Il était curieux de constater à quel point les paysages japonais pouvaient être
contrastés ; une petite demie-heure de taxi et un environnement tropical et paisible s'était substitué au centre-ville hyper-moderne de Seikusu.
« Ça vous fera 14 000 yens, m'sieu ». Le véhicule s'était arrêté à l'entrée d'une grosse station balnéaire. De sa fenêtre entrouverte, Jack apercevait un petit port auquel étaient affrétés yachts, catamarans et même un petit voilier en bois de noyer. Plus loin, surplombant la plage, se trouvaient les hôtels, les clubs et les casinos, attraction privilégiée des lieux.
Jack paya le taxi sans regimber, et ouvrit la portière de la mercedes neuve avant de rabattre ses
solaires sur son nez. Il était dix-neuf heures passées, mais le soleil chauffait encore l'asphalte de la marina. L'agent Taylor était parvenu à négocier quelques jours de congés avec ses employeurs, à condition de ne pas
trop s'éloigner de Seikusu. Ponctionnant ses économies, l'homme avait décidé de réserver une suite au
Mermaids, un luxueux hôtel du bord de mer, pourvu d'un SPA, d'une immense piscine commune et de nombreuses autres réjouissances que le site internet du palace invitait à découvrir par
soi-même.Alors qu'il traversait le port de plaisance, croisant de riches vacanciers en maillot de bain, Jack surpris le regard appréciateur d'une jeune femme qui sirotait un cocktail coloré à l'arrière de son yacht et lui adressa un grand sourire en retour. Le prétendu professeur de lycée avait troqué son habituel costume pour une tenue estivale plus appropriée ;
chemise en lin rayée bleu et blanche , aux manches retroussées, chino khaki et bottines en cuir de cordovan – même en vacances, Jack tenait à être d'une élégance
irréprochable.
« Fiouh », lâcha Jack, lorsqu'il pris possession de sa chambre, une vingtaine de minutes plus tard.
Comme dans la plupart des hôtels de luxe, il s'agissait davantage d'un petit appartement aux couleurs chatoyantes, pourvu d'une immense salle de bain, d'un bar américain, d'un petit salon, et d'une grande chambre qui faisait face au levant et... A l'
océan. Une petite terrasse , une dizaine de mètres au plus au niveau de la mer, permettait d'apprécier davantage la vue sur la plage de sable fin.
« J'aimerais savoir si vous disposez de cigares cubains », hasarda-il à l'intention du garçon d'étage, qui se préparait à s'éclipser discrètement.
« Monsieur trouvera probablement son plaisir dans le fumoir. Vous disposez également de plusieurs paquets de cigarettes différents, ainsi que de deux pipes neuves. Si vous manquez de tabac, je vous invite à solliciter la réception. »Jack eût une moue appréciatrice, en contournant le mini-bar, généreusement pourvu en alcool en tout genre, y compris en whisky, ce qui le fit sourire.
« Décidément, on ne manque de rien ici, hm ? Peut-être d'une ou deux jeunes femmes dénudées, à la limite... », lança-il d'un ton badin, pour taquiner son pauvre interlocuteur, qui s'empourpra légèrement, sans toutefois se démonter. Ce n'était probablement pas la première fois qu'il avait ce genre de conversation avec un client.
« La grande salle de réception à l'étage accueille des... artistes, à partir de vingt-deux heures. Probablement pourrez-vous vous entretenir avec l'une d'entre d'elles. Les tarifs de leurs...prestations sont bien évidemment compris dans le prix de votre suite. »Contrairement à ce qu'on pouvait penser, les hôtels qui employaient des escort-girls n'était pas une chose rare, surtout s'agissant d'établissements de luxe. Il était arrivé à plusieurs reprises que l'agent Taylor trompe ainsi sa solitude. Néanmoins ce soir, les services d'une
professionnelle ne l’intéressaient pas; il rêvait de
tranquillité. Hochant la tête pour congédier le jeune homme, Jack se servit un verre de
Yamazaki single malt - sans glace, un étonnant alcool japonais, élu meilleur whisky du monde un an plus tôt. Ouvrant la porte fenêtre de la véranda, Jack s'installa dans un confortable
canapé à l'extérieur, pour siroter sa boisson, et posa ses lunettes de soleil sur une table basse. Bercé par le roulis des vagues et le chant des grillons, le
brave homme ne tarda pas à s'assoupir, alors que la nuit commençait à tomber sur la station balnéaire.