En d’autres circonstances, Amélie aurait sans doute compris qu’insister ici était une terrible erreur, et qu’il n’était effectivement pas très malin de se heurter à la mafia. Cependant, quand elle voyait de la dope qui avait l’air de bonne qualité, elle peinait à réfléchir, et agissait un peu n’importe quoi. Zetsu, malheureusement, manquait d’assurance, ce qui était paradoxal, quand on voyait la manière dont il n’hésitait pas à brandir son arme. La situation des deux jeunes était catastrophique, mais la jeune femme n’en prit vraiment conscience que quand le complice de l’armoire à glace assomma Zetsu en le frappant avec la crosse d’une espèce d’arme qui semblait être tout droit sorti d’un jeu vidéo. Amélie poussa un hurlement de terreur, qui se mua dans sa gorge quand le clone aux cheveux argentés de Victor lui sauta dessus, et la ceintura. Craignant de se faire tuer, ou pire, revivre ce qu’elle avait vécu avec Victor, Amélie entreprit de se débattre. Elle lâcha la seule arme qui aurait pu lui être utile, son pied-de-biche, et essaya de se libérer des pattes d’ours de l’homme, tandis que son comparse, une sorte d’Hispanique avec une tête de cintré, entreprit de menotter Zetsu à une chaise en bois. L’homme, sonné, gémissait à moitié, la tête penchant vers le bas.
« Aaaahhhh !!! Aaaaahhh !! Lâche-moi, connard, lâche-moi !! Putain, lâche-moi, fils de pute ! Vire tes sales pattes de moi, ou je te bute, enculé !! »
Cette fois-ci, ce n’était plus de l’anglais, mais un mélange d’anglais et de français, un baragouinement assez incompréhensible. Amélie éructait son vêtement en essayant d’écraser les pieds de l’homme avec les siens, quand elle sentit le tranchant froid d’une lame contre sa gorge, suivi d’une menace on ne peut plus explicite, qu’elle comprit parfaitement bien :
« Continue à hurler comme une truie, et je t'égorge comme telle, devant ton pote, avant de m'occuper de lui. »
Amélie savait que ces types ne plaisantaient pas, et se pinça les lèvres, en retenant difficilement ses larmes. Elle fermait les yeux et les rouvrait, mais ne put guère les retenir longtemps. Elle allait crever ici... Pour quelques pilules ressemblant à des bonbons, ou être violée par ces deux salopards. Le pire était qu’elle ne pouvait même pas en vouloir à Zetsu, car, s’il l’avait amené dans ce traquenard, il lui avait recommandé de se barrer. Elle avait insisté pour rester, et voilà où ils en étaient, maintenant... Face à deux malades mentaux. Le second balança uns eau d’eau glacée sur Zetsu, qui se réveilla en éternuant, et en essayant de se débattre.
L’homme avait mal à la tête, n’avait pas les idées claires, et l’un des deux tueurs l’aida à aller mieux, en le frappant au visage. Zetsu poussa un hurlement de douleur, et du sang jaillit de sa bouche, rougissant ses dents et ses lèvres, tandis qu’Amélie hurla de panique. Zetsu gémit, et Amélie secoua la tête.
« Non... Pitié, ‘lui faites pas de mal, on... On dira rien, j’vous jure ! Laissez-nous partir, s’il-vous-plaît ! »
Elle pleurait en gémissant, mais les deux types ne semblaient même pas l’écouter, et l’autre amena des câbles de batterie, et les frotta entre eux, provoquant des étincelles sous les yeux écarquillés de Zetsu, des yeux qui trahissaient une peur sincère. Pendant toute sa vie de petit dealer de bas-étage, il avait soigneusement évité de se mêler aux Yakuzas. Il se fournissait chez eux, oui, mais il était suffisamment discret pour que personne ne vienne le prendre au sérieux. Dans la mesure du possible, les Yakuzas évitaient d’attaquer les consommateurs, qui bénéficiaient d’une relative forme de protection, car ils étaient ceux qui achetaient de la drogue. Si on se mettait à les tuer, alors le système ne fonctionnait plus.
Zetsu savait que ces types les tueraient. Il le voyait dans leurs regards : des putains de psychopathes. Ils les tueraient rien que pour l’exemple. Il claquait des dents en voyant l’Hispanique jouer avec les câbles de la batterie. On disait que les Ruskofs étaient des cinglés, ce qui se confirmait en ce moment. Le jeune home réfléchissait vite, son regard se glissant vers Amélie. Il se sentait désolé pour elle... Cette fille commençait à se confier à lui, et, si Zetsu ne savait pas encore tout d’elle, il savait qu’elle venait de la France, qu’elle ignorait qui était son père, que sa mère était une conne, et sa famille des tarés consanguins.
« Maintenant, lâcha l’homme, tu vas me dire qui vous êtes, si d'autres personnes savent ce que vous foutez ici, et ce qui vous est passé par la tête en croyant que vous pouviez vous en prendre à nous, espère de fils de pute. »
Zetsu s’humecta les lèvres, réfléchissant rapidement. S’il avouait la vérité, à savoir que tout le monde se foutait d’eux, et qu’il n’y avait pas un seul putain d’enculé dehors, ils les tueraient. Aussi secs. Il finirait avec sa gueule éclatée contre le mur, ou alors ce type la jouerait à la Taken, et le laisserait s’électrocuter à mort... Quant à Amélie, les deux la violeraient, puis la découperaient en morceaux, et enverraient son corps sur les tapis roulants d’une usine de pâtés pour chiens. Les yeux de Mél’ étaient écarquillés par une peur sincère, et Zetsu voyait le couteau à cran d’arrêt glisser contre sa peau. Il réfléchit rapidement, et finit par répondre, en plantant son regard dans celui de ce cinglé, en essayant de se montrer important.
« Elle, c’est rien de plus qu’une copine... Regardez ses yeux, c’est une putain de camée, vous pouvez la relâcher, elle vous fera rien... Moi, je suis proche des Yakuzas, et tout ça, alors... C’est eux qui nous ont demandé de venir ici, on devait faire du repérage, un truc comme ça... Si vous nous relâchez pas, les autres vont débarquer... Putain, quoi, vous croyez qu’on a la gueule de tueurs en série, hein ? On est que deux gosses, quoi, merde ! Libérez-nous, et on leur dira de pas venir vous chercher des noises ! Et... Et ouais, on est des fans de Poutine, aussi ! Sérieux, ce mec déchire ! Vous pouvez pas tuer des types qui adorent Poutine, hein ?! »
Sa voix était légèrement accentuée par la panique qui explosait en lui. Dans les yeux de l’Hispanique, il ne voyait que de la démence et de la malice. Ce type était un pervers, et il repensa à toutes ces histoires qu’on lui avait dit... Il le voyait déjà violer Amélie en lui fourrant son câble dans la chatte, et en allumant le courant... Comme dans ce film d’horreur, là, où une nana se faisait violer par une matraque électrique.
Ils étaient foutus, il le savait, mais il devait se retenir de chialer... Pas comme Amélie, qui continuait à gémir en les suppliant.
« Pitié, ‘me faites pas de mal, s’il-vous-plaît, pitié, pitié, pitié... » hoquetait-elle en sanglotant.