Une organisation sur Terre aussi ? [Black Widow] // TERMINE

Partie... Lucy est partie. Tels sont les mots prononcés par la femme à l'autre bout du fil. Nana sait bien que Lucy comptait partir pour Terra dans pas longtemps, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Amélie est-elle toujours avec elle ? Lucy a-t-elle des pulsions meurtrières ? Est-elle vraiment partie pour Terra, ou alors est-elle toujours planquée sur Terre pour recommencer un carnage ?

Toutes ces questions sans réponses faillirent avoir raison du calme de Nana, et elle faillit s'affoler immédiatement lorsqu'elle entendit ces mots. Elle se contraint à se calmer et à écouter l'agent Natalia. Elle lui disait qu'il était fort probable que Lucy vienne voir si Kouta est en sécurité, ce qui semblait un peu idiot pour la jeune diclonius. Effectivement, Lucy sait très bien que Nana prend soin de lui et est prête à mettre toute sa famille d'adoption hors de danger au cas où. Dans tous les cas, il est primordial de savoir si elle est restée sur Terre ou si elle est bel et bien passée sur Terra. Et aussi de savoir si Amélie est toujours en vie. Pour ça, il fallait absolument qu'elle sache pourquoi elle était partie. Elle allait poser la question, mais l'agent Natalia la devança :

Nous savons d’où vous venez, toi et Lucy. Nous savons ce que Lucy a fait à la famille de Kouta. Notre priorité est de démanteler le camp d’où vous êtes originaires, toi et elle. C’est pour ça que nous avons besoin du plus d’informations possibles. Apparemment, il est assez difficile de l’attaquer...

Attend ? Elle a dit "Attaquer le laboratoire" ? Et pour quelle raison ? C'est la seule structure permettant de contenir les diclonius, sauvant ainsi des milliers d'humains ! Si l'agent Natalia veut vraiment libérer les diclonius, elle doit être totalement cinglée. Ou alors... Non... C'est forcément Lucy qui leur a parlé de ce laboratoire... Savent-ils vraiment de quoi les diclonius sont capables ? Ou alors est-elle totalement dans l'erreur, et va-t-elle précipiter la fin du monde sans même le savoir ?

Attaquer le laboratoire ? Vous... Vous voulez libérer les diclonius ? Est-ce que vous êtes... Euh... Consciente des conséquences que cela aurait ?

Elle eut alors une vision de Mariko au milieu d'une foule d'humains. D'un seul coup, une centaine de têtes roulèrent à terre, sous le rire effrayant de la gamine en fauteuil roulant. Pour Nana, il était inconcevable que cela arrive. Elle lâcha dans le combiné, d'un ton un peu effrayée :

La mort de tous les humains...

Nana est une diclonius unique dans le sens où elle considère que la vie humaine est sacrée. Il s'agit de la seule diclonius qui n'a jamais manifesté aucune intention meurtrière envers eux. De ce fait, le laboratoire avait rapidement cessé de la rechercher, concentrant leurs efforts sur Lucy, qu'ils n'ont pas reconnus sous le déguisement de Nana.

« Attaquer le laboratoire ? Vous... Vous voulez libérer les diclonius ? Est-ce que vous êtes... Euh... Consciente des conséquences que cela aurait ? »

C’était le même discours qu’avec Lucy. Nana semblait aussi effrayée qu’elle à libérer d’entrer dans ce laboratoire. Widow, elle, restait sceptique, et surtout professionnelle. Le SHIELD avait déjà affronté de nombreuses organisations impliquant des mutants, comme l’HYDRA, ou encore les forces de Magneto, lorsque ce dernier cherchait à renverser les gouvernements en place pour instaurer une tyrannie mutante sous son commandement. Il fallait également mentionner les multiples invasions extraterrestres auxquelles le SHIELD avait fait face, parvenant à les repousser en manipulant toujours suffisamment l’information pour dissimuler autant que possible ce qui s’était passé. Natalia, elle, estimait donc le SHIELD tout à fait apte à venir à bout de cette menace. Depuis des millénaires, le SHIELD, sous toutes les formes que l’organisation ait pu connaître, repoussait des menaces surnaturelles.

Widow ne lui répondit pas tout de suite, car elle cherchait le bon discours, un moyen de convaincre Nana, sans se séparer d’elle. Elle ne cherchait pas à renouveler la même erreur qu’avec Lucy, et elle commençait déjà à sentir des différences entre les deux. Nana semblait... Moins hostile, et plus ouverte à la discussion. Lucy était partie sans leur avoir donné suffisamment d’éléments sur ce camp, et Natalia avait peut-être ici l’occasion de se rattraper.

Nana finit par reprendre. Sa première question était purement rhétorique, ce qui expliquait aussi pourquoi Widow n’y avait pas répondu, n’en voyant pas l’utilité :

« La mort de tous les humains... » lâcha-t-elle sur un ton dramatique.

Natalia aurait pu sourire, si elle avait un peu plus d’expérience. Visiblement, la destruction de toute l’humanité était un classique au sein du SHIELD, mais, pour elle, c’était... Et bien, c’était sa première fois. Presque comme un baptême du feu, en fait. Natalia laissa passer quelques secondes, et finit par lui répondre :

« Qu’est-ce qui vous fait croire, avec un tel aplomb, que nous serions incapables de neutraliser ce camp, et d’appréhender ces diclonius ? De ce que Lucy nous a dit, ces individus sont plus des victimes que des bourreaux. Et je suppose que vous comprendrez aisément qu’on ne peut pas laisser sans surveillance une telle arme de destruction massive sans réagir. »

Elle lui ressortait le même argument que celui qui avait été utilisé pour Lucy, et qui avait fini par réussir à la convaincre... Du moins, c’est le sentiment que Natalia en avait.

« Nous pensons que les individus qui ont créé ce laboratoire ne se contenteront pas de mener des expériences, ou ce genre de choses. Ce laboratoire nous semble être un camp militaire, et nous n’avons pas envie de leur laisser toute latitude pour former une armée de terroristes, ou quoi que ce soit d’autre. »

Elle conclut ensuite rapidement :

« Si vous voulez nous aider, votre assistance sera la bienvenue, Nana. »

Nana était juste ébahie par ce qu'elle venait d'entendre. Un camp militaire ? Le laboratoire ? C'est ce dont Lucy voulait parler en disant que, si elle sentait une diclonius, c'était inutile de se sacrifier ? Non, pas possible. Son père lui avait dit qu'il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour que les diclonius fassent de mal à personne, et que c'était la raison d'exister du labo. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il lui avait demandé de récupérer Lucy, pour pas qu'elle fasse de mal aux humains. Pourtant... Pourtant, cette possibilité était effrayante. Son père lui avait dit qu'il n'y avait pas que des hommes bons à la tête de ce complexe, mais à ce point là...

Il fallait absolument qu'elle en sache plus.
Elle devait rencontrer cette femme.
Et elle devait aussi aller chez Lucy récupérer la boite à musiques de Kouta.

Au téléphone, elle laissa un grand blanc, ne sachant pas du tout quoi dire ni comment réagir. Nana avait besoin de réfléchir à ce qu'il pouvait bien se passer avant sa rencontre avec cette Natalia.

Je... Je vais devoir aller chez Lucy demain après-midi. On peut voir tout ça à ce moment s'il vous plait ?

Sans même attendre la réponse de l'Agent Natalia, elle raccrocha, et son flot de questions revint dans son esprit. Qu'avait fait Lucy ? Pourquoi l'Agent Natalia était convaincue que le laboratoire était un centre militaire ? Qu'est-ce que tout cela voulait dire ?

Sans même savoir pourquoi, totalement dépassée par les évènements, Nana fondit en larmes.


Seikusu, 02:17 pm

Nana, portant une cravate pour cacher ses cornes de diclonius, marchait tranquillement dans la rue. Elle se trouvait à une vingtaine de mètres de l'appartement de Lucy lorsqu'un homme se mit sur son chemin, la forçant à s'arrêter.

Eh petite ! C'est dangereux par ici tu sais ?

Elle leva la tête, regardant l'homme avec des yeux interrogatifs.

Comment ça ?
Viens, je vais t'expli...

*POP*

L'homme avait pris le bras de Nana et l'avait tiré pour attirer l'adolescente à lui, mais un élément imprévu survint. Dans un petit bruit, le bras de la diclonius se désolidarisé du reste de son corps et l'homme, entraîné dans son élan, avant reculé de deux pas en s'interrompant. Son regard passa plusieurs fois de la jeune fille à son bras, avant de jeter ce dernier et de fuir en hurlant, traversant la route en toute hâte. Nana resta interloquée pendant une seconde, avant de poursuivre l'homme en faisant à son attention :

Désolée, je voulais pas...

Un klaxon l'interrompit dans sa course et la força à reculer précipitamment, si bien qu'elle en heurta le trottoir avec une de ses jambes. Celle-ci se désolidarisa aussi de son buste et partit trois mètres plus loin, à coté du bras lancé par l'inconnu.

Hachiro, architecte de son métier, se rendait à son travail, légèrement en retard, jusqu'à ce qu'il faillisse percuter une jeune fille. Il klaxonna et pressa la pédale de frein au maximum, s'arrêtant une dizaine de mètres plus loin. Il sortit du véhicule, partagé entre la colère et le soulagement que cette fille ne l'ait pas percuté, et il la vit. Une jeune adolescente, avec un seul bras et une seule jambe, rampant misérablement vers ses deux membres par terre. Il écarquilla les yeux, restant interdit une paire de secondes, avant de tâter son front de sa main gauche. Non, pourtant il n'était pas malade. Renonçant à faire quoi que ce soit, il rouvrit la portière de sa voiture, s'installa à nouveau au poste conducteur et redémarra.

Je commence à avoir des hallucinations moi... fit-il tout haut, à l'attention de lui-même.

Toute la journée il essaya de s'enlever cette vision de sa tête, sans succès.

« J’ai faim. »

Natalia hocha lentement la tête, la tournant vers Lloyd. La journée d’hier avait été mouvementée par ce dernier, et il n’avait pas spécialement de son aventure avec Inori, se contentant de dire que cette dernière avait le pouvoir de façonner un objet à partir d’une fraction d’âme, mais qu’elle ne représentait pas une menace, ni une alliée. En tout cas, rien qui ne soit susceptible de les aider à retrouver Lucy. Son appartement, lui, n’avait pas trop souffert du passage de l’équipe du SHIELD. Ces derniers n’avaient rien trouvé d’utile, et étaient repartis. Natalia avait presque espéré, en revenant en fin de matinée, retomber sur Lucy et sur Amélie, mais l’appartement restait vide.

Lloyd l’avait accompagné afin d’accueillir cette Nana, et les deux essayaient de se promettre de ne pas faire la même erreur qu’avec Lucy. Parallèlement, une autre équipe était partie vers Kamakura, afin de se renseigner sur ce camp.

Il était presque deux heures de l’après-midi, et Natalia se demandait si cette Nana allait venir. Cet appel avait été curieux, et elle n’avait pas pu en savoir plus. Il avait été tracé, et l’équipe du SHIELD envoyée à Kamakura avait d’ailleurs pour mission, parmi tant d’autres, de se renseigner sur cette maison, et de l’observer. Pour l’heure, le SHIELD se contentait juste de prendre des informations. Il était toujours possible que cette histoire soit un immense canular, mais l’intuition de Natalia lui soufflait le contraire. Ce ne serait pas la première fois qu’il existait un centre de recherches paranormal, et le gouvernement japonais, pour l’heure, ne semblait pas être au courant. Autrement dit, les recherches menées à Kamakura n’étaient visiblement pas créditées par l’armée japonaise. Vu les intimes relations qu’elle entretenait avec l’armée américaine, un tel projet aurait forcément été découvert par les Américains... Du moins en théorie.

« Il y a une boulangerie en face. Tu n’as qu’à aller y acheter un truc.
 -  Tu réussiras à tenir la baraque toute seule ?
 -  Je pense pouvoir m’en sortir. »

Toujours cordiale, la relation entre les deux agents s’était légèrement tendue. Natalia n’appréciait pas que Lloyd l’ait planté face à Lucy, et soit parti sur un coup de tête. Ce n’était pas conforme au règlement, et elle savait aussi qu’il n’avait pas dit toute la vérité dans son rapport. Black Widow était un détecteur de mensonges sur pattes, et il y avait peu de choses qu’on puisse réellement parvenir à lui cacher.

Lloyd fila à la boulangerie, achetant quelques croissants, et, alors qu’il était dedans, il entendit, dehors, des crissements de pneus. Sentant un accident, il sortit rapidement... Et vit une éclopée en train de ramper vers le sol. Une voiture repartait à toute allure, et Lloyd pensa à un accident qui aurait arraché à cette femme sa jambe et son bras... Avant de rejeter cette idée. Il n’y avait pas de sang, et il n’avait pas entendu de choc.

*Bordel de merde...*

Il s’avança rapidement vers la femme. Il y avait d’autres piétons, qui regardaient ça. Lloyd en prit conscience, et brandit sa carte.

« Police ! Écartez-vous, s’il-vous-plaît ! »

Il n’appartenait pas vraiment à la police, mais on pouvait lui pardonner ce petit mensonge. Il se rapprocha de la fille, et attrapa sa jambe.

« Toi, je crois que tu dois être Nana... »

Il lui tendit sa jambe.

« Fais gaffe à ne pas les perdre, les bras et les jambes, c’est plutôt pratique. »

Elle n’avait pas l’air de particulièrement souffrir. Visiblement, son pouvoir spécial, à elle, était d’être un corps avec des organes détachables.

*Il y a quand même des fois où je me dis que j’aurais mieux fait de rester au SWAT...*

La situation était très embarrassante pour la pauvre Nana. Elle se traînait trop lentement vers ses membres artificiels et ne pouvait pas utiliser son pouvoir par risque d'alerter tout le monde aux alentours. Un passant s'approcha même d'elle et lui envoya une pièce, persuadé qu'il s'agissait d'un tour de magie exécuté par la jeune fille. Sauf que non, elle salissait réellement ses vêtements en essayant de récupérer son bras et sa jambe perdus. Et encore, elle s'estimait heureuse de ne pas avoir tout perdu. Lorsqu'elle est surprise, elle perd souvent le contrôle de ses vecteurs, qui ne peuvent alors plus tenir ses membres et les perds donc, ce qui s'est passé ici.

C'est embarrassant...

Alors qu'elle se sentait comme l'attraction du moment en pleine rue, un homme s'approcha et dispersa la foule en sortant une carte de police. La diclonius ne réagit pas, trop concentrée à essayer de récupérer ses deux membres quand elle le vit lui apporter sa jambe.

Toi, je crois que tu dois être Nana... Fais gaffe à ne pas les perdre, les bras et les jambes, c’est plutôt pratique.
M... Merci.

Ne relevant pas le moins du monde le fait qu'il connaisse son prénom, elle prit la jambe que l'homme lui tendait et la remit à sa place. Par malchance, celle-ci avait perdu sa chaussure, mais ce n'était pas vraiment important pour elle. A vrai dire, elle ne s'en était même pas rendu compte, y compris lorsqu'elle se releva difficilement. N'avoir qu'une chaussure ne l'handicapait nullement puisqu'elle ne sentait pas le sol froid contre son pied, n'ayant aucune sensation avec ses vecteurs. Elle marcha donc normalement vers l'endroit où se tenait son second bras, se baissa afin de le ramasser et le remis à sa place normale, bougeant les doigts pour s'assurer qu'il était bien en phase avec son vecteur. Elle se tourna ensuite vers celui qui l'avait aidé, qui put constater que sa robe était désormais déchirée en plusieurs endroits, notamment sur son ventre, et révélait une petite partie de son sein gauche. Elle s'inclina afin de le remercier.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir aidé. Excusez-moi, mais quelqu'un m'attend normalement.

Elle se retourna et continua sa route jusqu'à l'appartement de son ancien adversaire.

« Je vous remercie beaucoup de m'avoir aidé. Excusez-moi, mais quelqu'un m'attend normalement. »

Sans attendre son reste, Nana se mit alors à marcher vers l’appartement de Lucy, laissant Lloyd pensif. Il fallait donc bien croire que tous ces diclonius étaient des désaxés. Nana ne cherchait pas à en savoir plus, ni à expliquer ce qui venait d’arriver. Si Lloyd le voulait, il pouvait l’arrêter, et la plupart des piétons continuaient à observer la fille, puis Lloyd, sans trop comprendre quoi que ce soit. Quand on voyait des gens comme ça, qui se souciaient fort peu qu’on les surprenne, il était presque exceptionnel que le SHIELD ait réussi à contrôler si bien l’information pour que ce genre de personnes parviennent à rester dissimulées du grand public. L’agent hésita un peu sur la suite à faire. Devait-il directement suivre Nana, ou laisser Natalia se débrouiller un peu, au début ? Lloyd reconsidéra ses croissants, et opta pour en prendre un autre, retournant dans la boulangerie, profitant de l’hébétude des clients pour aller directement à la caisse.

Entre-temps, Natalia restait dans l’appartement, silencieuse, et entendit des bruits de pas se rapprocher. Avec elle, il y avait la présence réconfortante de ses pistolets. Ce n’était pas Lloyd, car les sons ne correspondaient pas à sa démarche rapide et assurée. Il ne pouvait s’agir que de Nana. Widow restait assise au milieu du salon, sur un fauteuil, la porte grande ouverte. Quand elle vit la silhouette de Nana se dessiner dans l’embrasure, Natalia se releva lentement, se rapprochant d’elle.

« Salut, Nana, la salua Widow en esquissant un léger sourire. C’est moi que tu as eue au téléphone. Je m’appelle Natalia Romanov. »

Elle ménagea une courte pause, avant de reprendre :

« Je t’en prie, tu peux rentrer... Ce n’est même pas chez moi, après tout. »

Natalia n’avait rien entendu de ce qui s’était passé dans la rue... Ou, si elle l’avait entendu, elle le masquait très bien, en tout cas.

Lorsqu'elle vit la porte de l'appartement ouverte, Nana s'arrêta au moins une minute, à réfléchir. Elle ne sentait pas Lucy dans les environs, elle n'était donc pas là. Peut-être le SHIELD qui était entré, mais elle pensait qu'ils l'attendraient à l'extérieur pour ne pas violer l'intimité de Lucy. Elle avait pensée que des voleurs pouvaient être à l'intérieur, juste avant de se remettre en mouvement pour en avoir le cœur net qu'elle entra dans le champ de vision d'une femme rousse.

Salut, Nana, lui fit-elle en se levant et en s'approchant d'elle, causant un léger recul de la part de la diclonius. C’est moi que tu as eue au téléphone. Je m’appelle Natalia Romanov.

Oui, l'agent Natalia Romanov... Nana s'en souvint, et elle osa un sourire timide. Bien qu'elle aurait pu l'envoyer valser en moins d'une seconde, la femme en face d'elle dégageait une telle prestance que la diclonius en était intimidée. C'est pour ça que lorsque l'agent Natalia l'invita à entrer, elle s'assit immédiatement sur la première chaise qu'elle trouva, soit une de celles de la table à manger, s'assit droit en mettant les mains sur les genoux et la regarda droit dans les yeux. Alors que Lucy est rebelle et méfiante, Nana n'est qu'une jeune insouciante qui n'aspire qu'à une vie normale après des années de captivité. Et dans ce genre de cas où elle sent qu'il est possible qu'elle détienne l'avenir de la race humaine entre ses doigts, elle ne se sent pas apte à combattre le danger si elle n'a pas reçu d'ordre et d'explications claires et concises. Alors que là, elle n'était même pas encore certaine que Lucy allait créer une armée diclonius dans son coin. En ayant réfléchi une nuit, elle avait pensé qu'il était fort probable que Lucy ait monté le SHIELD contre le laboratoire de recherches pour détruire le dernier rempart entre elle et la domination du monde par les diclonius, résumé par l'extermination de tous les humains. Mais elle devait être sûre d'une chose... Mais elle n'osait pas le demander clairement.

Bon... Bonjour agent Natalia. J'ai... J'ai besoin de savoir...

Elle s'éclaircit la gorge, plus pour se donner de la motivation qu'autre chose, puis continua :

Pourquoi Lucy est partie ?

Puis, plus bas :

Et combien il y a eu de morts ?

Nana connaissait bien le mode opératoire de Lucy : elle tuait les habitants d'une maison afin d'y vivre pour quelques nuits et ainsi subsister, laissant une marque sanglante et sinistre derrière elle.

Qu'est-ce qu'il s'est passé ? fit-elle encore plus bas.

Amélie était-elle morte ? Partie ? Que s'était-il passé pour que le SHIELD la recherche et soit dans son appartement ?

Natalia nota presque immédiatement le comportement totalement différent de Nana par rapport à Lucy. Là où cette dernière était vindicative et rebelle, Nana était toute timide, hésitant à entrer dans l’appartement. Et, même en étant dedans, elle semblait se ratatiner sur place, toute petite, toute fragile, n’osant presque pas regarder la femme. Si elle avait accueilli Nana avec une section complète du SHIELD, la pauvre en aurait probablement fait une crise cardiaque. Natalia resta donc assise, évitant de faire le moindre geste brusque, laissant surtout à Nana le temps de se dire qu’elle n’allait pas se faire manger sur place, et que Natalia était une amie... Plus ou moins. Elle n’était surtout pas une ennemie, et, en l’état, c’était le plus important.

Au bout de quelques secondes, les questions finirent par fuser, la petite Nana venant à les enchaîner. Elle ressemblait presque à une collégienne. Natalia avait du mal à croire qu’elle était réellement en train d’avoir cette conversation. Qu’est-ce que cette jeune femme avait bien pu subir dans ce camp ? Il y avait malheureusement encore tant de questions sans réponses... Et dialoguer avec des adolescents, ce n’était vraiment pas simple. À chaque question que Nana posait, elle baissait le ton, ce qui fit que sa dernière question semblait presque ressembler à un murmure.

Natalia entreprit rapidement de la rassurer, brandissant ses mains devant elle en les agitant légèrement, de droite à gauche :

« Déjà, personne n’est mort, Nana... Lucy et Amélie sont parties, et j’ignore où. Nous sommes venues leur parler hier, mais... Disons que Lucy en a eu marre de nous, et qu’elle est... Partie. Amélie l’a aidé à se téléporter, et, depuis lors, nous ignorons où elles se sont envolées. »

C’était la stricte vérité. Natalia ménagea une courte pause, essayant de savoir ce qu’elle pouvait divulguer ou non. Elle entendit alors des bruits de pas précipités, et se tut. Lloyd revint alors.

« Mesdames ! Oh, ne t’embête pas à nous présenter, Natalia, j’ai croisé Nana dehors… Elle se mettait en spectacle. J’ai amené des croissants ! »

Lloyd referma la porte derrière lui, puis posa le sachet sur la table basse, et s’assit sur une chaise, sur le côté des deux femmes, avant de parler à nouveau :

« Alors, Nana, ça va ? Tu ne risques pas de perdre encore tes jambes, j’espère... Et... Je n’interrompais pas quelque chose, au moins ? »

Black Widow répondit en haussant les épaules.

« Nana voulait savoir ce qui s’était passé...
 -  Lucy a foutu le camp, elle m’a montré l’une de ses copines... Tu connais une certaine Inori, d’ailleurs ? » demanda-t-il soudainement à Nana.

Déjà, personne n’est mort, Nana... Lucy et Amélie sont parties, et j’ignore où. Nous sommes venues leur parler hier, mais... Disons que Lucy en a eu marre de nous, et qu’elle est... Partie. Amélie l’a aidé à se téléporter, et, depuis lors, nous ignorons où elles se sont envolées.

Nana resta estomaquée devant cette parole. Lucy, une dangereuse diclonius, ayant pour réputation de tuer tous les humains sur sa route et même quelques-uns à coté juste pour une vengeance ou quelque chose du genre, a laissé partir quelqu'un qui l'ont... fatiguée ? Non, pas possible. En tout cas, cela n'aurait pas été possible avec la Lucy qui venait juste de sortir du laboratoire. Kouta et elle avaient dû développer des trésors d'imaginations pour faire en sorte qu'elle ne tue pas tous les humains, et elle avait fini par croire  qu'elle était possédée par un être maléfique. C'était une idée un peu stupide, mais elle a accroché directement à celle-ci. Mais là... Là...

La pauvre diclonius ne pouvait même pas trouver les mots pour expliquer ce qu'elle ressentait. Déjà, elle avait le sentiment de s'être trompée par rapport à Lucy. Le fait qu'elle arrive à garder son calme veut dire qu'elle n'est pas comme avant, qu'elle a changé. Et cela voulait aussi dire que Nana s'était trompée sur son ancien adversaire depuis le début. Elle est donc bien partie pour ce monde inconnu. Intérieurement, la diclonius souhaitait bonne chance à sa sœur de race, elle en aurait certainement besoin dans ce nouveau monde. Et puis, tant qu'elle est avec Amélie, elle ne risque pas de replonger.

Trop dans sa réflexion, elle ne fit attention à l'homme uniquement lorsqu'il lui parla. Et quand elle s'aperçut qu'il était non loin d'elle, Nana s'enfonça encore plus dans sa chaise, se courbant légèrement. Elle venait juste de le croiser, il s'agissait de celui qui lui a rendu ses membres ! D'ailleurs, il en fit référence.

Alors, Nana, ça va ? Tu ne risques pas de perdre encore tes jambes, j’espère...

Nana rougit de honte presque instantanément. Elle avait bien failli montrer son secret à la foule, soit le fait qu'elle puisse manipuler ainsi des membres non rattachés à son corps. Heureusement, d'après ce qu'elle avait pu voir, aucun d'entre eux n'avaient compris ce qu'il se passait devant eux. Et puis, ce n'est pas comme si elle avait perdu ses quatre membres... Il confirma le fait que Lucy est partie avant d'ajouter :

Elle m’a montré l’une de ses copines... Tu connais une certaine Inori, d’ailleurs ?

Inori... Ce nom lui disait vaguement quelque chose, mais il ne devait pas y avoir de lien avec Lucy, sinon elle s'en serait rappelée. Normalement...

Non, désolée... Et désolée pour tout à l'heure, ajouta-t-elle en s'adressant à l'homme, depuis que Lucy m'a coupé une jambe et m'a arraché les trois autres membres, quand je perd ma concentration, je perd aussi le contrôle...

En effet, tenant ses membres grâce à ses vecteurs, lorsqu'elle était surprise ou étonnée, les vecteurs pouvaient redevenir éthérés et les membres tombent la plupart du temps.

Lloyd avait le sentiment que les gars du bureau des relations publiques allait le haïr quand il leur dirait de consulter les blogs, afin de trouver des références à une femme ayant des membres susceptibles de se détacher. Il y aurait des manipulations d’informations classiques. Le SHIELD savait y faire. Il n’y avait que dans les films que les agences secrètes envoyaient des tueurs en série dans des costards-cravates, ou effaçaient radicalement les informations contenues sur Internet. Si le blog était populaire, alors il y aurait une panne technique qui, comme par mégarde, effacerait tout le contenu du blog. S’il était méconnu, ce qui était le cas de 99% des blogs que le SHIELD trouvait, l’organisme manipulerait les sites de référencement pour que le blog disparaisse dans les profondeurs de l’oubli. De cette manière, l’information était contrôlée. C’était une atteinte flagrante aux libertés individuelles des citoyens. La méthode faisait horreur à Lloyd, sincèrement, mais il savait aussi que ce contrôle était fait pour éviter un sentiment de panique plus généralisé. Il valait mieux empiéter légèrement sur la liberté d’expression, plutôt que de risquer un mouvement de panique globalisé.

Nana se ratatina sur place, disparaissant dans son fauteuil, et, comme Natalia, Lloyd comprit également qu’elle ne raisonnait pas exactement comme Lucy, et qu’elle était beaucoup plus... Timide. C’était ça. Elle avait l’air mal à l’aise avec eux deux, des étrangers... À moins que ça ne vienne du fait d’être chez Lucy ? Les deux agents ignoraient encore exactement quel était le lien précis entre les deux diclonius, si ce n’est qu’elles s’étaient échappées seules, et qu’elles avaient l’air d’être à la fois proches et rivales. Proches, car Lucy faisait confiance à Nana pour surveiller Kouta, et en même temps rivales, car Nana semblait en savoir encore moins qu’eux sur elle. Natalia étudiait silencieusement et soigneusement les réactions de la jeune femme, et peina à masquer sa surprise quand Nana leur avoua que c’était Lucy qui l’avait grièvement mutilé, lui arrachant les quatre membres de son corps, qu’elle maintenait artificiellement avec elle.

« Ah... Ça explique tout... »

Lloyd parlait sur un ton assez détaché, et son regard se porta vers sa collègue.

« Je pense qu’on a fait une erreur en laissant partir Lucy... Plus j’en entends sur elle, et plus je me dis qu’elle est effectivement dangereuse.
 -  C’est pour ça qu’il nous faut la retrouver.
 -  Sauf si elle est sur Terra... Techniquement, ce n’est pas de notre ressort. »

Natalia haussa les épaules.

« De ce que je sais, ces questions de compétence territoriale n’ont jamais vraiment embarrassé, ni les Américains, ni le SHIELD. Votre pays est le spécialiste en ce qui concerne les lois extraterritoriales. »

Lloyd soupira légèrement et secoua la tête.

« Nana, nous savons que Lucy a un passé... Hum... Disons juste que je ne le mettrais pas dans un CV. J’ignore si elle peut être considérée comme une alliée, ou comme une menace potentielle, mais le fait est que nous avons entendu parler de l’existence d’un laboratoire où les femmes comme toi et Lucy sont regroupées, et entraînées... Et nous sommes peu rassurés de savoir qu’il existe un tel laboratoire en plein cœur du Japon, prêt à nous péter à la gueule comme un gros furoncle planté dans le cul. »

Curieuse image... Natalia avait encore du mal à s’y habituer, et poursuivit les explications :

« Lucy était réticente à nous aider, jusqu’à ce que nous lui disions que nous pensions que ce laboratoire scientifique pourrait très bien être un camp d’entraînement en vue d’une quelconque invasion. Malheureusement, nous n’avons pas pu en savoir plus... Je crains fort qu’elle ne soit pas aussi coopérative que toi. Nous ne cherchons nullement à mettre la population civile en danger, et, si jamais nous devions opter pour une frappe militaire, la population sera évacuée. Nous préférons prévenir que guérir, mais nous manquons encore d’informations sur ce laboratoire. »

Il était facile de voir où elle voulait en venir, mais, comme Nana semblait intimidée, Natalia clarifia sa pensée :

« Que peux-tu nous dire sur ce laboratoire ? Sais-tu ce que ces gens cherchent à faire ? Les autres diclonius sont-ils vraiment aussi sauvages que ce que Lucy prétend ? Serais-tu capable de nous indiquer l’emplacement précis de ce laboratoire, à quoi il ressemble ? Comment vous en êtes-vous évadées, toi et Lucy ? »

Lucy avait déjà fourni des éléments de réponse à certaines de ces questions, mais avoir un second avis ne faisait pas de mal. Lloyd était tout à fait de ce point de vue. Son expérience de policier l’avait amené à réaliser que, bien souvent, les témoignages étaient contradictoires entre eux, alors qu’ils portaient sur les mêmes faits.

Je pense qu’on a fait une erreur en laissant partir Lucy... Plus j’en entends sur elle, et plus je me dis qu’elle est effectivement dangereuse.

Cette phrase... Nana pensait exactement le contraire. Plus elle apprenait de nouvelles choses sur sa sœur de race et plus elle était encline à lui faire confiance. Elle tenta d'ailleurs de protester, mais avant même qu'elle puisse ouvrir la bouche, l'agent Natalia répondit au policier qu'il fallait d'abord la trouver. Nana avait beau chercher une ouverture dans le dialogue, mais elle n'y arrivait pas. Et sa timidité n'aidait pas du tout. Elle était un peu perdue, ne se sentait pas à sa place dans cette conversation, surtout lorsqu'ils parlèrent de frontières. La jeune diclonius connaissait vaguement les différents pays importants de ce monde, mais n'étant allée à l'école qu'à peine plus d'une année, elle ne comprenait strictement rien de ce qu'ils disaient. Elle repensa à la raison de sa visite et regarda autour d'elle afin de trouver l'objet qu'elle recherchait, mais il ne semblait pas être ici. Peut-être que Lucy l'a pris... Dans tous les cas, la boite à musiques ne doit pas être perdue. C'est un symbole trop fort pour Kouta pour que Nana se permette de l'abandonner à des inconnus. Après tout, c'est sa nouvelle famille, famille où elle est la sœur de Lucy...

Le policier s'adressa ensuite à Nana directement, lui disant qu'ils connaissaient le passé houleux de la dangereuse diclonius ainsi que de l'existence du laboratoire, mais il semblait se tromper sur la réelle utilité. Il semblait penser qu'il s'agissait du lieu où s'entrainaient les diclonius. S'entrainer comment ? Non, elle sont juste regroupées là pour qu'elles ne fassent du mal à personne ! Si le laboratoire n'existait pas, il y aurait une trentaine de jeunes meurtrières mutantes dans les rues du Japon, détruisant tout sur leur passage ! Elle s'apprêtait à protester lorsque la suite de sa tirade la laissa sans voix :

Et nous sommes peu rassurés de savoir qu’il existe un tel laboratoire en plein cœur du Japon, prêt à nous péter à la gueule comme un gros furoncle planté dans le cul.

Elle avait ouvert la bouche lorsqu'il avait dit cela, et elle la laissa ouverte sans en sortir un seul son. Non pas qu'elle était choquée par sa vulgarité, mais qu'elle n'avait strictement rien compris de cette phrase. En effet, elle ne savait pas ce qu'était un furoncle, personne n'ayant jamais utilisé ce terme devant elle. Et il parle d'un laboratoire, de pétage de gueule, et d'un truc inconnu dans un cul. Ses yeux s'arrondirent et fixèrent le policier, cherchant vainement à saisir un brin de logique dans ce qu'il venait de raconter, avant de renoncer en baissant le regard, fermant la bouche et secouant rapidement la tête comme pour sortir cela de sa mémoire. Elle devait absolument rester concentrée pour pouvoir savoir ce qu'ils veulent vraiment. Heureusement pour elle, l'agent Natalia semblait plus compatissante envers elle, et elle se mit à lui expliquer correctement la situation. Et elle dit qu'ils pensaient que le laboratoire voulait utiliser les diclonius pour une invasion ?? Co... Comment ça ? Pourquoi feraient-ils ça ? Non, son père lui a dit que le laboratoire faisait des études sur les diclonius pour en apprendre plus sur elles et mieux les contrôler pour qu'il y ait encore moins de morts humains à cause d'elles ! Et même s'il était contre certaines pratiques, il faisait partie des scientifiques. Mieux même, c'est lui qui s'est occupé d'elle pendant les nombreuses années de son éducation. D'après lui, elle est la seule diclonius à comprendre que la vie humaine est importante et qu'il ne faut pas la détruire, alors que les autres pourraient tuer sans même l'ombre d'une hésitation ou d'un remord. Il n'y a qu'à voir le carnage provoqué par Lucy lors de sa fuite ! Non, pour la jeune diclonius, cela n'était pas possible. Et même ils veulent attaquer le laboratoire !? Non, elle ne peut pas laisser cela se produire.

Que peux-tu nous dire sur ce laboratoire ? Sais-tu ce que ces gens cherchent à faire ? Les autres diclonius sont-ils vraiment aussi sauvages que ce que Lucy prétend ? Serais-tu capable de nous indiquer l’emplacement précis de ce laboratoire, à quoi il ressemble ? Comment vous en êtes-vous évadées, toi et Lucy ?

Nana nota dans sa tête chacune des questions de l'agent Natalia et les étudia une à une, jugeant à quoi il était bon de répondre et ce qu'il fallait absolument cacher pour éviter que des humains meurent encore une fois à cause des diclonius. Elle se massa les tempes d'une seule mains, cachant ses yeux avec sa paume en réfléchissant intensément, ce qui lui prit pas moins de trente longues secondes, avant de poser ses mains sur ses jambes et de regarder la femme rousse d'un regard étrangement assuré, comme si cela lui avait donné confiance en elle.

Agent Natalia...

Sa voix ne tremblait plus du tout et était représentative de son état d'esprit.

Vous dites que vous ne voulez pas mettre les humains en danger, mais que vous songez à attaquer le laboratoire. Savez-vous ce que vous ferez des diclonius ? Comment vous les maîtriserez ? Comment vous les amènerez vers leur nouveau lieu de vie qui sera comme ce qu'il y a au laboratoire ? Toutes les diclonius sont emmenées au laboratoire peu avant leur naissance, moi y compris. Les autres ont dû êtres tuées car elles étaient incontrôlables. Lucy est la seule exception. Comment ferez-vous pour toutes les emmener alors qu'elles peuvent vous tuer avant même de pouvoir assez les approcher pour les porter ? Sans même bouger un doigt ? Je ne sais pas ce que Lucy vous a dit à propos des diclonius, mais ce sont des créatures bien plus dangereuses que tout ce que vous pouvez imaginer. Vous n'êtes pas capables de saisir l'étendue de nos pouvoirs, vous qui n'êtes pas habitués à nous. Et puis, imaginez qu'une race vous enferme et vous torture pendant toute votre vie. Si on vous donne l'occasion de sortir, n'essayerez-vous pas d'éradiquer la race qui vous a enfermée ?

Elle baissa la tête, regardant ses genoux.

C'est ce que toutes les autres diclonius pensent, que les humains nous enferme juste pour nous torturer. Mais comme le disait mon père, il y a du mauvais dès la naissance chez les diclonius. Dès qu'on découvre nos pouvoirs, on a besoin de tuer. C'est ce que j'ai ressenti aussi quand j'avais quatre ans, mais mon père m'a aidée. Il m'a éduquée, et cela a pris plusieurs années mais j'ai finalement compris. J'ai compris qu'il faisait ça parce qu'il avait peur, parce qu'il ne voulait pas nous voir tuer des humains. Il m'a enseignée que chaque vie humaine est très importante, et qu'il ne faut pas la détruire. Et il m'a aussi dit que j'étais la seule diclonius à l'avoir compris.

Elle laissa planer quelques secondes avant de relever la tête, son regard alternant du policier à l'agent Natalia.

Lucy s'est échappée en détruisant tout sur son passage, en tuant tous ceux qui étaient sur sa route. Moi, je... Je ne sais pas vraiment...

Sa voix commença à perdre significativement de l'assurance et de peps alors que son regard trahissait l'incompréhension qu'elle avait face à cet acte qu'elle raconta :

C'était après ma défaite contre Lucy. J'étais allongée sur une table, entièrement sous des bandages, et mon père m'a donné une pilule. Ensuite, je me suis endormie et je me suis réveillée sur la plage, dans une espèce de pilule géante. Il y avait une valise avec de l'argent, beaucoup d'argent, et un mot de mon père qui me demandait de vivre. Ensuite, la seule fois où j'ai revu mon père, c'est quand il est mort... Avec sa vraie fille dans les bras...

Son regard se baissa à nouveau tandis qu'une larme fit son apparition dans son œil gauche et commença à tracer une ligne saline sur sa joue.

Dé... Désolée... fit-elle la voix tremblotante. Ce n'est pas important...

Exactement comme Lucy avant elle, Nana semblait trouver l’idée d’attaquer ce centre totalement absurde. Plus bavarde que Lucy, elle leur expliqua en long, en large, en en travers, pourquoi il ne fallait pas y aller. De ce que Natalia comprit, Nana semblait voir dans ce laboratoire une boîte de Pandore. En cherchant à libérer les diclonius de leur sort, le SHIELD ne ferait que précipiter le monde dans le chaos le plus complet, en libérant des dizaines de tueurs surhumains n’ayant en tête qu’une seule chose : la destruction de la race humaine. Nana, en revanche, n’arrivait pas trop à expliquer comment elle avait fait pour sortir, et, d’après ce qu’elle disait, son père lui avait visiblement permis de s’enfuir.

Son discours se termina avec une larme versée, et des excuses. Elle avait parlé de la « vraie fille »de son père, ce qui amena Natalia à regarder brièvement Lloyd. L’homme haussa les épaules, en signe d’incompréhension.

« Je pense que c’est au contraire très important, Nana.. En ce qui te concerne. Toi et Lucy ont toutes les deux dit que les diclonius ne sont que des machines à tuer ne cherchant uniquement qu’à nous détruire... Mais Lucy ne m’a pas tué, et je ne lis pas en toi cette haine agressive que tu décris. Alors, soit vous êtes deux exceptions, soit je pense que c’est un petit plus compliqué que ça.
 -  Toute personne qui est capable de haïr est aussi capable d’aimer. C’est le yin et le yang, comme on dit. Les pulsions d’Eros et les pulsions de Thanatos. Tout être vivant aspire autant à répandre la vie qu’à la détruire. »

La tirade philosophique de Lloyd amena Natalia à le regarder pendant quelques secondes. L’agent spécial se contenta de hausser les épaules.

« Il y a un cerveau qui bat sous ma montagne de muscles, Agent Romanov.
 -  Hum... Bref. Nous ne pouvons pas laisser des gens être torturés simplement parce qu’ils ont des capacités spéciales. Tu m’as demandé ce que nous ferions si nous les avions... Nous les soignerions, ni plus ni moins. Nous avons déjà eu affaire à des gens dotés de capacités surhumaines, tu sais. C’est même la raison d’être de notre organisation, et notre présence au Japon.
 -  Et puis, on a Supergirl... On aurait du commencer par là. Je suppose que tu n’as jamais entendu parler d’elle, hein ? »

Lloyd s’éclaircit lentement la gorge, et planta son regard dans celui de Nana. Il avait noté que cette dernière était totalement paumée, et qu’elle ne savait visiblement pas grand-chose sur le monde. En même temps, si elle avait passé son enfance comme rat de laboratoire, elle avait un sacré retard à rattraper.

« C’est la femme la plus puissante de la Terre, si ce n’est de la galaxie... Les balles rebondissent sur son corps, elle peut dévaster un gratte-ciel d’un coup de poing, ses yeux crachent des lasers qui peuvent être aussi puissants que des bombes, elle a une vision spéciale qui lui permet devoir à travers la matière, et... Et elle vole à la vitesse de la lumière ! »

Dit comme ça, c’était délirant, comme si cette femme semblait sortie de l’imagination fiévreuse d’un jeune boutonneux.

« Tu n’as pas idée de ce qu’on a affronté, Nana... On peut gérer ça. »

...Mais Lucy ne m’a pas tué, et je ne lis pas en toi cette haine agressive que tu décris...
Lucy...

Lucy, la dangereuse diclonius, celle qui a tué une bonne centaine d'humains parfois sans raisons... Mais pas eux. Et apparemment plus personne depuis qu'elle se trouve à Seikusu. Elle s'était trompée pour Lucy. Peut-être se trompait-elle aussi pour l'agent Natalia. Même si la diclonius lui a dit ne pas lui faire confiance, elle lui a donné le moyen de les contacter en lui demandant de les aider. Toute cette histoire est étrange, mais elle n'avait pas vraiment le temps d'y réfléchir. Surtout qu'elle se trouvait toujours en face des deux personnes. Elle écouta vaguement la réplique du policier, n'y comprenant pas tout comme d'habitude mais pour une fois elle en saisi une partie du concept général : une personne peut changer.

Elle se mit ensuite à lui dire ce qu'ils feraient des diclonius fraichement libérées, et elle comprit qu'ils n'avaient pas compris le danger des diclonius. A moins que... L'habitude de personnes ayant des capacités surnaturelles ? Donc l'habitude des personnes comme Amélie peut-être ? Ce qui voudrait dire... Ils pourraient maîtriser des meurtrières potentielles... Non, Nana n'y croyait pas vraiment. Enfin si, elle avait toutes les raisons d'y croire, mais elle ne faisait pas vraiment confiance dans le jugement de l'Agent Natalia et du policier. Et si ils sous-estimaient le danger, le monde pourrait plonger. Non, elle ne pouvait pas prendre ce risque. Il n'en était pas question. Enfin, jusqu'à ce que le policier parle de... D'un truc qui s'appelle... Non, pas d'un truc, d'une femme puissante, très puissante. Une lueur d'espoir s'alluma dans les yeux de Nana qui regardait fixement le policier, buvant ses paroles à la source. Cette femme est vraiment très puissante ! Elle pourrait peut-être y arriver toute seule.

Elle ferma les yeux pendant qu'elle réfléchissait, inspirant longuement. Oui, cette Supergirl pourrait y arriver. Mais il fallait qu'elle soit au courant de ce qui l'attende. Car le combat contre une diclonius se règle dès les premières secondes. Soit son adversaire est assez puissant pour la maîtriser, soit elle se fait trancher la tête en bonne et due forme. Surtout si on s'approche d'elle sans faire attention. Elle rouvrit les yeux, regardant alternativement ses deux interlocuteurs et fit :

Agent Natalia, Monsieur le policier, c'est trop important pour que je prenne des risques. J'aimerais voir Supergirl et tous ceux qui l'accompagneraient pour qu'ils sachent contre qui ils risquent de se battre. Et j'aimerais voir l'endroit où vous comptez enfermer celles qui sont trop dangereuses.

Elle se garda de dire qu'elle était intimement persuadée que toutes les diclonius allaient devoir être enfermées.

« Agent Natalia, Monsieur le policier, c'est trop important pour que je prenne des risques. J'aimerais voir Supergirl et tous ceux qui l'accompagneraient pour qu'ils sachent contre qui ils risquent de se battre. Et j'aimerais voir l'endroit où vous comptez enfermer celles qui sont trop dangereuses. »

Rien que ça ! En soi, rencontrer Supergirl, Miss Marvel, ou Iron Girl, ne posait pas de difficultés particulières, puisqu’elles étaient sous son commandement. Voir la prison, en revanche... Ceci risquait d’être légèrement plus difficile. Si les diclonius étaient aussi dangereux qu’on le supposait, Lloyd ne prendrait pas de risques. La requête de Nana amena un léger silence delapart de l’agent spécial, avant qu’il ne réponde :

« Les prisonniers les plus dangereux, ceux qui sont dotés de capacités surnaturelles, ne sont pas incarcérés dans des prisons normales, car les conditions de détention ne sont pas adaptées à les retenir. Il existe bien quelques prisons de haute sécurité comme le quartier pénitentiaire de l’asile d’Arkham à Gotham City, mais, dans la majorité des cas, les prisonniers surnaturels du SHIELD sont enfermés dans une prison qui n’existe sur aucune carte. Elle figure dans une autre dimension, qu’on appelle la Zone Négative. »

Encore une fois, Lloyd venait de rompre plusieurs de ses engagements de confidentialité. Un civil n’était pas censé être informé de l’existence de la Zone Négative. Il n’était pas censé être mis au courant que le SHIELD y enfermait des super-criminels, mais, compte tenu des circonstances, Lloyd devait s’arroger des procédures classiques. De toute manière, le règlement du SHIELD était plus perçu comme une sorte de ligne de conduite que comme des règles impératives. Il reprit assez rapidement, en lui expliquant que c’était une dimension chargée d’antimatière, où les règles de la physique telles que conçues dans notre dimension ne s’appliquaient pas.

S’éclaircissant un peu la gorge, Lloyd poursuivit :

« Il y a quelques années, le SHIELD a construit une prison dans cette zone, la Prison Alpha. »

Initialement conçue pour y enregistrer les super-héros récalcitrants à la loi sur le recensement, la Prison Alpha avait ensuite évolué pour illustrer le véritable rôle derrière sa création : permettre de détenir des supers-criminels. Le seul moyen d’entrer dans la Prison Alpha était de passer par des Portails dimensionnels figurant dans certaines bases centrales du SHIELD, comme Triskelion... Ou encore Seikusu Base Camp. Compte tenu de la recrudescence de supers-criminels dans la région, ce Portail n’était pas de trop.

« Théoriquement, je n’ai pas le droit de parler de ça à une femme qui n’appartient pas à l’organisation... Une civile, en d’autres termes. Je ne peux pas te montrer cette prison sans une autorisation officielle de mes supérieurs, mais je peux toujours te montrer Supergirl. Lucy avait été assez impressionnée en la voyant.
 -  Ce qui se conçoit assez facilement, compléta Natalia. Ce n’est pas tous les jours qu’on tombe sur une Kryptonienne. »

Lloyd hocha lentement la tête.

« Je ne sais pas quand tu pourras la voir... Peut-être aujourd’hui. Je vais laisser l’agent Romanov se charger de ça. »

Natalia soupira légèrement, puis regarda Nana, et lui posa une question :

« Tu veux prendre rendez-vous quand ? »

Ils lui apprirent alors qu'ils enfermaient déjà des personnes ayant des capacités hors du commun dans une prison spéciale, prison Alpha ou quelque chose comme ça. Nana repensa aux capacités d'Amélie, et se dit que si ils pouvaient l'enfermer sans qu'elle puisse s'en échapper, enfermer des diclonius devraient être un jeu d'enfant pour elle. Avant même qu'elle s'en rende compte, l'imagination débordante d'une jeune fille d'à peine plus d'une quinzaine d'années fit son travail et la jeune diclonius se mit à imaginer toutes sortes de prisons, que ce soit une île perdue entourée de magma, une bulle d'oxygène géante sous des kilomètres de mer, une citée perdue dans l'espace, une prison entourée de rien... Ses yeux regardaient le vague, inexpressifs et elle rata certainement une partie de la conversation car elle fut "réveillée" par l'Agent Romanov :

Tu veux prendre rendez-vous quand ?
Euh...

De quoi parlait-elle exactement ? De prendre rendez-vous pour visiter la prison ou pour rencontrer Supergirl ? Un peu perdue, son regard se perdit dans celui de la femme rousse, comme pour lui demander de répéter. En même temps, elle réfléchissait. Elle ne doutait plus vraiment de la "solidité" de la prison, car si elle pouvait retenir quelqu'un pouvant se téléporter ou quelqu'un d'autre capable d'invoquer des boules de feu géantes, les diclonius seraient internées dedans à vie. Non, elle s'inquiétait surtout à propos du transport des diclonius. Il ne fallait surtout pas que le SHIELD les sous-estime ou elle s'en mordrait les doigts en apprenant les centaines de têtes coupées. C'est pourquoi après quelques secondes de silence qu'elle répondit :

Pour la prison, je vous fais confiance. Si vous pouvez enfermer des personnes comme Amélie, vous aurez pas de problèmes avec les diclonius. Mais il faut vraiment que je parle à Supergirl et les autres personnes qui vont emporter les diclonius, pour qu'ils se préparent à ce qu'ils vont devoir retenir.

Ce qu'ils vont retenir ? La furie des Diclonius...

[HRP : Désolé pour le retard]