«
J’ai une théorie sur ce que nous avons vu... »
Le groupe se trouvait dans une clairière, éloignée du cromlech. Longneck, leur druide, avait repris ses esprits, mais semblait encore ébranlé par ce qu’il avait vu, par cette attaque envers la forêt. Vesa tourna la tête vers Nuriel. Cette femme n’était pas sa tutrice sans raison. Forte, intelligente, charismatique et éduquée, Nuriel était digne d’Haven. C’était une guerrière redoutable, émérite, mais aussi une érudite, qui consultait beaucoup de livres, se renseignait sur le passé d’Haven, et obtenait ainsi quantité d’informations. Elle était donc conforme à l’idéologie d’Haven, qui voulait, non seulement des guerriers bien formés, mais aussi intelligents, et instruits. Un exemple pour Vesa, même si le passé lointain de Nuriel était méconnu. Vesa, elle, n’avait jamais osé avouer qu’elle n’avait pas rejoint Haven uniquement pour rejoindre l’ordre, mais avant tout pour avoir une chance de retrouver sa sœur.
*
Jinx...*
Même maintenant, après toutes ces années, Vesa continuait à penser à elle, imaginant tous les pires scénarios possibles. Qu’est-ce qu’un monstre comme Lucifer avait bien pu lui faire ? Elle l’imaginait, attachée dans une prison, retenue par des liens, immobile, torturée et violée nuit et jour... Des images horribles qu’elle essayait de refouler, mais qui revenaient malgré tout la hanter dans ses songes. Et Nuriel, encore elle, savait pertinemment que quelque chose tracassait Vesa, mais elle ne lui en avait jamais parlé. Elle la respectait aussi pour cela, car la forte femme blonde savait quand il fallait se taire, et, surtout, elle savait que chacun devait jouer avec ses propres démons intérieurs.
En attendant, le groupe était encore ébranlé par la sinistre découverte faite dans le cromlech, et, en conséquence, tous se tournèrent vers Nuriel. Cette femme avait passé autant de temps dans les casernes militaires d’Haven que dans ses riches et vastes bibliothèques. Elle était un puits de savoir dans bien des domaines, et ne tarda pas à préciser le fond de sa pensée sur cette «
théorie » qu’elle évoquait :
«
Il existe trois forces primordiales fondamentales liées à la Nature. Des forces ancestrales, magiques, aux origines mystérieuses. Une force représente la Flore, le Green, une autre représente la Faune, le Red, et une dernière, représente la Mort, ou, plutôt, la pourriture, la rouille, le Rot. -
Oui, ça me dit quelque chose... »
Chacune de ces forces avaient pour tâche de protéger leur élément, et, pour cela, elles avaient une sorte d’assemblée censée les protéger, et élisaient chacune un gardien chargé de les représenter, un Avatar. Le
Green disposait ainsi, dans la plus profonde forêt de Terra, du Parlement des Arbres, une antique assemblée qui gouvernait le
Green. Le
Rot, lui, était le grand ennemi de ces deux forces.
«
J’ai déjà rencontré les forces du Rot, intervint Alexandra.
Elles avaient pris possession d’un fort isolé, et tout le personnel à l’intérieur en avait été corrompu, devenant des espèces de morts-vivants sinistres. Je me souviens encore de la puanteur, et de cette laideur permanente... -
Alors... Quelqu’un chercherait à répandre le Rot ici ? Est-ce pour ça que le cromlech a été perverti ? -
C’est ma théorie, en tout cas, confirma Nuriel.
-
C’est pour ça qu’il nous faut agir vite, intervint alors Longneck.
La Légion Noire est très certainement liée à ça, et Stonehold est une antique forêt... Ou, plutôt, les résidus d’une antique forêt. Ce cromlech nous permettait de contacter le monde de la Sève. »
La Sève était juste un autre terme pour désigner le
Green. Longneck confirmait donc que ce cromlech était un portail de communication, permettant de demander au
Green des cadeaux, comme faire pousser des fleurs, faire venir des fées ou des Alraunes.
«
On ne peut pas laisser le Rot s’emparer de cette forêt, trancha Longneck.
-
Alors poursuivons. »
Le soleil n’allait pas tarder à se coucher, mais le groupe avait bien avancé, et ils finirent par sortir de la forêt, rejoignant des plaines plus claires, d’où ils purent, apercevoir au loin, l’antique construction... Le nom était trompeur, car, en réalité, les
Tours-Jumelles se composaient d’une seule tour. C’était une illusion d’optique. En suivant le cours de la rivière, on sortait de la forêt, et on voyait, de loin, en hauteur sur deux montagnes surplombant le cour d’eau, deux tours se dressant. Il n’y avait concrètement qu’une seule tour, «
la Grande », et une structure plus petite, qu’on appelait donc, fort justement, «
la Petite ». Ensemble, elles constituaient l’antique poste de surveillance des Tours-Jumelles.
Au loin, on pouvait encore voir, au sommet de la Grande, un drapeau qui flottait. Un drapeau sale et usé, troué, représentant un soleil jauni... L’étendard de la Confrérie de l’Aube.