Le cocon était là depuis des lustres. Avant même que le temple ne soit construit, quand des éclaireurs formiens étaient arrivés en nombre réduit à la surface de Terra dans le but d'amorcer la conquête de la planète par la Nuée. Une pondeuse avait fait partie de l'expédition et était venue libérer ses entrailles d'un unique oeuf porteur de vie, qu'elle avait déposé dans une faille considérée comme sûre. La chrysalide soyeuse avait été victime des affres du temps des aléas météorologiques, si bien que ses géniteurs en avaient perdu toute trace. Dissimulée dans une aspérité inaccessible, l'oeuf avait attendu. Plusieurs siècles s'étaient écoulés paisiblement pour la poche vitale, laissée en sommeil alors que le monde continuait de tourner. Bien plus tard, le temple qu'avait investi la dragonne noire avait été bâti contre la falaise où reposait l'étrange habitant silencieux et le lieu de culte était tombé en ruines avant qu'on n'envisage seulement la présence d'un si singulier trésor. C'était à la faveur d'un tremblement de terre que le passage vers la chrysalide s'était libéré, s'ouvrant à la curiosité de la plantureuse lézarde perverse.
Les ramifications du cocon, avec les siècles, s'étaient étendues très loin dans la petite galerie d'accès qui menait à la cavité où il reposait. Ses senseurs mollassons et endormis depuis des éons se mirent à frémir doucement à l'approche de la dragonne, envoyant des signaux paresseux qui réactivèrent peu à peu les instincts formiens enregistrés dans l'oeuf. Comme tout membre de la Nuée, le cocon avait besoin de matériel génétique pour évoluer, en l’occurrence éclore. Normalement, un formien devait en donner à l'oeuf pour lancer le processus, mais n'importe quel segment d'ADN pouvait faire l'affaire. Seulement, le résultat en serait vicié, différent d'un "simple" soldat formien.
A l'approche d'Alsaka, les champignons bleuâtres qui illuminaient la petite caverne se mirent à frémir, leur lueur à se faire plus forte. Le cocon fut parcouru de légères pointes de lumière intérieures qui laissèrent à peine entrevoir une forme parfaitement indistincte dans les entrailles de soie. Le plus intéressant, ce fut la suite : d'une des rainures de la chrysalide (qui à certains égard évoquait une vulve) vint à s'extraire lentement un appendice long et large à l'extrémité conique et suintante, qui se redressa à la façon de ce à quoi elle ressemblait trait pour trait; une magnifique queue en érection.
Comme un appel, la pseudo-verge se dressait à l'attention de la dragonne, le cocon pulsant au rythme des variations de lumière. Le recueil de gênes pouvait débuter, devait débuter. Car le formien à naître, déjà, avait faim...