«
Les voilà... -
Patience, attendez qu’ils se rapprochent encore... »
Dissimulés dans les fourrés, les tueurs attendaient. Entouré par plusieurs cavaliers en armure, un chariot s’approchait lentement, suivant un sentier qui filait à travers une épaisse forêt. Les elfes et les nains qui préparaient cette embuscade ignoraient qui se trouvait à l’intérieur, mais sentaient une personne d’importance... Probablement un noble, un riche homme à rançonner, ou un esclavagiste qu’ils s’empresseraient de tuer. Ils appartenaient à une section de la Scoia’tael. Ce terme elfique désignait une organisation rebelle qui sévissait un peu partout dans Terra, et qui regroupait essentiellement des espèces non-humaines (elfes, nains, Terranides), en guerre contre l’espèce humaine, qui était accusée d’être responsable de tous les maux de la planète. Les raisons profondes poussant la Scoia’tael à se battre étaient complexes et vastes. On appelait leurs membres les «
Écureuils », car ils vivaient surtout dans la forêt, attaquant des messagers isolés, ou de petites caravanes. Ils étaient une réponse aux multiples discriminations et autres actes de racisme survenant dans les grandes villes, où les communautés humaines, majoritaires, voyaient souvent dans les minorités non-humaines les raisons de tous leurs problèmes. Par ailleurs, bien des Écureuils étaient des esclaves terranides en fuite, qui avaient décidé de prendre les armes contre leurs anciens geôliers, voyant dans l’espèce humaine une espèce esclavagiste, cruelle et dangereuse.
Ces Écureuils rôdaient dans cette région, qui comprenait une grande forêt, suffisamment grande pour leur permettre de s’abriter, et voyaient devant eux de beaux cavaliers en armure. Des elfes se tenaient sur les branches des arbres, et, en bas, au milieu des feuillages, des nains, des Terranides, et des chiens sauvages attendaient. Un assaut simple et efficace allait avoir lieu. Peut-être y aurait-il des survivants... Mais qu’il n’y en ait aucun ne dérangerait nullement ces forbans raciaux.
Dans le chariot, une jeune femme avec une longue chevelure blonde, des gants blancs, une robe blanche, et une cape, regardait par la fenêtre, observant le décor.
«
Nous arriverons d’ici quelques jours au château de Lord Craster... -
En effet. »
Alice avait reçu il y a quelques semaines un faire-part de mariage, envoyé par Sire Jon Craster, un seigneur ashnardien se trouvant à quelques lieues de Sylvandell. Elle avait accepté d’y répondre, et le chariot était en train de l’amener. Lord Craster comptait se marier avec la fille d’un seigneur ashnardien voisin, ce mariage mettant fin à une longue guerre privée entre les deux familles. C’était donc un important moment, et d’autant plus important pour Sylvandell que, au cours de ce long conflit, le royaume avait été sollicité à titre d’arbitre, afin de démêler le conflit familial. Finalement, Edwin Craster, le père de Jon, avait été tué accidentellement par un sanglier en pleine partie de chasse... Un « accident » bien heureux, qui avait permis à Jon de succéder au trône de son père, et d’engager des fiançailles avec Dame Illiana Karwing, l’autre famille.
La Princesse se rendait donc vers le château-fort des Craster, à l’autre bout de l’épaisse forêt dans laquelle le chariot s’enfonçait : la forêt millénaire de Bruinefeuilles. Cette forêt avait été délaissée par les forces de Craster, car elle était périphérique, et, depuis lors, on disait que des bandits s’y trouvaient. Ce faisant,
Cirillia, qui se tenait dans le chariot, vit la lueur d’inquiétude traverser les beaux yeux bleus de la Princesse, et sourit lentement.
«
Tu n’as rien à craindre, Alice. Si des malandrins tentent de t’attaquer, je m’occuperais moi-même de leur sort. -
Hum... Je te remercie de bien vouloir me défendre, en tout cas, Cirillia... -
On dit que le comté de Craster est envahi par des monstres. C’est un bon moyen pour moi de trouver du boulot. »
Alice esquissa un fugace sourire. Cirillia restait la chasseuse de monstres imperméable que la tête blonde connaissait, mais elle savait qu’il n’y avait pas que ça... Clairement pas. En tout cas, elle appréciait énormément la présence de Cirillia.
C’est à ce moment que l’attaque arriva. Un elfe décocha une flèche mortelle, et cette dernière transperça la tête du cocher du chariot, tandis qu’un nain, en contrebas, tirait sur une solide corde, permettant à un rondin de bois de s’abattre juste devant le chariot.
«
Un piège ! » scanda un cavalier.
Les autres elfes tirèrent alors, décochant leurs flèches, et le cavalier s’écroula sur le sol, grièvement atteint. Les chiens jaillirent alors, accompagnés par les hurlement set les beuglements des nains, amenant avec eux leurs lourdes haches de guerre...