Dans ces terres désolées qu'étaient les landes dévastées, la vie y semblait être un intrus. Les ténèbres de ces lieux anéantissaient chaque lueur d'espoir qui brillait dans le cœur des êtres qui osaient s'aventurer dans son sanctuaire. Les arbres, l'herbe et même l'air semblaient mort. Il y était pratiquement impossible de respirer avec toute la poussière que soulevait chaque courant d'air. Le soleil était voilé par les nuages, privant tout être de sa lumière. Au milieu de cette terre où la vie était pratiquement impossible, Kamui était perdu.
Le jeune homme, épuisé par sa marche, était seul, couché sur le dos au pied d'un rocher. Son guide avait été tué par des bêtes sauvages sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit, laissant son client seul dans cette étendue désertique. Pourquoi fallait-il toujours que sa curiosité le pousse à se jeter dans des expériences désagréables? Il était meurtri de partout, affamé et surtout déshydraté. Même ses blessures ne guérissaient plus aussi vite qu'à l'habitude, ce qui était assez désavantageux quand on est aussi imprudent que Kamui. Il était totalement désespéré, mais pas assez pour mettre fin à ses jours. Il n'était pas assez lâche pour le faire. Il avait pourtant été tellement bête d'entrer dans ces terres mortes, il regrettait surtout de mourir seul au milieu de nulle part. Il était couvert de poussière, à moitié conscient, cherchant à réfléchir tranquillement. Ses pensées le ramenèrent à Nimelya. Il se demandait où elle pouvait bien être. Il y avait un moment qu'il n'avait pas eu de ses nouvelles. Il entendait parfois parler d'elle au travers d'hommes qu'elle avait rencontré, mais c'était relativement peu d'information sur sa position actuelle, mais la savoir en vie était un peu rassurant. Il sourit, pourquoi pensait-il à elle alors qu'il allait probablement mourir?... à vrai dire, elle lui manquait, enfin, de quelque peu, il aurait aimé la revoir une autre fois.
Kamui trouva assez d'énergie pour s'asseoir, collant son dos sur le rocher pour avoir un appui. Il chassa le sable couvrant son sabre à ses cotés. Cette lame lui avait couté une petite fortune, mais elle était maintenant couverte de sang noir et de poussière. Il prit doucement la cordelette soutenant son sac de toile, la retira de son cou et en sorti une pomme, qui fut suivit de sa dernière cigarette. C'était pratiquement tout ce qui lui restait de nourriture et d'eau. Le temps semblait arrêté autour de lui, tant c'était pareil partout, sa vie ne tenait qu'à une pomme et une cigarette. Ironique, n'est-ce pas? On lui avait dit de ne pas fumer, et pourtant, aujourd'hui, il allait mourir avec une cigarette dans la gueule après avoir consommé ce qui a causé la perte du jardin d'éden. Cette réflexion le fit rire. C'était un rire plutôt démentiel, puisqu'il n'y avait rien de drôle, mais il riait comme un débile. "Si mon père me voyait... en fait, j'aurai bien aimé qu'il soit là pour lui dire d'aller se faire foutre putain sa carrière où je pense" Pensa-t-il, ricanant. Il croqua son dernier fruit, le dévora, en tirant assez d'énergie pour se lever. S'appuyant sur le fourreau de son sabre long, remontant la capuche de sa cape sur sa tête, Kamui se remit en marche. Il valait mieux avancer que s'arrêter et mourir sans n'avoir rien tenté.
Il sentait bien l'odeur du fauve autour de lui, les bêtes étaient proches, mais ne l'attaquaient pas, attendant plutôt qu'il meurt avant de dévorer sa carcasse. Pourquoi était-il entré dans cet enfer? Tout simplement parce qu'il recherchait cette femme, Nimelya. Un homme, de haute classe, qui disait avoir couché avec elle lui avait dit qu'elle s'était dirigée vers cette terre, lui disant, après cette révélation, qu'elle avait oublié de prendre l'argent pour la nuit qu'ils avaient passée ensemble et suivit son commentaire d'une rigolade, comme si c'était très drôle. En colère, Kamui lui avait coupé la langue pour avoir traité sa première amante de prostituée. Une nymphe, selon lui, choisissait ceux qui lui plaisent comme partenaires. Partager la couche d'une nymphe était une chance inouïe, et encore plus chanceux est celui qui peut se vanter d'avoir gagné l'amour d'une de ces créatures magnifiques.
Une heure passa, peut-être deux et Kamui n'était toujours pas sorti de son merdier. Exténué, il se laissa tomber sur le dos, heurtant durement le sol, échappant son sabre. Il regarda le ciel un moment, il ne croyait pas au paradis, il savait qu'il allait se retrouver dans un univers merdique une fois qu'il serait mort. Sur le point de perdre connaissance, le visage de Nimelya apparut devant le sien, penchée sur lui, souriant. Kamui lui rendit son sourire puis tendit la main vers son beau visage pour le caresser. Un seul mot franchit ses lèvres.
- Maîtresse...
Alors qu'il allait la toucher, elle disparut, comme lorsqu'ils s'étaient rencontré. Ce n'était qu'un mirage. Un simple tour de son esprit, mais ça suffit pour arracher un autre sourire au jeune homme. Sa main retomba mollement sur le sol. Il avait une furieuse envie de pleurer, mais d'un autre coté, il voulait mourir avec le sourire. Alors il fit les deux en même temps, comme s'il pleurait de joie. Il ferma les yeux. Sa seul chance de survivre, c'était si quelqu'un venait le sauver. Il y avait une chance sur trente que ça arrive, mais fallait croire aux miracles. Il adressa une dernière prière avant de s'endormir. Il les adressa à quatre divinités grecques qu'il avait retenue. Dionysos, pour lui avoir accordé le plaisir de faire la fête, Artémis, pour lui avoir toujours accordé une superbe chasse, Apollon, pour lui avoir donné son don de guérison, et finalement, Aphrodite, pour avoir mis Nimelya sur son chemin et pour lui avoir accordé la chance de connaître le corps d'une femme avant de mourir. Définitivement, il lui devait une fière chandelle, à cette femme. Il n'avait pas envie de prier Dieu, qu'il considérerait comme une espèce de nouveauté à la mode, si on considérait qu'il était arrivé pas mal plus tard dans la vie du monde.
Après ses prières, il se laissa aller au sommeil, attendant patiemment son sort. Il aurait bien envie de vivre encore un peu. Il croisa les doigts et resta immobile jusqu'à ce qu'il s'endorme.