Elle avait peut-être eu un nom… Jadis… Avant le grand mur blanc. Aujourd'hui elle essayait surtout de comprendre ce qui lui arrivait.
Tout avait commencé quelques jours plus tôt. Ou étais-ce quelques semaines ? Elle n'en était pas sûre. Elle s'était réveillée dans une cage constituée de solides barreaux d'acier couvrant aussi bien les murs que les flancs ainsi que le sol et le plafond. Trop petite pour y tenir debout, juste assez grande pour s'y tenir à genoux. Il se trouvait un grand nombre d'hommes autour d'elle et une forme recroquevillée et apparemment endormie à ses pieds.
La forme s'était révélée être une femme après inspection. Une superbe femme à la longue chevelure brune-blonde, aux lèvres pleines, au visage fin et bien dessiné, portant des lunettes sur le nez qui avait glissée et s'étaient fendues, sans doute dans une chute quelconque. Ses habits très simples, une jupe bleue et un chemisier plus pâle, laissaient pourtant deviner des formes attrayantes à l'œil. La femme présentait aussi un certain nombre de contusions sur le visage et les avants-bras, quelques plaies sanguinolentes, mais rien de grave. Pourtant, malgré tous ses efforts, elle avait été incapable de la réveiller. Elle semblait inerte, comme si son esprit était absent, parti, disparu. Ne sachant pas quoi faire, elle avait tenté de la soigner, de la panser. Et pour faire un pansement, il lui fallait au minimum des vêtements à déchirer.
Prendre ceux de l'inconnue semblait être une bien vilaine manière de profiter de son évanouissement, elle s'était donc tournée vers les siens. C'est à cet instant qu'elle avait réalisé être nue. Elle comprit alors les regards des hommes autour d'elle et se rembrunit. De ce qu'elle voyait, elle semblait plutôt bien faite de sa personne. Quoiqu'elle aurait même poussé la description jusqu'à "particulièrement séduisante". Elle pouvait voir que sa poitrine semblait lourde et bien rebondie, son ventre lisse et plat, ses fesses rondes, ses jambes fuselées, ses bras fins. Cependant elle fut très surprise en voyant de courtes griffes noires à ses mains. Comment cela était-il possible ? Elle tourna la tête pour se regarder et se figea d'effroi. Deux immenses ailes de peau de couleur carmin sortaient directement de son dos, déployées de force hors de la cage par des énormes attaches qui passaient directement à travers la peau de celles-ci pour se ficher dans des poutres en bois. Cette vision lui fit comprendre d'où venait son malaise. Elle avait mal en réalité. Ces monstres avaient planté leurs fichus pieux à travers ses ailes pour l'empêcher de les bouger. Pour les immobiliser de telle manière qu'elle se punirait elle-même si elle tenait quoi que ce soit avec.
Elle adressa alors à ses geôliers un regard hargneux, mais en bougeant la tête elle senti qu'elle touchait quelque chose. Elle leva les mains pour trouver deux longues cornes, recourbées et se terminant en pointe qui lui sortaient du crâne. Puis elle senti une nouvelle pointe de douleur et se tourna pour en localiser l'origine.
Non contente d'avoir de grandes ailes de peau, elle se découvrit aussi une longue queue recouverte de chitine aux angles vifs et dont le bout était orné d'une pointe acérée.
Et un homme venait de poser sa botte sur l'une des attaches métalliques fichées dans le bois du plancher pour immobiliser cette queue.
- Je préfère t'avertir tout de suite, démone. Je ne suis pas celui qui t'a capturé.
- En ce cas, libère-moi ! Gronda-t-elle.
- Je ne le puis. Tu es désormais une esclave.
- Et au nom de quel droit me réduits-tu en esclavage, homme ? S'était-elle enquise d'unt ton venimeux
- Au nom que je t'ai repris à ceux qui t'ont capturée. Tu m'appartiens désormais et je ferais de toi ce que bon me semble.
- Un conseil en ce cas, ne m'approche pas de trop près si tu tiens à ton intégrité physique…
- Je n'en ai nulle intention. Tu me serviras à rembourser une dette.
- Hais-tu donc à ce point celui que tu rembourses ? Demanda-t-elle soudain intriguée.
- Au contraire, je lui dois bien plus que tu ne peux imaginer.
- Alors tu ne devrais pas m'offrir à lui.
- Je crois au contraire qu'elle est l'une des meilleures choses qui puissent t'arriver.
- Elle ? Voilà une bien étrange réponse.
- Je le sais. Mais je ne suis pas fou au point de prendre le risque de te libérer. J'ignore déjà comment tu peux supporter telle douleur.
- Je l'ignore également. Et retirer ces immondes crochets de mes ailes ne serait pas pour me déplaire.
- Vu tes propos, ne m'en veux pas si je te dis que je ne le puis. Je tiens à mes hommes. Et ne souhaite pas les exposer.
- J'imagine que c'est de bonne guerre… Avait-elle soupiré.
- Sais-tu qui repose à tes pieds ?
- Je n'en ai nulle idée. Elle semble mal en point.
- Vas-tu la laisser vivre ?
- Pourquoi diantre la tuerais-je ?
- Parce que tu es démone et que l'humanité est ta nourriture.
- Merci de m'apprendre cela, je l'ignorais… Commenta-t-elle d'un ton dégoutée.
- Si elle n'est ton repas, j'ignore ce qu'elle est. Elle se trouvait déjà dans ta cage quand nous t'avons trouvée.
- J'ai certes faims, mais je songe plus à des fruits ou quelques plat cuisiné en ce moment.
- Nous souperons dans une heure, je te ferais porter une part si tu jures de ne pas t'en prendre à mes hommes.
- Et mordre la main qui me nourrit ? Ricana-t-elle. Non merci, fort peu pour moi. Même si j'ai perdu la mémoire, cela ne me semble pas sage.
Il ne s'était pas révélé mauvais geôlier. Juste un brin trop prudent, ce qui la fit souffrir un peu durant le reste du transport, mais elle se tint à carreau. Elle demanda pour obtenir de quoi panser l'humaine dans sa cage et cela lui fut remis à sa grande satisfaction. Elle ignorait qui elle était, mais peut-être cette personne inconsciente avec elle le saurait.
La caravane s'arrêta tôt le lendemain à proximité d'un bâtiment perdu dans le désert. L'homme partit à l'intérieur, la prévenant qu'elle serait offerte à la propriétaire. Elle attendit donc, remuant inconfortablement ses membres cloués au bois du chariot ayant servi à la transporter jusqu'ici. Pour passer le temps, elle épongea les lèvres de l'autre captive inconsciente afin de l'hydrater. Elle ne se réveillait toujours pas et cela l'inquiétait un peu. Elle était juste contente qu'elles soient offertes ensemble à la même personne.
Elle se demandait par contre vraiment qui étais-ce et pourquoi aurait-elle avantage à la rencontrer…