Dans son bureau, Pamela attendait donc. Hors-de-question d’aller observer la manière dont ses planes étaient en train d’évoluer, que ce soit dans son petit laboratoire, dans l’arrière-salle de sa salle de cours, ou dans les profondeurs du lycée, dans son antre. Elle espérait que ce rendez-vous ne serait toutefois pas trop long, car elle devrait quand même vérifier si
Seika était toujours en vie. Elle était dans la plante depuis maintenant trois jours. À chaque fois, les périodes s’allongeaient de plus en plus, Seika étant de plus en plus résistante. La belle lycéenne était une nymphomane qu’Ivy avait réussi à obtenir en contrepartie pour son silence, suite à un cours qui avait dégénéré en gigantesque orgie lycéenne*, stimulée par l’une de ses plantes, ses aphrodisiaques... Et une sorte de club sexuel secret, Le Cercle. Seika était une membre du Cercle que la responsable du Cercle avait affecté aux services de Pamela, afin d’éviter que Pamela ne parle d’elles... Ce que Pamela, de toute manière, n’envisageait nullement de faire. Seika était une talentueuse lycéenne, motivée, énergique, et pleine d’une sorte d’amour immense et profond pour la nature et les plantes vertes. Sa cyprine servait à alimenter ses plantes, à les nourrir, et elle était ainsi enfermée dans une plante, nourrie par intraveineuse, pénétrée à longueur de journée. Un sexe total, aliénateur, qui pouvait la tuer, si on ne faisait pas attention.
Cependant, d’un autre côté, la possibilité de se lancer dans la vie politique... Ce n’était pas spécialement discret, mais, à sa manière, Pamela avait toujours essayé de changer les choses, de faire en sorte que les gens prennent conscience du fait que la Nature leur était supérieure, qu’ils n’étaient pas les maîtres du monde, mais simplement l’enfant le plus talentueux, si talentueux qu’il en était devenu irrespectueux, et se prenait pour ce qu’il n’était pas. Sans cesse, les catastrophes naturelles rappelaient aux hommes à quel point ils étaient insignifiants face à la colère de la Terre, et, au-delà de ça, ils dépendaient tout simplement de la Terre pour survivre. Pamela était donc passablement excitée à l’idée de travailler avec cet homme, ce Jun Ishimura. Elle s’était renseignée sur lui.
Il était membre de la Diète, et perçu comme une pointure par ses collègues. C’était un diplômé de l’université de Tokyo, un spécialiste en sciences économiques, sociales, et politiques. Un homme au dossier parfait, sans aucune faille. Aucun scandale avec une quelconque maîtresse, ni avec une secrétaire, une étudiante... Il briguait un double mandat en essayant d’obtenir les élections municipales de Seikusu. Un dossier brillant. Ivy le soupçonnait d’être un homme ambitieux. Elle espérait juste que son ambition ne masquait pas une sorte d’arrivisme politique. Tout était parfait chez lui,
trop parfait. Pour une femme venant de Gotham, une telle perfection ne pouvait exister en politique. Ce Jun avait sûrement un défaut. Elle savait qu’il cherchait probablement à avoir une base électorale solide à Seikusu. C’était une ville assez petite par rapport aux grandes communes japonaises, mais elle était assez influente. Proche de Kyoto, Seikusu était un grand port, et, outre ça, l’une des villes accueillant le plus d’immigrés de l’Archipel japonais. Seikusu ne manquait pas d’arguments... Connus comme officieux.
*
Suis-je prête à me lancer dans une carrière politique ? Je sais que j’en ai les épaules, mais j’ai un passé assez lourd... Les journalistes trouveraient sans difficulté que la gaijin que je suis est une reprise de justice.*
Au Japon, comme ailleurs, c’était le genre de choses qui faisaient tâche. Quand Ishimura-san avait abordé Pamela, cette dernière avait été relativement honnête. Elle lui avait dit être une militante active, passionnée, convaincue que l’Homme courait à la ruine, et qu’elle avait fait de la prison pour ses engagements politiques. En un sens, ce n’était pas faux. Elle préférait occulter le fait qu’elle avait empoisonné quantité de gens, dont ses psychiatres, le Procureur, un asile entier...
Elle réfléchissait encore quand elle entendit des bruits de pas se rapprocher de son bureau. On toussa à la porte, et elle vit un homme s’approcher, similaire aux clichés et aux films qu’elle avait vus. Pamela se leva en voyant Jun Ishimura entrer dans son bureau.
«
Bonjour, Excusez-moi, je cherche Mademoiselle Ivy, Pamela Ivy. J'ai rendez vous avec elle. Mais serait ce vous ? »
Pamela lui sourit. Ses phéromones se répandaient naturellement, et elle tendit sa main, recouverte d’un gant vert. L’homme était habillée de manière détendue : un jean, notamment. Il voulait la mettre en confiance.
«
En effet... Mais c’est Isley, le reprit-elle rapidement.
Vous pouvez m’appeler Pamela, Monsieur Ishimura. »
Elle s’écarta un peu, et lui proposa de s’asseoir. L’homme dégageait indéniablement un certain charisme. C’était bien un politicien, mais il ne ressemblait pas à un requin. Pamela retourna s’asseoir derrière son bureau.
«
Je vous proposerais bien un rafraîchissement, mais je n’ai malheureusement que de l’eau... Et le café est loin d’être excellent ici. »
Elle se fendit d’un léger sourire poli. Pamela portait toujours sa blouse de scientifique, dissimulant sa tunique verte. Elle cherchait comment aborder la conversation, et décida de commencer très simplement :
«
Je dois bien vous admettre que je ne pensais pas vraiment que vous iriez jusqu’à me rencontrer... Non pas que je dénigre mes propres qualités, mais je sais combien une élection politique peut être artificielle, et jouer sur les espérances. Or, je suis une femme, étrangère, de surcroît. Pardonnez ma curiosité, mais... Pourquoi avoir voulu vous tourner spécifiquement vers moi ? »
* : RP «
Un cours insoutenable »