Lamia...elfe...les choses continuaient à être compliquées pour Nassirah qui ne savait sur quel pied danser. Elle continuait à se réveiller, au sortir de nuits de sommeil troublées, en étant à chaque fois persuadée de sortir d'un cauchemar pour finalement y entrer de nouveau, à chaque fois qu'elle sentait non pas des jambes, mais une longue queue serpentine...la sienne. Qu'est-ce qui l'effrayait le plus ? De ne pouvoir s'y faire ou au contraire de finir à terme par accepter sa condition ? Les Lamias étaient universellement reconnues pour être des monstres dangereux et redoutables, et à juste titre, ses instincts avaient déjà fini par la pousser à faire des choses qu'elle se reprochait fortement. Nassirah refusait toujours ce qu'elle était devenue, mais au sein de la grande roue du destin, son avis sur la chose n'était pas pris en compte. Elle subissait, tout simplement.
Comme à l'accoutumée, la jeune Lamia n'avait aucune idée d'où elle se trouvait, sa seule préoccupation était généralement d'éviter les routes et les endroits fréquentés, et de trouver des lieux isolés pour pouvoir s'installer le temps de quelques jours avant de repartir. Ce qu'elle cherchait, elle même n'en avait aucune idée, elle voyageait car il n'y avait que ça qu'elle pouvait faire sans trop risquer de briser des vies au passage...et encore. Elle ne parvenait en effet pas toujours à esquiver d'autres êtres autant qu'elle le souhaitait, s'en suivait parfois des confrontations, aux résultats catastrophiques, car la Lamia était encore au stade d'apprendre à contrôler sa force qui avait beaucoup grandi.
Une vagabonde fort peu ordinaire en somme, qui n'avait aucune maison, et plus aucun véritable lien avec qui que ce soit. Nassirah se sentait en réalité terriblement seule, on fuyait ou l'on sortait des armes à chaque fois qu'on la voyait, et la Lamia ne pouvait pas vraiment en vouloir à ces gens. Ils ne savaient pas son histoire, de leur point de vue elle était une dangereuse prédatrice venue les dévorer, mais rencontrer systématiquement de l'hostilité finissait par miner son moral, et par là même toute considération qu'elle pouvait avoir envers autrui. Car à la violence, elle finissait de plus en plus par répondre par la violence justement, car elle en avait assez de cette injustice. Même lorsqu'elle ne montrait aucun signe d'agressivité, et faisait tout pour ne pas se montrer hostile, personne ne prenait la peine d'envisager le fait qu'elle ne voulait de mal à personne. Alors forcément, à force de se faire mordre, elle finissait elle aussi par montrer les crocs.
La Lamia glissait le long du sol, ondulant pour se déplacer avec plus de grâce et d'agilité qu'auparavant, elle apprenait peu à peu à maîtriser les bases de son corps, mais bien d'autres aspects lui étaient soit inconnus, soit connus mais impossibles à maîtriser de par elle même. C'est perdue dans ses pensées qu'elle perçu au lointain une présence, qui se trouvait sur son chemin bien qu'à encore une grande distance. Une personne, seule d'après les émissions d'odeurs que Nassirah pouvait capter. En temps normal, elle aurait décidé de contourner pour éviter toute rencontre, mais cette odeur là, elle ne l'avait jamais goûtée. Elle ressemblait à de l'humain, mais malgré certaines similitudes le "goût" était différent par bien d'autres aspects. La prudence lui aurait dicté de quand même passer son chemin, mais cette odeur l'intriguait car elle lui rappelait presque quelque chose, sans pour autant parvenir à mettre le doigt sur ce que c'était.
Elle hésita un moment, puis décida de prendre le risque d'aller observer, se jurant de fuir si elle venait à se faire repérer. Malgré sa grande taille, Nassirah pouvait se déplacer assez discrètement, en couchant son corps contre le sol, sa queue lui permettait des mouvements rapides et amples. Elle mit un certain temps à arriver à proximité, mais voulait limiter les risques d'être surprise, ses glissements s'arrêtaient juste derrière un bosquet qu'elle utilisa comme couverture, et se redressa alors pour observer. Son coeur se mit à battre fortement en voyant une elfe, une consoeur, elle n'en avait pas croisé depuis sa transformation ! Nassirah ressentit l'envie de s'approcher et de carrément lui parler, avant de se rappeler sa propre condition, elle serait certainement vue comme une menace. Que pouvait donc bien faire une elfe seule au milieu d'une forêt toutefois ?