Ce qu’il fallait savoir, avec Mélinda, c’est que la femme ne se déplaçait jamais, et surtout pas à Nexus, sans son protecteur grand-frère.
Bran Warren la suivait comme son ombre, aussi fidèle que le plus loyal des chiens. Impossible, en effet, pour lui de se rebeller, ou de contredire un ordre de sa Maîtresse. Bran avait été éduqué pour être ainsi, et, généralement, ses tâches consistaient à protéger sa petite sœur quand elle se déplaçait, quand elle sortait. Ainsi, alors qu’elle se promenait dans les rues de Nexus, Bran était là, ce qui fit que, quand une silhouette émergea d’une ruelle pour les suivre, lui le vit, et fronça les sourcils.
Un soudard ? Le guetteur d’un gang ? Dans le doute, Bran les suivait, avançant prudemment le long des toits. Mélinda, elle, continuait à marcher, pendant que Téléria lui faisait l’historique du quartier.
«
C’était jadis une zone très vivante, ici, avec des spectacles de rues, des conteurs itinérants, des bohémiens qui chantaient, des jeunes qui remontaient la rue en étant ivres. Maintenant, regardez le résultat... De nombreux magasins ont fermé, faute d’avoir suffisamment de liquidités pour rembourser leurs prêts bancaires, et les guildes ont repris ces magasins, mais ne les ont pas rouverts, car ils ne sont financièrement pas assez rentables. Les problèmes sont multiples ici... »
Outre l’insécurité, qui était toujours invoquée par les banques lors des procès, les gens savaient que le problème principal venait de l’absence de régulation de la Couronne depuis quelques années, qui avait permis aux banques de rehausser leurs taux d’intérêts. De véritables taux usuraires, qui étaient rentables dans les quartiers les plus riches de la ville, mais pas dans ceux qui, comme celui-là, avaient aussi souffert de la guerre, de l’exode massif d’immigrés et de réfugiés. Difficile de rembourser des mensualités particulièrement lourdes, quand il fallait, en plus, s’acquitter des impôts locaux, du racket venant des gans du secteur... Les problèmes étaient donc multiples, et difficiles à résoudre.
Mélinda notait tout ça, et se sentait triste. Certes, Nexus était un adversaire, mais elle imaginait sans peine toutes ces vies brisées, ces individus qui se donnaient à fond, qui donnaient tout ce qu’ils avaient pour lancer leurs affaires, et qui s’écroulaient à cause de la cupidité de banquiers et d’hommes d’affaires peu scrupuleux, condamnés à survivre en signant avec eux des contrats de travail qui n’étaient rien de plus qu’une forme d’esclavage sauvage et cruel.
Le duo parlait donc, tandis que la silhouette encapuchonnée se rapprochait, confirmant à Bran que la personne était isolée. Il se laissa ainsi descendre discrètement le long d’une ruelle, et atterrit sur le sol, étouffant les bruits de pas, et se déplaça encore. Contrairement à Mélinda, Bran avait été formé par elle pour aiguiser ses sens, et ainsi faire de lui un chasseur-vampire, redoutable et mortel. Bran se rapprocha donc, tandis que la silhouette, elle aussi, s’approchait des deux femmes...
Et Bran banda alors ses muscles, puis bondit vers la silhouette. Une vitesse exceptionnelle, vampirique, qui lui permit de poser sa main sur l’épaule du voleur, et il le retourna alors, posant une main sur sa gorge, le plaquant au sol, ses canines pointant, tandis que ses griffes heurtaient le cou de... Le regard assassin de Bran se voila en voyant le visage d’une elfe, visiblement apeurée, et Mélinda se retourna alors, attirée par ce bruit.
«
Bran ?! -
Cette elfe vous pistait, Maîtresse. »
Éberluée, Mélinda cligna des yeux à plusieurs reprises, et se rapprocha alors, Téléria la suivant. La main de Bran était tellement serrée sur la gorge de l’elfe qu’elle ne pouvait pas parler, étouffant à moitié. En voyant ça, Mélinda fit signe à Bran de se calmer, et ce dernier relâcha le cou de la femme.
«
Pourquoi me suivais-tu, jeune elfe ? » demanda-t-elle simplement, lui laissant, pour l’heure, le bénéfice du doute.
Après tout, cette petite femme était très mignonne...