Sentir la langue de Yoru, c'était pour le garçon une expérience enivrante. La sentir bouger surtout, avec timidité et réserve, néanmoins présente, vivante, douée d'une volonté propre. La sentir, humide, discrète, se dérober ou exercer un peu de force contraire. Malheureusement, son plaisir ne dura que quelques secondes avec que l'albinos ne le repousse, visiblement à bout de souffle. Sans opposer trop de résistance, le terrien se laissa éloigner, un sourire badin illuminant son visage.
« C'est un signe d'amour. Mais t'es pas obligé de m'aimer... » répondit-il aussitôt.
Il n'y avait pas de dépit dans ses mots, seulement un message implicite : l'affection venait de lui, et il comprenait qu'elle ne soit pas réciproque. Néanmoins, si Yoru voulait lui rendre, le suédois n'y était pas fermé, bien au contraire. Il était simplement conscient que s'il y avait des initiatives à prendre, il était pour l'instant le seul à pouvoir le faire. Il espérait que les choses changeraient un peu, peut-être ; pourtant, l'innocence et l'ignorance du lapin paraissaient si grandes que ce serait un sacré travail. D'un autre côté, s'il était amusant de partager ses idées avec quelqu'un d'aussi actif, l'instruire promettait d'être particulièrement distrayant. Tout en réfléchissant à une manière ludique de faire cela, l'adolescent constata la langue toujours tirée de l'albinos. Puisqu'il me tente. Je vais pas me faire prier.
« Tu devrais respirer par le nez... » fit encore Kåre, avec un certain sérieux.
Adoptant la même position buccale, il colla chaleureusement sa langue à celle tirée, dans toute sa longueur. Il ferma les yeux. Sans trop savoir ce qu'il faisait encore, il commença à enrouler son appendice autour, formant un U, puis décrivant une boucle. Il finit par l'attaquer par sa face du bas, la poussant à se relever, et pénétrant ainsi sa bouche d'une manière un peu saugrenue. Le suédois avait beau se poser en mentor, il n'en était pas moins lui-même en pleine phase de découverte. Son hésitation ne se sentait cependant pas vraiment. Ses mains retrouvèrent leur position, mais se firent plus fermes, pressant les deux visages l'un contre l'autre. Se sentant gêné par les reliefs des nez, il inclina légèrement la tête, de façon instinctive.
Il savourait le moment, et comptait bien, cette fois, ne pas être interrompu par un éventuel manque d'air. Lui-même aurait préféré étouffer un peu plutôt que de s'arrêter maintenant. Avec passion, il attrapa la lèvre inférieure de Yoru entre les siennes. Il la garda dans l'étau un instant, la tirant un peu, l'humectant de sa propre salive. Un frisson le parcourut lorsqu'il sentit celle de Yoru, à l'intérieur même de sa bouche. C'est un peu dégueux, mais j'aime bien... pensa-t-il, amusé. Du bout de la langue, il passa sur la rangée supérieure des dents, et se rendit compte que les incisives du terranide étaient un peu plus développées que la moyenne. J'aurais du m'y attendre, il l'a dit. C'est un lapin. Le contact dur de l'émail étant assez peu sensuel, il revint sur l'organe mouvant et mouillé. Il tenta de se rappeler comment faisaient les acteurs dans les films, mais réalisa qu'il était assez rare que l'on voit leurs mouvements dans le détail, et ne fut pas plus avancé.
Kåre laissa faire son instinct. Dans le même temps, il commença à trouver la position peu appropriée, et fit basculer son partenaire. Faisant peser son poids sur lui, ce qui n'était en réalité pas grand-chose, il le poussa à quitter la posture assise. Suivant son mouvement, il finit allongé sur lui, l'écrasant un peu sur le sofa. De cette manière, leurs poitrines jointes, il pouvait ressentir pleinement la présence rassurante du terranide. Sans cesser le tournoiement des langues, la main qui avait jusqu'ici appuyé sur la nuque, rendue inutile, changea de place. Doucement, elle descendit pour toucher la jupe, et sans prévenir, la fit légèrement remonter pour s’immiscer dessous. Les doigts frôlèrent la hanche de Yoru, sans s'approcher des zones pourtant les plus tentantes. Ils se contentèrent de continuer leur escalade sensuelle sur le côté de l'albinos, dérangeant le tissu tendu et qui laissait peu d'espace. Ils n’arrêtèrent leur progression qu'arrivés bien plus haut. L'adolescent s'autorisa à rompre le contact labial, pour chuchoter :
« Par contre moi, je t'aime beaucoup, Yoru. »
Le bras entier sous la robe, le garçon apprécia de l'index le relief de chacune des côtes de l'albinos, perceptibles sous la peau... et furtivement, juste pour le plaisir de la transgression, taquina le sommet d'un téton, laissant son doigt, appuyé, le titiller de haut en bas. Il reprit un baiser, moins profond, plus court, plus léger, plus mutin que réellement sensuel.