«
C’est ici, Madame. »
Le chauffeur de taxi arrêta sa voiture devant un immense immeuble, planté dans le quartier des affaires de Seikusu. C’était le centre-ville, avec de grandes avenues, des hommes en costumes qui marchaient dans tous les sens. C’était le cœur pulmonaire de la ville, où on trouvait les cabinets d’avocats, d’experts-comptables, les études d’huissiers et de notaires, les agences matrimoniales (très importantes au Japon), les sièges sociaux de la plupart des grosses entreprises... Et les gratte-ciel. Le chauffeur était venu chercher Kelly il y a environ une demie-heure. Un chauffeur qui avait été envoyé par
Reto en personne pour permettre à la jeune femme de trouver son nouvel appartement. Il l’emmenait dans un endroit très cossu de la ville, à mille lieux de son petit studio minable... La preuve que, dans cette ville, comme tant d’autres, le crime, effectivement,
payait... Et payait bien.
C’était un hôtel particulier, un immeuble avec un parking souterrain, dans lequel la voiture du chauffeur s’engouffra, avant de s’arrêter au premier étage du parking souterrain, ses phares éclairant une silhouette engoncée dans une longue veste et un pantalon. Reto était là, habillé de manière élégante et sobre, avec un costume sous sa veste. La voiture s’arrêta près de lui, et l’homme s’avança, ouvrant la portière arrière.
«
Je suis sincèrement ravi de vous revoir, Madame Brooks... »
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis leur première rencontre, et il avait tenu sa parole. Il avait appelé ses contacts, et une suite lui avait été trouvée à l’Immeuble Griffith. Son bébé, Kyle, était avec elle, et le chauffeur sortit à son tour, ouvrit le coffre, et déplia la poussette qui servirait à porter le bébé. Reto sortit ensuite son portefeuilles, et lui tendit une liasse de billets. Que de moyens étaient déployés pour plaire à cette petite femme ! Difficile de croire que Reto ne faisait ça
que pour avoir son soutien dans une affaire d’immobilier. Il lui demanda naturellement de ses nouvelles, notamment savoir si elle se portait bien, car elle avait probablement dû parler à Joshua. Le divorce était déjà en branle, il ne manquait plus que l’entretien avec l’avocat de Reto pour lancer véritablement la procédure... Une rencontre qui aurait lieu demain, si Reto se souvenait bien de l’agenda de ce dernier.
«
Je vous en prie, suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre... »
Il se chargea de porter ses bagages, peu nombreux, et s’avança vers l’ascenseur... Ou, plutôt,
l’un des ascenseurs. À l’intérieur, il y avait un aquarium, de la moquette, et pas mal de place. Il appuya sur un bouton, et l’ascenseur se mit à grimper.
«
Cet immeuble a été fondé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, afin d’accueillir les G.I. et les Américains venus s’implanter au Japon, expliqua-t-il.
Même s’il s’est diversifié depuis, il conserve toujours une clientèle occidentale. »
Reto ne lui disait pas, mais sa famille avait plusieurs suites ici. L’Immeuble Griffith étant très strict sur la vie privée de ses clients, bien des choses se passant ici ne filtraient pas dehors... Et il s’agissait rarement de choses légales. L’ascenseur s’arrêta au bout de quelques étages, s’ouvrant sur un couloir luxueux, toujours avec de la moquette sur le sol, des tableaux, des plantes verts, des murs lustrés. On se serait cru dans l’intérieur d’un hôtel de luxe à Manhattan, le long de Central Park. Reto continua à marcher, jusqu’à rejoindre une porte, et l’ouvrit, avant de laisser la femme entrer.
La lumière s’alluma automatiquement à son passage, permettant d’éclairer un grand salon central avec une mezzanine. C’était un loft, avec une baie vitrée et une terrasse. La suite se résumait donc essentiellement à une grande pièce centrale avec le coin cuisine, et quelques portes donnant à d’autres pièces : la salle de bains, la buanderie, une salle de rangement... La baie vitrée comprenait une porte menant à une belle terrasse avec des transats, et, si Kelly avait la curiosité de filer dans les portes latérales, elle verrait qu’il y avait même une piscine... Et une chambre pour enfants.
«
Votre chambre se trouve près de celle de Kyle, mais il y a aussi une chambre à l’étage... »
La mezzanine menait à un étage plus festif, avec un bar, des tables et des canapés... Bref, c’était l’endroit conçu pour les fêtes, ou, dans le cadre du Griffith, pour des réunions d’affaires. Sur une table basse, dans le grand salon, côté
living room, il y avait un attaché case avec les détails techniques de l’appartement, le contrat de bail, et un jeu de clefs.
«
Ça vous convient ? » demanda-t-il alors.