Une élève particulière [Satori Komeiji]

La tarée aux cheveux roses était, comme d’habitude, restée seule au sein de la classe. Ce n’était pas Mélinda qui l’appelait ainsi, bien sûr, mais les autres élèves, qui n’étaient jamais à court d’imagination quand il s’agissait d’humilier quelqu’un. Elle était « La muette », celle qui ne parlait jamais, car elle était cinglée. Il y avait toujours des lycéens pour se moquer d’elle, en douce, pour rigoler grassement en l’observant de loin, et pour y aller de leurs petits commentaires quand ils la voyaient avoir ses « crises », comme si elles parlaient avec des extraterrestres, ou étaient en transe spirituelle avec Dieu. Si elle avait eu la chance d’être laide, personne ne se serait intéressée plus que ça à elle, la rangeant dans la catégorie des boudins sans intérêt... Mais, après tout, si elle avait été laide, Mélinda n’aurait jamais cherché à aller la voir, n’est-ce pas ? Même en ayant senti, par le biais de ses petites narines, que Satori n’était pas totalement humaine, ce qui l’avait décidé à se déplacer en personne, à la suivre à la fin des heures de cours, en ayant attendu sa sortie, était le fait qu’elle était plutôt bien foutue, et que Mélinda, pour être entièrement honnête, était attirée par les choses belles. C’était un bon choix de mots : elle voyait tout à fait les humains comme des choses, comme sa propriété.

Mélinda était une vampire, ce qui revenait à dire qu’il lui était assez facile de la pister. Elle se promenait tranquillement, le long des toits, en se fiant au sang de cette jeune femme. Le plus difficile fut de la repérer au milieu de la marée des élèves se pressant comme des citrons à la sortie du lycée, mais, une fois qu’elle avait trouvé son hameçon, elle ne la lâchait pas. Discrètement, Mélinda était accompagnée de Bran, son adorable grand-frère protecteur, qui avait été formé pour être un véritable chasseur-vampire, là où Mélinda n’avait que ses facultés vampiriques de base pour se défendre. C’était généralement suffisant contre de simples lycéennes, mais le sang particulier de cette femme faisait que la vampire préférait prendre ses précautions.

Il faisait beau aujourd’hui, un joli soleil bleu avec quelques nuages blancs. Satori vivait à proximité du lycée, et n’eut donc pas à prendre le métro, ce qui rendit la traque encore plus facile. Mélinda aurait pu descendre se mêler aux autochtones, mais elle portait sa robe traditionnelle, une longue robe dorée avec des motifs verts. Sur Ashnard, on en admirait la sophistication et la simplicité, la manière dont cette robe incroyable embellissait la petite vampire. Sur Terre, on se gaussait de cette robe quand on la voyait dans la rue, en trouvant que la pauvre cloche  qui la portait, tout en ayant un beau cul et une belle petite bouche ayant tout juste les bonnes proportions pour recevoir votre queue, venait d’un autre siècle... Mais, en réalité, Mélinda n’avait-elle pas plusieurs siècles d’existence dans les pattes ?

Satori marchait, et Mélinda la suivait, attendant le moment où elle pourrait lui tomber dessus. Elle ignorait encore précisément ce qu’elle allait faire de cette petite... Sur le long terme, en tout cas. Sur le court terme, pour parler de manière poétique, il était probable qu’une épée allait prochainement rencontrer un joli fourreau. Il fallait qu’elle en sache plus sur elle, notamment sur sa nature et ses capacités. À partir de là, elle aviserait.

Comme elle vivait près du lycée, Satori vivait dans de petits appartements, ces appartements où les couloirs et les escaliers étaient à l’extérieur, formant une espèce de longue terrasse par étage. Des chambres typiques pour les étudiants, et, avec son grand lycée, et son université, Mishima était tout à fait une ville estudiantine. Ce fut là que Satori devait rencontrer Mélinda, pile devant la porte de son appartement. Mélinda la suivait alors en étant un étage au-dessus d’elle, et sauta à l’étage inférieur quand Satori atteignit le bon étage. Adossée contre le parapet, elle attendait que Satori se rapproche, en réfléchissant brièvement à son discours.

Lorsque Satori arriva, Mélinda la regarda en souriant :

« Coucou, Satori ! lâcha-t-elle avec un sourire éclatant, en remuant la tête pour faire bouger les cheveux. Tu vas bien ? »

Autant commencer par le plus classique, pour le moment.

Comme d'habitude, Satori s'est bien faite humilier, aujourd'hui. Elle a l'habitude, mais n'y prête que très peu d'attention, car après tout, les étudiants ne prennent même pas le temps de mieux la connaître et se contentent de ne voir que le reflet d'eux-même, des imbéciles sans coeur. D'ailleurs, un lycéen de sa classe a profiter de son silence pour tenter de lui faire des choses perverses, mais il a très vite juré de ne plus toucher à cette fille après qu'elle lui a jeté son regard vide de ses yeux grands ouverts, un regard de sadique sans la moindre pitié. Evidemment, ce n'était pas le regard de Satori, c'était son troisième oeil qui donnait l'illusion au lycéen, que c'était elle qui faisait ça, ainsi, il la laisse tranquille.

Jusqu'à la fin des cours, Satori n'a pas dit un mot, et personne encore aujourd'hui ne connait le son de la voix de cette jeune femme, dans ce lycée. Les voix que pouvaient entendre les étudiants, provenant de Satori, n'étaient qu'en faite des messages télépathiques qui résonnaient dans la tête de toute personne qui s'approche trop près de l'étudiante.

Sortant tranquillement de l'établissement, Satori se dirige vers chez elle, alors que son troisième oeil, toujours camouflé, la prévient par télépathie que quelqu'un la suit depuis peu. Elle ne dit rien et se contente de continuer sa route, faisant semblant de ne rien savoir. La jeune mentaliste ne met pas beaucoup de temps avant de rentrer chez elle, elle habite à coté du lycée, après tout. Une fois à l'intérieur, elle dépose son sac en soupirant, puis marche en direction de la personne qui l'espionne, comme-ci on l'appelait, on la forçait à avancer jusqu'à là. Son troisième oeil se trompe rarement, de ce fait, Satori va voir Mélinda de son propre chef, sans esquisser la moindre expression de surprise, sans même un petit sourire, car après tout, les étudiants du lycée ne l'aimaient pas du tout.

En réponse à ce que dit Mélinda, Satori se contente de la saluer de la main et de lui répondre d'un hochement de tête. Puis elle se retourne, et laisse son troisième oeil lancer la conversation, par télépathie, bien évidemment.

Cela fait déjà un petit moment que tu me suis. Que me veux-tu ?

Bien sur, la voix qui résonne dans la tête de Mélinda n'est pas celle de Satori, c'est une voix neutre, ni trop grave, ni trop aigüe, qui ne permet pas de savoir s'il s'agit d'une voix d'homme ou de femme.

La réaction de Satori en la voyant étonna Mélinda, confirmant, non seulement que cette fille était assez lunée, mais qu’elle avait manifestement remarqué qu’elle était suivie... Ce qui était relativement impossible, à moins d’avoir des pouvoirs magiques. Mélinda savait comment se faire discrète, aussi bizarre que cela puisse paraître, quand on connaissait son tempérament de feu. Le fait que Satori n’exprime aucune surprise troubla donc Mélinda, qui cligna des yeux en la voyant l’ignorer totalement en rentrant chez elle. Un joli vent, qui laissa Mélinda plus surprise que réellement irritée.

*Elle... Elle ne m’a pas vu ou quoi ? Depuis quand est-ce que les gens m’ignorent ?!*

Mélinda se trouvait devant la porte, le rouge lui montant aux joues sous l’effet de la colère. Cette fille était-elle vraiment toquée, comme les autres le pensaient ? Elle ne lui avait même pas accordé un regard en entrant chez elle ! Mélinda était sur le point de frapper à la porte, voire même de l’enfoncer, quand Satori l’ouvrit devant elle, et se planta devant elle. Des yeux totalement inexpressifs, qui firent reculer Mélinda. Est-ce qu’elle était dépressive ? Elle la regarda, et un court silence s’installa entre elles.

« Euh... Yo ? » tenta encore Mélinda, d’une voix un peu moins assurée.

Satori lui répondit en la saluant de la main, et la vampire pencha la tête sur le côté. Elle n’était pas vraiment habituée, quand elle chassait des filles, à une réaction aussi... Barrée. Quelque chose lui disait qu’il n’y avait pas le sang de cette femme qui était bizarre. Sans répondre, sans même parler, confirmant son statut de muette, elle lui montra son dos, et une voix résonna dans la tête de Mélinda, froide et neutre.

*Cela fait déjà un petit moment que tu me suis. Que me veux-tu ?*

Sous l’effet de la surprise, le premier réflexe de Mélinda fut évidemment de regarder autour d’elle, comme pour identifier la voix. Cependant, ses sens sanguins ne détectaient rien de plus que Satori, et elle comprit donc que cette dernière devait avoir des capacités psychiques... Ce qui expliquait pourquoi elle l’avait trouvé. Il ne fallait pas oublier que Mélinda venait de Terra. La magie était donc un élément avec lequel elle traitait, ce qui expliqua pourquoi sa surprise fut de courte durée.

« Je voulais me renseigner sur toi, Satori..., glissa Mélinda rapidement. Tout le monde te traite de cinglée, d’asociale, de psychopathe... Je me suis dit que ça cachait quelque chose. Je t’ai suivi, c’est vrai, car je voulais en savoir plus sur toi... Et il semblerait que tu aies quelques petits tours secrets, pas vrai ? »

Croiser des mutants était assez fréquent à Seikusu, même s’ils restaient encore très minoritaires.

« Je ne te veux aucun mal, ma belle... Simplement me renseigner sur toi... En toute amitié. »

Dans un certain sens, ce n’était pas faux.

Encore une fois, la réputation de Satori est bien fondée, elle est prise pour une malade mentale, ce qu'elle n'est pas vraiment, en vérité. Il est clair que personne n'a vraiment prit le temps de vraiment la connaitre, et que tout le monde se focalise sur le coté "psychopathe" de Satori. Ainsi, elle passe pour la méchante et n'est intéressée de personne, sauf peut-être cette fois, où quelqu'un l'attend directement chez elle pour lui parler. Malgré qu'elle soit toujours silencieuse, Satori ne peut s'empêcher de hausser les épaules lorsqu'elle entend les commentaires de Mélinda sur sa personne.

Puisque je suis une cinglée, une malade mentale...Pourquoi veux-tu me parler et ne cherches-tu pas à me fuir ? Une personne normale aurait déjà eu peur d'un message télépathique. J'en déduit que toi non plus, tu n'es pas une personne normale, tu ne dois même pas être humaine.

Elle dit tout cela sans montrer le moindre signe d'irritation, car après tout, c'est juste un message télépathique, et le troisième oeil ne fait que parler à la place de Satori, il n'exprime pas ses sentiments. Mais alors que Satori entend Mélinda parler de ses pouvoirs, c'est là qu'elle se met à soupirer de colère, bien qu'ayant toujours le dos tourné à Mélinda.

Je comprends mieux. C'est pour mes pouvoirs, que tu es là...Tu perds ton temps, je n'ai rien à donner, dans le monde des humains.

Puis elle avance vers sa chambre, jusqu'à entendre une autre phrase sortir de la bouche de Mélinda.

En toute amitié ? Est-ce que quelqu'un de sensé entrerait par effraction chez son amie ? Je peux porter plainte, pour ça.

Puis elle va dans sa chambre et va s'allonger dans son lit deux places, soupirant d'aise, mains derrière la tête et jambes croisées, une pose plutôt sexy et donc pas désagréable à regarder.

Cette mignonne petite avait un esprit de déduction assez affiné. Même pas humaine... Avait-elle deviné que Mélinda était une vampire ? Un tel scénario semblait assez peu probable, mais personne n’était jamais à l’abri d’une quelconque surprise. La vampire ne disait rien, tout en regardant la femme. Elle était bizarre, c’était le moins qu’on puisse dire, et semblait préférer parler mentalement qu’en utilisant sa bouche. Mélinda ne disait rien, sur le coup, mais elle connaissait des moyens de la faire hurler. Oh ça oui ! Et, à la voir se retourner, en lui montrant ses belles petites fesses, il fallait bien admettre que l’appel était plutôt tentant. Mélinda restait sur le palier de la porte, tout en voyant Satori retourner chez elle, laissant Mélinda plantée devant. Interprétant cela comme une invitation à entrer, la vampire entra.

Contrairement à la croyance populaire, aucune force quelconque empêchait un vampire d’entrer dans le domicile de quelqu’un sans l’autorisation de son propriétaire. Une telle croyance était complètement idiote. Dans la mesure où la plupart des maisons et des propriétés avaient été bâties sur des terrains volés, échangés, modifiés, remodelés, ils ne constituaient que des planches de bois et des morceaux de tuiles et de canalisations. Mélinda entra donc, et vit Satori s’allonger sur le lit, en écartant les jambes... Une position très sensuelle, même si le fait qu’elle reste muette dérangeait légèrement Mélinda, qui n’était pas spécialement habituée à ce type de réactions.

*En toute amitié ? Est-ce que quelqu'un de sensé entrerait par effraction chez son amie ? Je peux porter plainte, pour ça.*

Un léger sourire éclaira les lèvres de Mélinda.

« Plainte ? Au nom de quoi ? Je ne suis pas entrée par effraction, je ne t’ai pas menacé, tu m’as laissé rentrer... Et puis, je t’en prie... Nous ne sommes pas des femmes qui ont peur du sifflet d’un policier. »

Elle s’avançait dans le salon, regardant le décor. Il n’y avait pas grand-chose à en dire : c’était l’ambiance typique d’un studio d’étude, petit, invivable pour elle, qui préférait vivre, à tout point de vue, dans son grand manoir. Mains croisées dans le dos, elle se rapprochait lentement du lit. C’était une femme vraiment très agréable à voir, plutôt bien foutue. Se plaquant contre le rebord du lit, Mélinda descendit ses mains, les décroisant, afin de caresser le bout des jambes de la femme, à hauteur de ses pieds.

« Et il n’y a pas que tes pouvoirs qui m’intéressent... Je dirais même qu’ils sont très accessoires, en réalité... Sans vouloir t’offenser, bien sûr. »

Mélinda lui sourit, et penchait légèrement son corps vers le sien, faisant tendrement remonter ses mains le long de ses bas, glissant sur la texture fine, tandis que son visage, lentement, se rapprochait du sien. Les genoux de Mélinda finirent par se poser sur le rebord du lit. Son désir était de réveiller Satori, de la sortir de cette espèce de torpeur.

« Je ne suis pas venue pour me moquer de toi, renchérit Mélinda, poursuivant ses explications. Je trouve même que ce genre de comportement est exécrable. Mes intentions ne sont nullement de t’humilier, Satori, ni de te prendre en pitié... Simplement de te connaître, et de me persuader que, derrière cette couche d’inertie, bat le cœur d’une petite femme... »

Elle débitait les premières conneries qui lui venaient à la tête pour se rapprocher d’elle... Même si, dans le fond, il y avait du vrai dans ce qu’elle disait. Sans réaction de Satori, Mélinda allait très certainement l’embrasser dans les dix prochaines secondes.