« Entrons...C'est ce qu'il y a de mieux à faire maintenant... »
Nariko acquiesça silencieusement. Les ennemis étaient trop nombreux, et ils n’étaient pas à leur avantage. Certes, Heavenly Sword avait potentiellement le pouvoir de briser des armées entières, mais Nariko n’avait réussi à n’utiliser ce pouvoir qu’une seule fois, face à l’armée du Roi Bohan. Autrement, Heavenly Sword restait juste une puissante épée magique… Puissante, mais pas suffisamment pour pouvoir combattre tous ces monstres. Les gardes juchés sur les remparts semblaient animés d’une lueur maléfique, et les vampires étaient nombreux. De même, Nariko voyait ici et là, le long des flancs du donjon, des gargouilles qui, tout en ressemblant à des statues, avaient des yeux qui s’animaient. La protection de cette femme était trop important pour un passage en force, et Nariko pénétra donc dans l’enceinte du château, peu rassurée, mais avec la certitude que, si cette Comtesse voulait les tuer, elle l’aurait déjà fait.
Ils entrèrent dans un grand couloir avec des candélabres et des chandeliers, et un énorme tapis rouge au centre. Brauner restait derrière eux, à hauteur de la cour, n’osant pas les suivre. Nariko regarda autour d’elle. Il y avait aussi, à gauche comme à droite, le long de ce vaste couloir, des armures sur des piédestaux. Des lustres brûlaient au plafond, et le duo avança vers une grande porte au fond. Plusieurs autres portes se tenaient à droite comme à gauche, mais, soit elles étaient verrouillées par des herses, soit elles étaient tout simplement fermées. Le château semblait totalement vide, et, quand ils arrivèrent de la porte au fond, une massive porte en bois, cette dernière s’ouvrit en grand au bout de quelques secondes, comme si elle était animée par magie.
« Kaï n’a pas confiance…
- Ne t’inquiète pas, Kaï, je ne laisserai personne te faire du mal. »
Kaï hocha la tête, ne semblant guère plus rassurée. Un épais escalier en marbre se trouvait derrière la porte, et, comme dans le grand couloir, des bougies s’allumèrent alors, leur indiquant la voie à emprunter. Il n’y avait aucun escalier permettant de descendre, simplement de monter. Nariko s’avança donc, toujours aussi suspicieuse. Heavenly Sword réagissait à cet endroit. Il bouillonnait de magie, une magie forte et puissante, probablement liée à cette Carmilla, qui avait avec elle la beauté du Diable. Le trio continua à grimper, rejoignant l’étage supérieur. C’était de hautes marches en marbre, et l’escalier dessinait un angle au milieu du chemin.
Une autre grande porte s’ouvrit, et, même si l’escalier continuait à monter, une herse bloquait le passage. Cette Carmilla les laissait seulement voir ce qu’elle voulait qu’ils voient, et Nariko n’était toujours pas rassurée. Un couloir un peu plus petit, avec un tapis rouge, s’offrit à eux. Il conduisit à une autre porte, une porte à double battant, qui s’ouvrit vers l’avant, révélant, derrière, une superbe salle de banquet. Il y avait du poulet rôti, des victuailles, du vin, du pain, un impressionnant festin sur une grande table recouverte d’une nappe brodée, avec, au centre, des candélabres en argent et un lustre en cristal à hauteur du plafond
« Je suis sincèrement ravie de vous voir. Approchez donc ! »
Carmillia était là, debout, et leur sourit, de l’autre côté de la table. Kaï la regarda en fronçant les sourcils, et la Comtesse leur offrait un sourire chaleureux.
« Je suppose que vous devez avoir faim, et, pour m’avoir débarrassé de Cornell, je ne peux que vous remercier. »
L’estomac de Kaï se mit à gargouiller, et cette dernière jura à voix basse… Ce que Carmilla perçut. Elle se déplaça alors, contournant la table. En la voyant se rapprocher de Kaï, Nariko se crispa, mais la Comtesse se contenta d’un léger sourire.
« Allons, si je voulais vous tuer, ce serait fait depuis longtemps, non ? »
Elle marquait un point, mais Nariko connaissait suffisamment les autres pour savoir que cette générosité pouvait dissimuler autre chose.
« Tu as faim, n’est-ce pas ? demanda-t-elle en s’adressant à Kaï. Et vous devez être exténués… Encore une fois, je suis sincèrement désolée pour la réaction disproportionnée de mes gardes. Ils… Ils ont tendance à se montrer un peu excessifs, et Brauner… Hum… Parfois, sa loyauté le rend un peu… Débordantde passion et d’énergie.
- Doux euphémisme pour signaler qu’il voulait nous tuer… Exactement comme ces cadavres que nous avons trouvé dans le fort…
- Ah… Oui, eux… »
La mystérieuse comtesse secoua alors la tête. Elle dégageait autour d’elle un parfum magnifique, qui embrumait les sens de Kaï.
« Je vais vous expliquer tout cela… Sachez juste que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Cependant, j’aimerais aussi faire honneur à ce festin préparé par mes cuisiniers, et je me doute que vous devez avoir de multiples questions à me poser… Et je suis naturellement disposée à y répondre. Je comprends tout à fait votre suspicion, mais je vous assure, vous n’avez rien à craindre de moi. Cornell était devenu fou, et il y a longtemps que j’aspirais à me débarrasser de lui. Ceci, ce repas… Ce n’est qu’une partie de l’immense gratitude que je ressens à votre égard, jeunes héros. Alors… Prenez place, et restaurez-vous. Et, encore une fois, si c’est la suspicion qui vous restreint, faites-en appel à votre bon sens. Pourquoi m’aurais-je donné la peine d’empoisonner ce repas ? Si je vous voulais mort, il m’aurait suffi de dire à Brauner de vous écorcher dans la cour de mon château, et il l’aurait fait sans se poser de questions. »
Disant cela, Carmilla venait de s’asseoir, et attrapa des fruits, qu’elle enfourna dans sa belle bouche. Il se dégageait d’elle une profonde sensualité. Difficile d’y rester de marbre… Et, effectivement, ce repas était très attirant. Mais qu’est-ce que tout cela cachait ? Nariko avait trop combattu pour croire à l’innocence prétendue de cette femme… Mais elle ne pouvait pas nier sa faim et sa fatigue non plus.