Leur mission était de protéger les cultures de ces petits gnomes acides. Or, si ces derniers fuyaient un plus gros monstre, il fallait tuer ce monstre, pour que les créatures retournent tranquillement dans leurs profondeurs. Il y avait donc un lien à faire, et une bête à chasser. Cahir, en tant que bon gentleman, laissa à Viviane le soin de se faire son propre avis. Cette femme était aussi belle qu’insupportable, comme on imaginait l’être n’importe quelle femme versée dans la culture tekhane. D’un point de vue vestimentaire, Viviane n’avait cependant pas la combinaison moulante en latex des Tekhanes, mais elle semblait partager leur avis sur les faiblesses masculins. C’était un point de vue avec lequel Cahir était habitué, à force de l’avoir rencontré. Pour autant, Cahir ne s’en formalisait pas outre mesure. Contrairement à Nexus, à Ashnard, il n’y avait pas vraiment de sexisme entre les hommes et les femmes. L’Empire était versé en grande partie dans la culture démoniaque, et, dans cette culture (pour autant qu’on puisse parler de « culture » chez les démons), les femmes n’étaient pas dénigrées pour leur sexe. Au moins, Cahir pouvait se consoler en se disant que cette femme était très belle. Une singulière beauté ashnardienne, en réalité.
Viviane hésitait sur les suites à donner, mais finit par rejoindre l’opinion de Cahir, en lui disant qu’il fallait continuer à explorer la grotte. L’apatride hocha la tête silencieusement, acquiesçant à la remarque de Viviane.
«
J’en pense la même chose. De toute manière, sortir ne nous avancera à rien. Si on veut empêcher la prolifération des Morva’ch, il faut s’attaquer à la source. »
De l’acide et des poils... C’était mince, mais il fallait dire qu’il y avait très peu de poils, et qu’ils avaient l’air... Plutôt durs. Difficiles à plier, en tout cas. Ce n’était pas grand-chose, effectivement, mais l’apatride pouvait déjà envisager, dans sa tête, quelques hypothèses. Il descendit ensuite, s’aventurant dans les profondeurs de la grotte, en suivant une caverne sinueuse qui filait. Sa tête longea quelques stalactites, et plusieurs petits cailloux s’effritèrent sous ses chaussures. Prudent et méfiant, il avançait devant, Viviane derrière lui, faisant attention à tout ce qu’il pouvait entendre, imposant ainsi le silence dans le duo.
L’homme avait vu de quoi cette femme était capable. Une redoutable guerrière, dont le style, étrangement, lui rappelait un peu le sien. C’était fou, mais, alors qu’il était sûr de ne l’avoir encore jamais vu, Cahir avait le sentiment qu’elle lui rappelait quelqu’un. Une impression vraiment troublante, qu’il s’efforça de retenir, afin de se concentrer sur la situation actuelle. Il commença alors à percevoir une odeur assez repoussante, et à entendre... Des bruits de pas assez profonds. Cahir se retourna brièvement vers Viviane, et vit qu’elle les avait aussi entendu, puis s’avança plus prudemment. La pente devenait de plus en plus ardue, avec un dénivelé qui s’accroissait... Et Cahir heurta soudain un rocher qui s’enfonça, en provoquant un cliquetis.
«
Que... ? »
Il réalisa rapidement de quoi il s’agissait, et se retourna vers Viviane.
«
Une mine ! »
La mine se situait derrière eux, et provoqua une violente explosion, qui entraîna un effondrement de la grotte. Le sol devint instable, et Cahir ne put rien faire d’autre que glisser, et atterrit en contrebas, roulant dans une sorte de grande caverne, rapidement rejoint par Viviane, ainsi que par des débris et des morceaux de pierre. Il se releva rapidement, hébété, peinant à comprendre comment une mine pouvait se trouver là, dans un environnement qui, a priori, était totalement sauvage.
«
Qu’est-ce que c’est que ce bordel... ?! »
Cahir entendit alors des bruits de pas, et vit des créatures émerger depuis des trous dans les murs. Elles étaient massives, avec quelques rares poils rouges le long de leurs pattes. Des êtres ressemblant vaguement à des araignées, mais que Cahir reconnut. Grosses, comprenant quatre pattes, une gueule énorme aux dents acides et à la salive toxique, les
kikimorrhes étaient des monstres redoutables. Difficile d’expliquer comment des monstres aimant les zones humides et forestières pouvaient se retrouver dans un désert, mais elles étaient bien là.
L’apatride se redressa donc en saisissant son épée, prêt à en découdre avec ces atrocités. Il ne s’agissait, fort heureusement, que de kikimorrhes ouvrières, plus petites et moins redoutables que leurs homologues, les guerrières...