchir Geralt, au point que Yen’ lui avait souvent demandé ce qu’il lui arrivait, et pourquoi il se montrait parfois si taciturne.
Aujourd’hui, tout allait se jouer.
«
Ma dernière aventure... Il fallait bien que ça arrive. Même pour moi... »
Dire qu’il n’était pas nerveux, ce serait mentir. Retournant à Corvo Bianco, devant son manoir, il sauta au sol, laissant le palefrenier s’occuper de son cheval, tenant dans sa main gantée une petite bourse, abritant l’objet de sa quête. Son
ultime vœu envers Yennefer.
Un anneau de mariage.