On pouvait dire tout ce qu’on voulait sur les Amazones, on pouvait globalement s’accorder à dire qu’elles n’étaient point des femmes très romantiques. Elles avaient plutôt, malgré leurs corps magnifiques, le profil de garçons manqués, et ce même si dire à une Amazone qu’elle était un « garçon manqué » équivaudrait sûrement à recevoir un coup d’épée dans le sternum. Elles étaient des guerrières accomplies, femmes d’exception, des tueuses nées, qui s’entraînaient à se battre dès leur plus jeune âge. Pour autant, les sentiments pouvaient naître au fil de l’épée, et c’est ce qui était arrivée pour Acté et pour Persée. Acté, elle, se rappelait encore de leur premier baiser, alors qu’elles étaient parties chasser, dans la forêt, du cerf pour nourrir la tribu. Elles s’étaient éloignées de la Horde, longeant des rivières, sur la piste de la bête, puis avaient fini par s’embrasser. Un baiser qui n’avait pas été une erreur de parcours, mais le début de multiples autres baisers. Avant même qu’Acté n’accomplisse son pèlerinage, et ne devienne une Amazone à part entière, et ne soit donc pourvue d’un appendice supplémentaire entre les jambes, elles se faisaient déjà l’amour. Acté avait toujours adoré s’entraîner avec Persée, et Andromaque, elle, vouait pour cela une profonde affection à Acté. La Reine, en effet, savait que, malgré le sentiment collectif très fort, la solitude était tout autant forte chez les Amazones. Or, Persée, au moins dans ses premières années, avait été rejetée, car ses sœurs ne savaient pas très bien si elle était bénie, ou maudite. Si Acté n’avait pas été la seule à s’approcher d’elle, pour la Reine, il était indéniable que c’était elle qui avait permis à Persée de se rapprocher de la Horde, et de véritablement se considérer comme une sœur, et non comme une sorte de pestiférée, étrange et bizarre. Acté, tout simplement, avait toujours eu un esprit de meneuse, de commandante. Elle était terriblement douée à l’épée, mais elle savait aussi donner des ordres, et bénéficiait d’un sens de la camaraderie et du leadership très poussés.
C’était pour cela qu’Andromaque couchait aussi régulièrement avec elle, et qu’elle en avait profité pour, par le biais d’Acté, se renseigner sur Persée. Et c’était comme ça qu’Andromaque avait appris que Persée se sociabilisait, et qu’elle avait progressivement été admise comme une élue, d’où son pèlerinage particulièrement long. Une initiation qui avait duré plusieurs années, et pendant lesquelles Acté guettait fébrilement chaque corbeau et chaque messager amenant des nouvelles d’elle. Maintenant, Persée était là, enfin là, et c’était donc en toute logique que les deux femmes s’étaient joyeusement et fermement embrassées, Acté ayant fourré, sans hésitation, sa langue dans la bouche de sa consœur.
Et ce fut avec surprise qu’elle vit ensuite Persée se blottir un peu contre elle, en lui expliquant, pour commencer, que coucher avec Andromaque et Sélène n’était rien par rapport au fait de faire l’amour avec Acté. De tels propos ne manquèrent pas de faire rougir les joues d’Acté, rougissement légèrement visible sous le masque qui recouvrait ses yeux et le haut de son visage. Et, ensuite, elle acheva Acté en lui glissant qu’elle l’aimait... D’un amour sincère et honnête, supérieur à l’amour fraternel entre deux sœurs.
*L’amour...*
Légèrement entrouvertes suite à cette révélation, les lèvres d’Acté, belles et vibrantes, tremblaient sur place, comme pour se laisser le temps d’accuser ce que Persée venait de lui confier. Elle l’aimait... Oui, elle l’aimait, cela, en réalité, en faisait maintenant guère de doute.
« Oh, Persée... »
Elle lui sourit ensuite, et l’embrassa sur le coin des lèvres.
« Ces quelques années loin de toi ont été une épreuve, pour moi... Bien sûr, je pouvais revoir mes sœurs, mais, sans toi, la Horde m’a toujours semblé étrangement... Vide. J’ai appris qu’il existe un proverbe qui dit que, plus la personne aimée est loin de soi, et plus les sentiments qu’on ressent pour elle se délitent... Mais moi, ton absence m’a cruellement montré à quel point j’étais vire de ta présence. J’ai même été consultée les Chamanes pour comprendre mon affliction, et, en me souriant, Calypso m’a confié que le mal dont je souffre ne peut être guéri par aucune potion, ni élixir... Que c’est un ensorcèlement magique, mais d’une magie qui dépasse la magie elle-même. »
L’amour, une force redoutable... Elle avait appris que les sentiments étaient très liés à la magie, et que, parmi tout le panel de sentiments qu’un être humain pouvait ressentir, il n’en était de plus fort et de plus terrible que le sentiment amoureux, capable de changer même le plus obtus des êtres. Et Acté, dans ce domaine, était obtuse. Elle était une femme avec un cœur de pierre, qui n’hésitait pas à forcer, sexuellement, les femmes qu’elle trouvait, en sachant qu’elles aimeraient cela par la suite. Elle n’hésitait pas à tuer et à torturer, et, pourtant, malgré ce pedigree, elle était sûre d’une chose...
« Je veux t’offrir une fille, Persée... Et je veux que tu m’offres une fille... Car je suis désormais sûre d’une chose, c’est que je t’ai toujours aimé, moi aussi... »
Et, très naturellement, la femme alla sceller cet aveu par un magnifique baiser.