Le cœur de Cordélia battait la chamade. Après les avoir fait voyager des jours, enchaînés dans un chariot, les esclavagistes avaient fait halte dans une de leur base. Ils avaient alors fait descendre tous les esclaves dans une cave sombre, humide et inconfortable. La jeune sirène les avaient entendu dire qu'ils arriveraient juste à temps pour le marché dès demain et qu'ils s'en mettraient sans aucun doute plein les poches. L'idée ne plaisait pas du tout à la délicieuse fille des eaux. Il fallait à tout prix qu'elle échappe à ce destin funeste. Pas question de devenir une esclave, elle voulait rester libre et l'océan lui manquait déjà tant ! A priori, s'échapper relevait de l'impossible, mais elle ne voulait pas baisser les bras. Il ne fallait pas abandonner ! Il suffisait d'attendre le bon moment, voilà tout. En attendant, elle essayait de se défaire de ses chaînes, mais celles-ci étaient bien trop solides. Après une bonne heure, deux types finirent par entrer dans la cave en annonçant qu'ils allaient les sortir un par un pour les ausculter avant la vente de demain. La voilà sa chance !
Tour à tour, deux esclaves furent emmenés avant elle. Ils revenaient avec le même air triste et désespéré que d'habitude. Ils semblaient tous résignés. Mais pas elle ! On finit par la détacher et l'entraîner hors de la cave, jusque dans une chambre simple où se trouvait un troisième homme avec quelques instruments et outils. C'était sans doute la personne chargée de l'osculation. Les deux gros bras, eux, la maintenait debout au milieu de la pièce.
Un sourire pervers aux lèvres, le type la força à ouvrir la bouche pour regarder sa dentition tout d'abord. Puis il commença à malaxer durement ses seins, tirant une grimace à la jeune femme. Apparemment satisfait, il attrapa un maître ruban et commença à mesurer son tour de poitrine, puis sa taille et ses hanches. La jolie sirène, pendant ce temps, réfléchissait au meilleur moyen de sortir d'ici. Ce fut l'un des deux hommes la tenant qui lui offrit une opportunité. Il annonça qu'il allait se soulager et sortit de la pièce. Il n'y avait plus qu'un seul homme lui tenant le bras. Le cœur de la jeune femme s'emballa encore davantage, victime de l'adrénaline. Soudain, auscultateur s'accroupit et enfonça deux doigts dans son intimité, sans prévenir. Cordélia poussa un cri et envoya son genoux percuter violemment le visage de l'homme dans un craquement inquiétant. La victime hurla en s'écroulant au sol, se tenant le visage. La sirène en profita pour mordre l'autre homme, enfonçant profondément ses dents dans sa chair. Lui aussi hurla et finit par la lâcher. Ni une, ni deux, la demoiselle s'élança vers la fenêtre de la chambre et s'acharna un peu dessus avant de comprendre le mécanisme et de s'évader.
Elle entendit des éclats de voix derrière elle. On venait certainement de dénoncer sa fuite. Et en effet, elle eu tôt fait d'entendre la courses de plusieurs hommes à ses trousses. Cordélia ne savait pas où aller, elle était bien moins rapide qu'eux. Alors elle n'eut d'autre choix que de redoubler d'effort et de trouver une cachette. La base des esclavagistes se trouvaient à la lisière d'un village. Elle entra donc dans celui-ci, se faufilant parmi les gens et les ruelles. Enfin, elle réussit à se cacher derrière un tas de caisses de marchandises. Elle entendit les hommes passer non loin et pester, puis leur pas s'éloignèrent. Cordélia en profita pour reprendre un peu son souffle. Elle avait réussie ! Elle était libre ! Non, elle ne devait pas crier victoire trop tôt. Il fallait désormais qu'elle quitte cet endroit définitivement et qu'elle rejoigne l'océan. Il n'y aurait pas de lieu plus sûr.
Une fois certaine de ne pas être observée et de ne pas voir les types rôder dans le coin, la jeune femme quitta sa cachette. Elle se rendit alors compte qu'elle était complètement nue et elle était loin de passer inaperçue ainsi. Comment faire ? C'est alors qu'elle vit le marché sur la place. Comme le jour déclinait, les marchands commençaient déjà à ranger leurs étales et il y avait peu de monde dehors. Parfait !
Discrètement, la jeune sirène se glissa jusqu'à une étale qui vendait des vêtements et des étoffes. Comme la vendeuse était occupée à plier certaines de ses marchandises pour les ranger dans un coffre posé dans son chariot, Cordélia en profita pour voler une longue cape, se draper dedans et s'éloigner comme si de rien n'était.
Maintenant, il allait falloir trouver une solution pour rejoindre la mer la plus proche. Timide et toujours apeurée, elle finit par demander à plusieurs marchands s'ils pouvaient la déposer. Elle essuya plusieurs refus avant qu'un homme fort sympathique n'accepte et la face monter dans son chariot remplit de fruits et légumes invendus.
Durant le voyageur, ils discutèrent peu et la sirène fut plutôt heureuse de ne pas avoir à justifier qui elle était et d'où elle venait. Elle avait beau avoir une allure étrange, le type la prenait tout simplement pour une terranide fuyant les esclavagistes. Ce qui n'était pas entièrement faux. C'était pas son problème, de toute manière il avait jamais aimé le principe de l'esclavage pour sa part, alors il était content d'aider cette petite créature innocente.
Le chariot se traina une bonne partie de la soirée avant de parvenir dans un petit village de pêcheur où le marchand faisait halte. Cordélia le remercia chaleureusement et s'empressa de se diriger vers le port. A cette heure-ci, celui-ci était quasiment désert.
Cordélia n'hésita même pas une seconde avant d'enlever sa cape et de plonger. A l'instant même où sa peau toucha l'eau salée, elle se sentit revivre. Ses jambes frémirent, puis se transformèrent en une sublime queue de poisson d'un bleu aussi vif et profond que ses yeux.
La jeune femme était si heureuse de retrouver son élément qu'elle dansait et dansait encore dans les profondeurs, profitant du plaisir incomparable que lui prodiguait l'eau sur son être.
Elle nagea longuement, s'éloignant le plus possible des terres et s'enfonçant de plus en plus dans les eaux. Elle pensa un instant à son peuple massacré, à Atlantis. Mais elle ne pouvait retourner là-bas. Il n'y avait plus âme qui vive... cela n'aurait servit à rien. Mais alors... où aller ? Elle l'ignorait.
Elle erra plusieurs jours dans l'océan, profitant parfois qu'un banc de baleines passe dans le coin pour se reposer sur leur dos. Puis un jour, alors qu'elle nageait droit devant, perdue, elle tomba sur une étrange sphère lumineuse. Elle s'arrêta aussitôt, apeurée, mais l'élément étrange ne bougea pas. Ce n'était pas vivant et ce qu'elle avait prit tout d'abord pour une méduse immense n'en était pas une. Cordélia aurait du passer son chemin, mais elle était trop curieuse et comme hypnotisée par cette lumière étrange. Alors elle approcha lentement. Encore. Encore. Elle tendit la main, son doigt éffleura la sphère, puis la lumière jaillit, éclatante, l'enveloppant toute entière jusqu'à la happer. Cordélia eut l’impression de se retrouver dans un véritable siphon, ballotée dans tous les sens sans pouvoir rien contrôler. Et lorsqu'enfin tout sembla se calmer, elle fut comme recrachée ou expulsée.
Cordélia reprit ses esprits et regarda autour d'elle. Elle était toujours au fond des eaux. Pourtant, elle sentit qu'il y avait quelque chose de foncièrement différent. Elle ne connaissait pas du tout cet endroit. Bon, il est vrai qu'elle n'avait pas connue tous les océans du monde, mais il y avait vraiment quelque chose de bizarre. L'eau était beaucoup plus trouble, moins claire et agréable... et les plantes et les algues qu'elle croisa n'était pas du tous comme ceux qu'elle voyait d'habitude. Un peu étonnée et nerveuse, elle continua néanmoins sa route.
Au bout d'un moment, elle décida de remonter un peu en direction de la surface et de se reposer sur un rocher. Elle était prêt d'une côte et cela ne lui plaisait pas beaucoup. Cependant cette partie semblait déserte. Alors elle se permit une longue pose, mangeant quelques fruits de mers trouvés par-là avant de se mettre à chanter, passant ses mains dans ses cheveux pour les coiffer.
Sa voix s'élançait en échos, emportée par le vent, une voix délicieuse et enchanteresse qui attira beaucoup de poissons et autres habitants de la mer. Elle continua de chanter en les regardant avec un sourire. Des oiseaux vinrent également l'écouter. L'un d'eux assez petit, se posa sur son épaule, puis sur la main qu'elle lui tendait.
Comme toute sirène, Cordélia aimait beaucoup chanter. Et elle ne s'en priva pas. Ou tout du moins jusqu'à ce qu'une bande d'hommes armés de filets de pèche ne s'approche et ne tente de la capturer. Cordélia paniqua un instant alors qu'un filet l'emprisonnait. Elle se rua dans tous les sens, se blessant contre le sol et les rochers. Heureusement, elle parvint à briser le filet et à se faufiler hors d'atteinte, replongeant dans les eaux pour se mettre à nager frénétiquement, à une vitesse ahurissante, fendant les eaux comme si sa vie en dépendait. Et c'était bien le cas remarquez.
Elle nagea ainsi pendant longtemps, très longtemps, incapable de ralentir tant la peur lui vrillait les entrailles. Mais petit à petit, ses forces l'abandonnèrent. Épuisée, elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Elle devait trouver un endroit où se reposer ou bien elle allait sombrer. Elle réunit ses dernières forces jusqu'à s'apercevoir qu'en face d'elle, sur tout l'horizon, ne s'étalait que du sable et un vaste continent. Et faire le tour lui prendrait certainement des heures... ou des jours. Elle n'avait plus le choix. Elle se rapprocha un peu de la surface et se laissa glisser sur la berge. Exténuée, elle n'eut même pas l'énergie pour transformer sa queue de poisson en jambes. Plus rien ne répondait. Exténuée, haletante, elle finit par perdre connaissance.