A vrai dire, Cassandre était vraiment préoccupée par l’état du pauvre homme qu’elle venait de sortir des geôles du domaine. Elle ne jeta qu’un bref coup d’œil à l’arrière, constatant qu’il était toujours là, avant de s’installer au volant. Elle avait démarré, et s’était engagée sur la route en parlant d’hôpital quand son passager blessé l’agrippa soudainement. Ses mains étaient un peu gluantes, collantes. Un coup d’œil sur la main qui la tenait lui permis de constater que c’était du sang. Le sien, sûrement. Le pauvre se vidait de son sang à cause de son bra- Attendez une seconde. Levant les yeux vers le rétroviseur intérieur, la blonde constata que ses deux bras étaient bien attachés à ses épaules. Mais… Mais il était couvert de sang.
Merde ! Jura-t-elle intérieurement. Profitant d’un arrêt de la circulation, elle tourna la tête et constata l’horreur à l’arrière du véhicule. L’odeur la frappa alors de plein fouet. Le cadavre avait les entrailles à l’air. Et dire qu’elle pensait qu’il s’agissait d’une persistance de l’odeur de ses fringues sales qu’elle avait dans le nez…
Le souffle momentanément coupé dans sa poitrine, Cassandre relève les yeux vers l’ancien prisonnier. Avait-elle bien fait de le libérer ? Elle commençait à en douter. Mais elle n’aurait pas pu le laisser comme il était, à demi-mort… Paniquant légèrement, elle hocha fébrilement la tête en retournant la tête vers la route. Le feu était vert et la circulation reprenait. Elle ne voulait pas mourir. Elle croyait sincèrement, au vu du cadavre à l’arrière, que l’homme pourrait la tuer. Qui était-il donc ? Il possédait assurément un pouvoir de régénération. Et il était sûrement cannibale.
A cette pensée, Cassandre frissonna violemment. Elle ne voulait pas qu’il la bouffe. Elle était trop jeune pour mourir. Elle n’avait pas survécu à l’explosion de cette centrale où elle bossait pour mourir quelques mois après dévorée par un désaxé.
«
D’a-D’accord. Je… J’ai une maison, dans la campagne de Seïkusu. Je… On y sera tranquille.Sa voix chevrotait légèrement alors qu’elle changeait de direction pour regagner Seïkusu. Le cœur battant à tout rompre, la jeune mutante ne tarda pas à arriver en vue de la petite maison qu’elle avait achetée en arrivant en ville. Malgré les ennuis qu’elle y avait eu, une fois, pendant que Black Widow était venue la chercher pour lui démontrer ses dons, elle s’y sentait toujours chez elle. Elle avait fait renforcé la sécurité, bien entendu. Ouvrant la vitre électrique de la bagnole, Cassandre tendit son bras près de la petite borne qui commandait le grand portail qu’elle avait fait installer. Un bip se fit entendre, une fois que la puce qu’elle avait sur le poignet eut été scannée par l’appareil, et les deux grandes portes s’ouvrirent, livrant le passage sur un petit chemin menant à sa maison. Tout le tour de son domaine était clôturé. De grands
panneaux mêlant bois et ferraille entourait le terrain attenant à la maison, ne permettant pas de voir, de l’extérieur, ce qui se passait à l’intérieur. Elle fit entrer la voiture par le portail, qui se referma derrière, et fit avancer le véhicule jusqu’au garage qui occupait le pan gauche de la baraque. Elle se gara juste devant, et sortit précipitamment, ayant désespérément besoin d’un peu d’air pur. L’odeur de charogne était juste intenable.
Elle n’allait pas vomir, mais son cœur se soulevait méchamment. Prenant de longues inspirations, elle finit par se redresser et fit signe à son passager de la suivre. Déverrouillant la porte avec cette même puce qu’elle avait sur le poignet, elle pénétra la première, et indiqua une porte face à l’entrée à Tryzox.
«
Je vais… Prendre un verre d’eau. Euh. Je crois qu’une douche serait toute indiquée pour vous… »
Elle passa derrière le bar à l’américaine et sortit un grand verre qu’elle remplit au robinet. En face du bar à l’américaine, qui servait un peu de délimitation au hall d’entrée, il y avait un espèce de salon, et derrière, face à la cuisine, une salle à manger. Les quelques pièces plus loin étaient réservées à la chambre, la salle de bain, les toilettes et une pièce vide servant de débarras. La baie vitrée du salon-salle à manger, qui avait été explosée lors de la venue de Natalia, était flambant neuve.
«
Vous n’allez pas… Me manger aussi ? »
Le corps à l’arrière de la voiture l’avait marquée, c’était sûr. Pourquoi déjà avait-elle libéré cet homme ? Si ça se trouve, il y avait une très bonne raison pour que son mentor et ses amis l’enferment… Mais elle n’avait pas eu le cœur à le laisser là-bas. Son bras était complètement séparé de son corps ! Et cette odeur de décomposition… Non, elle n’aurait pas pu le laisser là, même si elle risquait de le regretter. Ses prunelles fixaient Tryzox avec un soupçon de crainte -qu’elle s’efforçait de masquer- tandis que ses doigts serraient doucement le verre rempli. Elle serrait un peu trop fort ce dernier, sans doute, puisqu’il finit par exploser entre ses doigts.
«
Merde ! Jura-t-elle spontanément alors que quelques bouts de verre s’enfonçaient dans sa paume. »
Elle pinça les lèvres en enlevant les éclats de verres, grimaçant légèrement quand la chair cessait de ventouser les morceaux, et les fit tomber dans la poubelle. Par chance, elle s’était découvert un pouvoir de guérison. Sa peau se refermait déjà, comme s’il n’y avait rien eu. Il ne subsistait que les traces de sang qu’elle s’empressa de rincer à l’eau. Pestant intérieurement, Cassandre nettoya par la suite les autres débris qui jonchaient le sol et le plan de travail. Elle épongea par la suite l’eau qui s’était renversée, et reporta ensuite son regard vers l’homme. Elle avait eu pitié de lui au départ, et maintenant il lui faisait un peu peur. Même en se sachant dotée de quelques pouvoirs bien sympathique, une fois maîtrisés, elle ne savait pas encore s’en servir à volonté.
Enroulant ses bras autour d’elle, elle attendait nerveusement la suite. Qu’allait-il vouloir faire ? Elle espérait qu’il n’allait pas la garder en otage. Qu’il n’était pas un de ces Super-Vilains contre lesquels luttait le SHIELD. Elle n’était pas prête à s’y frotter. Repensant à l’état du corps dans la voiture, un frisson la secoua et elle resserra l’étreinte de ses bras autour de son corps.
«
Et… Le corps à l’arrière de la voiture… Vous allez en faire quoi ? »
Elle s’était déjà rendue complice de meurtre. Un peu plus ou un peu moins… Son mentor ne verrait pas la différence quand il apprendrait ce qu’elle avait fait. Elle était grillée. C’était certain. Elle n’aurait plus qu’à déménager, en espérant que le SHIELD ne la poursuive pas.