Enfin dans les ténèbres fut prononcé le serment ! Un serment d’amour éternel, un serment de mariage, un serment qui resterait à jamais dans la mémoire de ces lieux comme la première lueur pure qui l’ait jamais transpercé. Kamui prononça son serment, et elle en fit de même ; ainsi dans l’ombre furent scellé leurs cœurs et leurs âmes, dans un vœu d’amour et de fidélité, si tant soit peu qu’il soit prouvé ultérieurement que l’Izuna Kumiho pouvait ressentir une chose pareille à l’amour. Elle scella son serment par l’affirmation qu’elle acceptait de le prendre pour époux, et scella l’affirmation par un baiser passionné. Ce faisant, Kamui trouva son foyer dans les ténèbres, demeurant pour toujours dans la sombre forteresse de l’alchimiste des ténèbres, que sa nouvelle épouse ne pouvait quitter, car son âme devait demeurer en ces lieux oubliés du monde, et elle ne les quittait que sous sa forme de tourments des ténèbres, les Neuf, pour apporter tourments et destructions, catastrophes et tristesses, souffrances et maléfices. Le serment ayant été conclu, l’Izuna Kumiho porta les mains à sa ceinture et doucement, la retira, en même temps que les neufs queues s’infiltraient dans le haut et le firent lentement glisser jusqu’à ce qu’il retombe inerte au sol, et ne découvre le haut de la jeune nymphe des ténèbres … Maigre, elle l’était, et très légère, car personne ne mangeait moins qu’elle. Mais ses proies les meilleures étaient les humains, et sa maigreur n’enlevait rien ni à la beauté ni à la fragilité de ses traits … Elle ne les rendait que meilleurs encore.
L’Izuna Kumiho laissa ensuite choir sa robe, ne portant pas de sous-vêtements en dessous, se révélant totalement nue, tandis que ses neuf queues battaient l’air, l’obscurité semblant devenir plus pesante … Aucuns regards, aucunes oreilles, autre que son époux ne devait voir l’Izuna Kumiho nue, ne devait sentir son corps, où ne devrait sentir ses caresses. Mais le risque que courait l’époux était grand encore ! Elle s’approcha et pris son époux dans ses bras et l’embrassa, puis, lui mordit le cou. Non puissamment, car ses mâchoires avaient force de trancher en deux un requin, mais faiblement, doucement, et assez pour en faire couler le sang ; Ainsi l’Izuna montrait-elle son affection à celui qui s’était promis à elle … La morsure était un point naturel des Izunas et de l’Izuna Kumiho envers leurs promis, où leurs promises. Enfin, le rituel prénuptial ayant été achevé, l’Izuna Kumiho parla d’une voix toujours aussi douce à son amant :
« Mon époux, nous voila unis pour l’éternité et les ténèbres sont notre témoins ! Mon foyer est le votre et mes pouvoirs sont votre, ainsi en sera-t-il pour l’éternité, ainsi me protégerez-vous et m’apporterez soutien en temps sombres comme en temps heureux ! Ami, amour, amant, oubliez ! Oubliez les indignes ! Moi, Izuna Kumiho seule de mon serment à ma mort serait à vos cotés. A présent, aimez-moi ! Aimez-moi et entraînez moi dans un enivrant hyménée ! Unissons nos corps et ne faisons plus qu’un, un pour l’éternité ! »
Elle conclut ces termes par un baiser, et s’allongea sur le dos, sur une pile de livre précédemment sortit de leurs rayons par Kamui, les livres de ses études, et à présent voila que sur ses illustres recueils de savoir se trouvait sa femme qui s’offrait à lui, ses neuf queues encore roulées suffisamment habilement pour dissimuler son intimité, le trésor le plus précieux qu’elle puisse offrir à son époux en dehors de l’arme divine qu’elle gardait. Et en ce moment attendait t’elle que son amant se déshabille et la rejoigne, qu’il l’aime et vienne en elle, et qu’elle ressente le même plaisir, la même douleur, qu’il y à bien des années de cela. Ainsi l’Izuna Kumiho se préparait-elle.
Et pendant ce temps, en dehors de la bibliothèque, dans la porte de droite après le Hall de La Mémoire, au fond du laboratoire, un Alchimiste amplement amusé s’adonnait à dresser la liste de ce qu’il lui faudrait. Le Seigneur de l’Alchimie, lui, n’avait que faire de tergiversations inutiles ! Seule sa solitude et sa puissance était tout. Car en son monde, la Solitude était la seule Vérité ! N’avait-il pas maintes fois montré en quoi garder un cœur n’était autre que s’affaiblir ? Il descendit lentement les marches de l’escalier de son laboratoire. Il ne lui venait pas à l’esprit d’aller à la bibliothèque, mais il tourna quand même en rond. Car et si, et si, son âme damnée avait la puissance de conjurer le maléfique qui maintenait la herse irrémédiablement close ? Non, ce n’était pas possible : Il renforçait le sortilège au moins deux fois par jours ! Finalement, il remonta les marches. Oui, il n’y avait aucuns risques. Il s’installa dans un fauteuil taillé dans le marbre et plus froid que la glace et dirigea sa main sur sa mèche gauche qu’il aplatit encore un peu plus. Il avait fini. Il savait quoi trouver pour créer sa future divinité … Il savait ce qu’il lui fallait, et il savait où il devait chercher. Devait-il mêler de nouveau le professeur Sekhmet et le Docteur Ursoë ? Cela ne lui sembla pas être une idée excellente ; Ils devaient par ailleurs avoir autre chose à faire. Tout comme lui, en fait. Finalement, comme rester dans son obscur laboratoire ne lui donnait guère d’inspiration, il se leva, franchit la distance qui le séparait de la porte, et avant de sortir, seulement, il se retourna, et jeta un coup d’œil au cadavre de Nereid, qu’il contempla longuement. Qu’était devenue sa mémoire, son esprit, son âme ? Qu’était devenue Nereid dans la mort ? Finalement, il sortit et rejoint le Hall. L’alchimie qu’il usa passa outre de nombreuses règles, de nouveau, et enfin, il fit face au résultat de son travail. Sur l’autel central du hall, il y avait à présent une nouvelle statue ; Nereid, telle qu’elle fut de son vivant, souriante, belle, et malgré tout si triste …