La soirée passait et Irys attendait... En fait, elle-même ne savait pas trop ce qu'elle attendait. Elle s'était attirée quelques regards curieux, en effet une femme buvant seule, qui plus est dans son accoutrement, n'était pas anodin. Il est possible que sans les poignées de son sabre et son glaive, laissées ostensiblement en évidence, quelqu'un aurait essayé de l'aborder, voire les chercher des histoires. C'était une chose courante, quelque soit le lieu. Irys voyait cela comme des moucherons dont on se débarrasse d'une bonne claque.
Mais toutes ses pensées ne servaient qu'à occuper l'esprit de la mercenaire. Tout ce qu'elle faisait au final, c'était laisser filer le temps et attendre qu'éventuellement quelque-chose se présente. La notion de "perte de temps" lui était devenue parfaitement étrangère, car aux dires de sa maitresse démone, son espérance de vie pouvait encore s'étendre sur des siècles et des siècles. Alors, quelques heures de soirée dans un taverne nexusienne n'étaient rien en comparaison.
La serveuse passa resservir Irys, et lui demanda, l'air gêné, si elle attendait quelqu'un, ce à quoi la mercenaire répondit par la négative. En la voyant retourner au comptoir, elle vit la serveuse glisser un mot au patron, qui lâcha un soupir. La semi-démone comprenait ce qu'il se disait dans sa tête. En occupant cette table, seule, elle bloquait entre 3 et 4 places inoccupées, et que le tenancier aurait bien aimé voir prises par des clients, ce qui aurait augmenté sa recette du soir. Irys s'en moquait. Elle avait payé pour sa chambre et son repas, elle avait autant le droit qu'un autre d'être assise ici. Elle soupira. Encore des pensées pour s'occuper l'esprit... Était-ce du à sa part humaine, ou toutes les créatures pensantes avaient-elles ce trait en commun ? Elle en parlera peut-être à sa maitresse, si l'occasion se présente...
Le cours de ses pensées fut troublé quand quelqu'un s’assit à coté d'elle. Irys détailla l'inconnu du coin de l'oeil, ou plutôt l'inconnue, puisque le visage qu'elle distinguait sous la capuche la désignait clairement comme étant de sexe féminin. Pour le reste, il n'y avait pas grand chose à dire, la capuche faisait partie d'une longue cape destinée à cacher son porteur, et qui dans le cas présent remplissait bien son rôle. La mercenaire estima la taille de son interlocutrice comme étant un peu plus grande que la sienne, pendant que celle-ci s’enquerrait de son identité, ainsi que de savoir si elle était libre pour un contrat. Au passage Irys glissa sur le fait qu'elle soit reconnue ainsi, de même que ses compétences soient connues. Elle savait depuis le temps qu'elle se trainait une certaine réputation, aussi ce genre de situation ne l'étonnait plus.
-Je recherche quelqu’un pour m’accompagner dans l’antre d’un dragon. Un dragon zombi. Ce type de créature peut être particulièrement coriace et je pense que de l’aide pourrait être la bienvenue.
Là, la mercenaire haussa un sourcil. Un dragon zombi était une des créatures les plus déplaisantes à affronter, personne ne s'y risquerait à moins d'avoir une très solide raison de le faire. Deux petites voix dans sa tête se réveillèrent. L'une lui siffla que c'était une excellente façon de briser la routine, l'autre la fit s'interroger sur les motivations de sa commanditaire. Celle-ci avait par ailleurs déposé une généreuse bourse sur la table, en signe de paiement d'avance. Si Irys prenait cette bourse, le contrat serait déclaré valide.
La plupart des mercenaires auraient décliné l'offre, même avec une bourse deux fois plus remplie, estimant le risque trop grand, mais Irys n'était pas n'importe qui. Et la possibilité d'aller affronter un dragon zombi représentait un sacré défi, le genre de chose qu'elle appréciait. C'était dans ce genre d'affrontements, où la mort rodait autour d'elle, qu'elle se souvenait de la valeur qu'avait la vie, chose qu'elle avait tendance à oublier au quotidien.
" Marché conclu.
Juste une chose, ce n'est pas par lubie que vous voulez chasser un dragon zombi, pas vrai ? Simple curiosité de ma part... "