Le trouble de Ruby ne semblait pas vouloir s’atténuer. Elle avait du passer un certain temps auprès des gens de la surface, ce qui expliquait sans doute son comportement timide et gêné. Moïra, de plus, était une femme très tactile, et c’était un euphémisme de le dire. Les sirènes n’avaient pas les mêmes mœurs que les habitants de la surface, ce qu’Amphitrite avait remarqué dès qu’elle était arrivée à Nexus. Dans Arcnos, il n’y avait pas l’influence de l’Ordre Immaculé, il n’y avait pas la notion de péché interdit, et le sexe ne permettait pas d’obtenir de nouvelles sirènes. Ce n’était qu’un moyen de plaisir, librement consenti, et c’était d’autant plus marquant que les sirènes étaient généralement nues, ou ne portant que des écailles sur le corps. Amphitrite avait remarqué toute cette différence, et revenir à Arcnos, en ce sens, lui faisait du bien. C’était un spectacle curieux, car elle avait toujours désiré partir Arcnos. La Reine Moïra lui avait dit qu’elle serait déçue, et, si elle avait partiellement raison, Amphitrite avait aussi vu des choses merveilleuses là-haut.
Ruby, de son côté, était toujours aussi timide, restant dans son coin, se contentant de dire qu’elle serait heureuse en servant simplement la Reine d’Arcnos, tout en leur avouant que ses sœurs seraient honorées de savoir qu’elle avait pu voir de si près la Reine d’Arcnos. Moïra se contenta d’un léger sourire amusé.
« J’ignorais qu’Arcnos avait une telle réputation... Mais, en soi, ce n’est pas étonnant. Comme les néréides, nous prions Poséidon. L’Olympien est notre lien entre les habitants de la surface et nous. »
Poséidon était autant vénéré par les humains de la surface que par les sirènes.
« Mère, intervint alors Amphitrite, le temps presse ! Les Sahuagins marchent sur nous ! Zora est encore plus puissante que quand je suis partie !
- Crois-tu que je l’ignore, Amphitrite ? L’océan souffre, j’entends sa plainte... Les pirates se déchaînent à la surface, ainsi que les phénomènes météorologiques intenses... Maelströms, ouragans, cyclones... Zora a pactisé avec des forces bien sombres, et je ne pensais pas que son ambition serait démesurée à ce point. »
Moïra croisa les bras, déambulant sur le sol. Sa mère semblait préoccupée, et, à travers sa lente progression d’Arcnos, Amphitrite avait pu voir que les animaux s’y réfugiaient. Il fallait réussir à calmer les ardeurs de Zora, mais, pour ça, Amphitrite devait savoir avec qui cette dernière travaillait. Cependant, peu importe ce qu’elle voudrait, il faudrait commencer par briser l’ost de Zora.
« Zora sera là d’ici quelques jours. Il faudra la repousser, puis contre-attaquer.
- Tu as un plan, Mère ? »
La Reine observa sa fille, et hocha lentement la tête. Ruby était légèrement écartée de leurs échanges, mais ce n’était que provisoire, le temps pour les deux sirènes de s’accorder entre elles.
« Zora s’est alliée avec un pirate redoutable, qui est appelé Erik-le-Commodore. Il contrôle toute une flottille de bateaux-pirates, et a pour refuge un port secret dans les îles. Les Nexusiens le traquent, et, quand nous aurons repoussé Zora, nous les aiderons. Je pense que cet Erik a du s’emparer de quelques artefacts magiques. J’aimerais bien, en fait, que tu diriges les sirènes qui viendront soutenir les Nexusiens. Ce pirate est notre seul piste pour découvrir les alliés de Zora, et pouvoir protéger nos terres. »
C’était un plan hasardeux et dangereux, mais Amphitrite n’en voyait aucun autre. Moïra continuait à marcher, se rapprochant du grand lit-coquillage.
« Tu es une femme douée, Amphitrite... Et je le pense sincèrement. Ta fougue et ton expérience du monde de la surface sont des éléments importants. Je souhaites que tu défendes Arcnos en devenant une Matriarche de notre armée. »
Cette offre de promotion fit rougir Amphitrite, qui ne s’y attendait vraiment pas. Au sein de l’armée, les Matriarches étaient l’équivalent des généraux terriens.
« C’est... C’est un grand honneur, Mère... »
La Reine sourit, tout en commençant à s’étaler sur son lit-coquillage, s’y allongeant. La surface était chaude et douce, avec des espèces de petites algues remuant aux extrémités du lit.
« Mais, en attendant, il est temps pour nous de faire plus ample connaissance... De célébrer nos retrouvailles, et de montrer à Ruby combien les sirènes d’Arcnos savent se montrer hospitalières avec les étrangères... »
Un sourire naquit sur les lèvres d’Amphitrite. Elle s’avança lentement vers elle, et s’allongea à son tour sur le lit, sa main remontant le long des hanches de Moïra. La Reine était allongée en plein milieu du lit-coquillage, laissant ainsi à Ruby le soin de s’installer de l’autre côté. Amphitrite embrassa à nouveau sa mère, avant de l’embrasser dans le creux du cou, se serrant contre elle, appréciant le contact de ce délicieux lit. Le mieux était quand le coquillage se refermait, mais, pour ça, il fallait encore y inviter Ruby.
« Viens, Ruby, viens... l’appela la Reine. J’ai trop rarement eu l’occasion, dans ma vie, de coucher avec une Néréide... Viens donc, tu seras au chaud dans mon lit... »
C’était une chose qu’elle lui promettait clairement.