«
Enfin j'imagine que vous êtes là pour me proposer de passer l'éponge sur ce qui s'est passé hier en échange de mes bons et loyaux services, pas vrai ? »
Lloyd hocha lentement la tête, répondant plutôt rapidement :
«
Pas exactement, en réalité. »
L’agent du SHIELD n’était pas nerveux. Il discutait avec quelqu’un qui pouvait le tuer en quelques secondes. Wolverine aurait tout à fait pu être menotté, ou bloqué sur le sol. Personne n’aurait trouvé la mesure excessive, au regard de l’agent que Wolverine avait agressé il y a quelques heures. Lloyd savait que l’homme pouvait le tuer s’il le voulait. Son calme ne venait pas de sa formation en tant qu’agent spécial, mais de l’époque où il servait dans le SWAT de Miami. L’homme ne ressemblait vraiment pas à un agent classique des services secrets. Il n’avait pas le teint pâle qu’on donnait aux agents en costume, mais un teint bronzé, héritage de sa mère, une immigrée clandestine qui avait rejoint la Californie depuis Ciudad Juarez.
Lloyd s’éclaircit lentement la gorge, avant de reprendre. Combien de fois avait-il du se lever à 3 heures du matin, voire ne pas dormir du tout, pour accomplir des opérations dans des endroits dangereux ? Il avait appris, sur le tas, à savoir lutter contre la fatigue. Ce n’était pas toujours facile, mais, au fur et à mesure, on finissait par se débrouiller.
«
Vous savez comment les choses fonctionnent, Monsieur Howlett. Peu importe vos états de service, vous pourriez avoir empêché une nouvelle guerre mondiale qu’il suffirait d’une petite bévue pour vous faire tomber. Le monde est une pute, et cette règle vaut pour tout le monde... Vous, moi, Rachel, Clinton, et j’en passe... »
Rachel restait silencieuse, derrière Lloyd, le dos bien droit, essayant de dissimuler son trouble.
«
Si je devais m’en tenir à la procédure stricte, vous finiriez dans l’une de nos Supermax, et Rachel passerait en conseil disciplinaire. Elle serait retirée de ce projet, et redeviendrait une vulgaire soldate dans un camp afghan, à récurer les latrines. Pour moi, ce serait du gaspillage de talents et de moyens. »
Lloyd cligna brièvement des yeux, laissant planer quelques secondes. Un Supermax était un terme d’usage pour désigner les prisons américaines de haute sécurité, comme Pelican Bay. Lloyd connaissait cette prison, car, à l’époque où il travaillait au sein du SHIELD, il avait envoyé certains tarés à Pelican Bay. La prison faisait couramment l’objet de polémiques et d’affaires judiciaires pour les mauvais traitements infligés à ses détenus. L’isolement des détenus était extrêmement lourd, et les gardes n’hésitaient pas à faire usage de la force pour maîtriser les détenus. C’était, en somme, la prison typique qu’on voyait dans les films.
L’agent reprit à nouveau, continuant ses explications :
«
Je vous demande tout simplement de considérer, quand on viendra vous demander votre version des faits et qu’on l’écrira, que Rachel ne figurerait pas dans la douche, qu’il n’y avait que Sandra. »
Lloyd lui expliqua sa version des faits. Truquer la réalité, c’était le métier du SHIELD. Un mal nécessaire, pour permettre l’ordre, et éviter que la panique ne se répande. Dans cette version des faits, Sandra avait aguiché Logan, les deux avaient commencé à s’envoyer en l’air dans les douches. Entendant du bruit, le capitaine Einsenmann s’était rué dans les douches, et Wolverine l’avait éventré, en pensant à une attaque. Paniqué, il avait envisagé de fuir.
«
Je ne suis pas votre avocat, précisa-t-il d’emblée,
mais c’est ce qui est le mieux pour tout le monde. La blessure de Jacob passera pour un accident de travail, et vous ne finirez pas dans les profondeurs d’une prison au Nouveau-Mexique. »
Le plan paraissait simple et efficace. Lloyd tenait à éviter que l’accident n’ait de fâcheuses conséquences. Qu’il estime Rachel digne de confiance faisait plaisir à cette dernière, même si elle se sentait toujours assez responsable de ce désastre. Mais, après tout, comme on avait coutume de le dire dans le monde du droit, l’écrit façonnait la vérité. Si les deux versions écrites contenaient la même chose, la hiérarchie ne chercherait pas loin. Ce n’était pas à un juge étatique de s’occuper de cette affaire, compte tenu de la complexité de la situation, mais à la propre hiérarchie du SHIELD, et, dans le pire des cas, à un tribunal militaire.
«
Ceci étant dit, je ne vous impose pas une collaboration avec nos services... Mais, pour avoir entendu parler de vous, je pense que vous êtes le genre de gars à ne pas aimer qu’on essaie de reproduire votre ADN. J’ai reçu cette nuit un dossier de la part de l’Héli-Carrier, qui, je le pense, devrait vous intéresser. »
Passant alors d’un sujet à un autre, Lloyd ouvrit l’attaché-case qu’il avait amené, et sortit une photographie. C’était une région que Wolverine devait connaître : il s’agissait de Génosha.
L’île se trouvait au large de l’Afrique, et avait été une sorte de paradis pour les mutants. L’ONU avait cédé la souveraineté de l’île à Charles Xavier et à Magneto afin d’y fonder une nation mutante. Forte de dizaines de millions d’âmes, Genosha avait accueilli quantité de mutants, avant que l’île ne soit ravagée par l’attaque des Sentinelles, provoquant ce que beaucoup de mutants appelaient un génocide. L’île avait été rasée, en ruines, et n’était plus que désolation.
«
Une équipe du SHIELD s’est rendue à Genosha, après que l’organisation ait entendu parler de rapports de pêcheurs et de garde-côtes, affirmant que des choses bizarres se passaient autour de cette île. Je n’ai pas encore obtenu le rapport complet de l’équipe, mais, quand vous avez attaqué l’appartement, avec Rachel, son armure a capturé quelques images défilant sur l’ordinateur. Il n’y a pas grand-chose à en retirer, mais nous avons identifié ceci... Un signe qui devrait vous rappeler quelque chose... »
Lloyd lui montra alors une image familière : le symbole de Genosha.
Lloyd le regarda à nouveau :
«
Tôt ou tard, vous l’auriez découvert... Il se passe quelque chose à Genosha, et ce quelque chose est lié à ces espèces de mutants. »