*Grimpe, c’est un bateau, la solution est en hauteur...*
Grimper, grimper... Ce leitmotiv tournait dans sa tête, encore et encore, rebondissant dans son esprit. Un mot simple, une consigne simple, mais une application complexe. Elle ignorait dans quel foutu navire elle se trouvait, mais, outre d’être à moitié englouti, il était tout simplement immense. Elle était comme Pinocchio, perdue dans le ventre d’une monstrueuse baleine ballottée par les flots déchaînés. La jeune femme avait ainsi trouvé un escalier en bois, mais devait régulièrement s’agripper à la rampe, dans la mesure où chaque embardée du rafiot manquait de la faire dégringoler.
*’Manquerait plus que je me fasse une crampe, tiens... Une fin glorieuse pour l’élue des Dieux !*
Dans ce genre de situations, l’environnement était toujours un élément important. Ciri’ avait été arrachée des zones où elle avait l’habitude de se battre pour se retrouver en mer. Oh, il lui était bien arrivé de se battre sur des navires, mais... Ce n’était guère une habitude, et ça n’avait rien à voir. Généralement, il s’agissait de défendre un navire marchand contre des attaques de pirates, ou contre des Sahuagins, voire des sirènes-monstres, qui s’envolaient dans les airs pour venir attaquer les marins. Et, à chaque fois, la sorceleuse avait détesté ça. Ce n’est pas qu’elle avait le mal de mer, mais se battre sur l’eau était terrible. L’espace était extrêmement restreint, il n’y avait aucune cachette possible, et, si on tombait dans la mer, la partie était, pour ainsi dire, finie.
Pour ne rien arranger, elle devait aussi retrouver quelqu’un, son adversaire, et le battre... Tâche d’autant plus ardue qu’elle était totalement perdue, et que les multiples craquements du bateau ne l’aidaient pas à se concentrer. L’escalier, en tout cas, la conduisit à un autre étage, où elle alluma quelques bougies, regardant autour d’elle. Sous son nez, une porte menait à une sorte de réserve. Les cordes retenant de multiples tonneaux avaient été brisés, et ces derniers bringuebalaient dans tous les sens. À tout hasard, Ciri’ se pencha vers l’un d’entre eux, et tenta de le forcer... Pour voir déferler un vin poisseux.
« Raah, merde ! » pesta-t-elle, jurant contre sa mauvaise fortune.
Si elle tombait sur cet elfe de malheur à nouveau... La femme se redressa, et s’écarta de la pièce, puis s’avança le long du couloir, qui l’amena dans un autre dortoir, une longue pièce avec une échelle au centre. Elle s’arrêta soudaine n entendant le grondement de l’éclair... Au milieu d’un violent hurlement. Un hurlement qui venait des hauteurs, et qui l’amena instantanément à poser sa main sur la poigne de l’une de ses épées.
*Par tous les monstres, qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!*
Le cri mourut au bout de quelques secondes, mais Ciri’, elle, resta inerte, silencieuse, tous les sens aux aguets. Était-ce un cri d’avertissement ? Une menace ? Le signe qu’elle avait été repérée ? Ou son imagination qui lui faisait des tours ? Les questions se multipliaient dans son esprit, et elle ferma les yeux... Puis entreprit de se calmer. Un nouvel environnement, l’absence de ses armes, de ses élixirs... L’être humain avait par nature tendance à s’habituer à une certaine forme de routine, et ce même dans le cadre d’une vie consistant à chasser des monstres. Cette routine mécanique, Ciri’ l’avait à travers ses armes de sorceleuse, et, privée de ces dernières, elle était lâchée en plein inconnu. Elle se força donc à se calmer, respirant lentement, réalisant les exercices de méditation qu’on lui avait enseigné. Dans une position optimale, elle aurait pu s’asseoir en tailleur, mais, en l’état actuel des choses, elle estimait cela trop dangereux.
Tout passait par la respiration, par le rythme cardiaque. Elle ralentit donc son rythme cardiaque en respirant lentement, et s’absorba dans cette méditation, à tel point qu’elle n’entendit plus que le propre son de sa respiration.
*Si je maîtrisais mieux mes signes, je pourrais m’auto-calmer avec Axii, mais...*
Mais elle était une piètre magicienne.
La femme rouvrit les yeux, et reprit prudemment sa route, en marchant vers l’échelle. Un carré d’eau enveloppait l’échelle, qui menait directement au pont. Quoi qu’il y ait là-haut, son adversaire s’y trouvait assurément... Elle grimpa donc, barreau après barreau, se retrouvant sur le pont.
Un mât devant elle, un autre derrière. Était-elle à la proue, ou à la poupe du navire ? En levant la tête, elle vit que le ciel était noir, un noir d’encre, chargé de lourds nuages, et d’éclairs virevoltants, qui sabraient le ciel. Une tempête qui se reflétait au niveau des flots. Ils étaient complètement déchaînés, mais elle eut au moins la confirmation d’une chose : le navire avançait... Avec de la flotte dans la cale. Il filait, ses voiles déchirées tendues au maximum, au milieu de récifs escarpés, de vagues gigantesques, d’énormes rouleaux qui explosaient au loin, comme si on avait largué Cirillia en plein enfer maritime.
L’eau venait aussi bien de la mer que du ciel, et le vent était si fort qu’elle en avait du mal à voir quoi que ce soit, ou encore à entendre... Là aussi, un élixir aurait pu l’aider à améliorer ses réflexes sensoriels.
*Comment suis-je censée me battre dans une telle tempête ? C’est un foutu cyclone !*
D’où venait le cri qu’elle avait entendu ? La femme se mit à marcher vers l’avant du navire, et trouva un escalier en bois. Alors qu’elle s’attendait à y voir la fin du navire, et donc à trouver la barre du capitaine, elle constata que ce n’était qu’une plateforme d’observation, et que, derrière celle-ci, un autre pont se dressait. Autrement dit, le pont de ce navire était constitué d’une série de plateformes séparées entre elles par des promontoires d’observation. Depuis ce promontoire, elle put voir que ce navire était effectivement immense.
Elle observa alors la plateforme devant elle... Et fronça les sourcils en voyant une sorte de boule argentée.
*Qu’est-ce que c’est que ce truc ?*
La jeune femme sauta par-dessus le rebord, et arriva de l’autre côté, se réceptionnant en fléchissant les genoux et en posant une main au sol. Lentement, elle se concentra, et invoqua le signe de Quen, envoyant autour d’elle un fin bouclier magique. Malheureusement, il ne protégeait pas de la pluie, et elle s’approcha de la curieuse structure, qui détonait par rapport au reste du décor, et, par mesure de précaution supplémentaire, dégaina l’une de ses épées.
*On dirait... Un genre de... Cocon métallique ? Si j’avais une bombe, je pourrais le mettre à l’épreuve...*
Faute de quoi, elle se tenait là, prête au moindre geste qui émanerait de cette étrange structure.