Que Cahir se retrouve à Tekhos était probablement une autre illustration de sa déchéance sociale.
Sa route l’avait initialement amené à Nexus, la cité-État adverse. Il y avait rencontré plusieurs personnes, essentiellement des corrompus, des fous dangereux, ainsi qu’une espèce de voleuse-vagabonde qui avait entrepris de le voler, avant de se raviser, et de lui faire un serment qui l’avait surpris*. Cahir n’avait toutefois pas pu rester à Nexus, une ville bien trop dangereuse pour lui, et était parti sur un navire en partance vers Tekhos Metropolis. Un navire marchand, où il avait appris que, contrairement aux idées reçues, les Tekhanes recevaient beaucoup d’aventuriers, et proposaient des contrats. Tekhos Metropolis était établie le long de la mer, certes, mais elle était à l’entrée d’un grand désert menant aux Badlands, une sorte de zone désertique frontalière entre l’Empire d’Ashnard et Tekhos. Un endroit dangereux, rempli de trafiquants, de bunkers militaires abandonnés datant de la période où les Tekhanes craignaient une invasion ashnardienne, et où la loi avait du mal à s’appliquer.
Le désert fourmillait de monstres, qu’il s’agisse de créatures naturelles, ou de Formiens. On y envoyait donc des aventuriers, les patrouilles tekhanes ayant d’autres préoccupations. Compte tenu du fort sexisme ambiant dans Tekhos, les guildes avaient leurs comptoirs à la périphérie de la ville, loin des gratte-ciel, à l’entrée du désert. La traversée se passa sans aucun problème particulier pour l’aventurier. Son tour du monde était ironiquement en train de le rapprocher d’Ashnard, par les Tekhanes. Il connaissait Tekhos, de réputation. Les Tekhanes suivaient un principe de neutralité leur interdisant formellement de participer à la guerre entre Nexus et Ashnard, l’une des conséquences directes de ce principe étant l’interdiction formelle de fournir des armes aux belligérants. Bien sûr, il existait un fort marché noir, qui faisait qu’on trouvait volontiers des armes à feu à Nexus, mais les contrebandiers risquaient gros. Et, surtout, il y avait la Fourmilière, les Formiens. Des hordes invincibles de monstres qui ébranlaient constamment l’armée tekhane, contraignant cette dernière à concentrer toutes ses forces autour de la Fourmilière, cherchant vainement un moyen de la détruire.
Cahir y avait réfléchi pendant la traversée. Son voyage à Nexus l’avait vidé de ses liquidités, mais il ne se voyait pas rester à Tekhos. Il était un homme, qui plus est un étranger. Il n’avait aucune chance. Cependant, il pouvait récupérer un peu d’argent auprès des guildes, et reprendre un navire pour aller ailleurs. Sur place, il s’était renseigné auprès des bornes informatiques. Il avait du mal avec toutes ces technologies, se sentant comme un étranger venu d’un autre monde, avec ses vêtements hirsutes et anachroniques. Les voitures infernales avec leurs bruits pétaradants et leurs vrombissements lui faisaient penser à des démons mécaniques infernaux. Les immenses gratte-ciel qui trônaient dans le ciel de Tekhos Metropolis faisaient passer l’impérial Palais ashnardien pour une grange de bas-étage, et l’air était nocif. Les forges et les usines tekhanes étaient des monstres infernaux, leurs cheminées semblant vomir les déchets de l’Enfer dans le ciel.
*
Vivement que je parte d’ici...*
Cahir avait rejoint l’équivalent tekhan de l’auberge : une cantina. Dans ce quartier défavorisé, il y avait essentiellement des ouvriers, qui étaient majoritairement des hommes. On lui indiqua bientôt l’adresse d’une guilde qui traquait les monstres, la Guilde des Marchands. Cahir s’y rendit donc. C’était un beau bâtiment, avec un accueil assez curieux : une sorte d’hôtesse, des écrans lumineux. Il indiqua être là pour la prime consistant à chasser les monstres, et l’hôtesse lui demanda de patienter un moment, jetant un regard assez curieux sur lui. Cahir resta donc sur place, et apprit que la Guilde des Marchands avait reçu une agrégation administrative, ce qui en faisait une guilde agréée, soit, concrètement, une guilde capable d’effectuer des missions au nom de l’intérêt public. La responsable de la guilde s’appelait Jolanne Gazdin, et ce fut à cet instant que l’hôtesse revint.
«
Je vous en prie, Monsieur, Madame Gazdin est prête à vous recevoir. -
Merci. »
Au moins, on ne le repoussait pas. Cahir s’avança donc, son manteau noir dissimulant son armure, qui aurait vraiment fait tâche dans un tel décor. Il s’avança dans un couloir, puis pénétra dans une pièce avec des plantes vertes, de grandes baies vitrées, des blasons et des boucliers, faisant office de décoration. On la conduisit vers une porte au fond de la pièce. Cahir passa et pénétra dans un bureau, où il y avait, outre Jolanne Gazdin, une autre femme, une guerrière, plutôt bien roulée.
«
Vous êtes... ? demanda-t-elle rapidement.
-
Cahir, répliqua ce dernier.
J’arrive de Nexus, et je suis intéressé par une prime. »
Le ton de cette femme était abrupt, mais il était un homme, alors il supposait que c’était normal. Jolanne Gazdin hocha la tête, en fronçant les sourcils.
«
Bien. La mission est en réalité fort simple, mais je manque de personnel en ce moment, ce qui explique pourquoi j’ai du faire appel à des externes. »
Cahir croisa les bras, sentant le regard de l’autre guerrière meurtrier, comme si elle voulait le tuer.
*
J’ai toujours eu la cote avec les femmes...*
Gazdin poursuivit :
«
Le responsable d’une station-service à quelques kilomètres d’ici a signalé la présence d’animaux sauvages venant rôder près de son dépôt, ce qui empêche les routiers et les voyageurs de s’approvisionner en carburant dans cette station. J’ignore en détail de quel monstre il s’agit, mais il y a probablement un nid à détruire. C’est dans vos compétences ? -
Vous versez combien ? » répondit rapidement Cahir.
Jolanne sourit légèrement :
«
Mille crédits, convertissable dans l’une des monnaies reconnues par la Bourse tekhane, selon les taux de change en vigueur. »
Cahir hocha la tête. C’était une belle somme.
«
Si vous êtes plusieurs à réaliser la quête, leur annonça Jolanne,
la prime sera partagée entre vous. »
* Cf. RP «
Ça t’ennuie si je t’emprunte ça ? ».