Shani avait l’estomac tout retourné. C’était une mauvaise blague, c’est ça ? Un sinistre cauchemar. Cette folle l’avait électrocuté ! Elle ne se sentait vraiment pas bien, et avait une sourde envie de pleurer, mais rien ne ressortait, si ce n’est ses tripes, qu’elle avait craché sur le sol. Pâle, un teint cadavérique, elle ne pouvait rien faire contre la Duchesse, se sentant aussi inerte qu’une poupée. Elle voulait repousser cette salope, lui foutre ses électrodes dans le cul, mais elle était vidée, ayant étrangement froid, tout en frissonnant, des spasmes musculaires nerveux la traversant. Elle se retrouva sur un fauteuil, et sentit la Duchesse l’amener. La lumière du couloir l’agressait, et Shani secoua la tête. Non, elle ne voulait pas... Elle cherchait à s’enfuir, mais, à chaque fois que son corps semblait remuée, la Duchesse la ramenait contre le fauteuil. Avait-elle parlé d’un sous-sol ? Shani imagina un musée des horreurs, et ferma les yeux. La lumière l’agressait, alors qu’elle voyait un ascenseur... Elle se mit à prier qu’il s’ouvre, qu’il tombe sur un vigile. Il verrait son état, et il sortirait son arme à feu. Elle pria si fort qu’elle crut même voir la porte s’ouvrir... Mais il n’y avait rien, et elle se retrouva à l’intérieur, tandis que l’ascenseur filait.
Il n’alla pas bien loin, et s’arrêta un étage en-dessous, s’ouvrant sur une infirmière, qui écarquilla les yeux de stupeur en les voyant.
«
Mais qu’est-ce que... ?! »
Janet était une belle infirmière qui avait tout à fait conscience de sa beauté. Elle avait toujours voulu faire infirmière, comme toutes les petites filles. Ce souhait avait évolué en grandissant. Initialement, elle avait voulu faire docteur, mais, n’ayant pas reçu les difficiles études, elle avait préféré se reconvertir en infirmière. Aujourd’hui, elle avait eu son diplôme depuis six mois, et avait réussi à atterrir à Seikusu, non sans un certain soulagement. Étudiante étrangère, métisse, elle avait rejoint le Japon suite au divorce de ses parents, un père américain, et une mère japonaise. Elle avait été élevée par sa mère, qui s’était depuis lors remariée avec un policier, Koda. Les deux vivaient à Tokyo, et Janet était une grande travailleuse... Mais également une grande fêtarde, et, depuis qu’elle était devenue une infirmière, elle ne se gênait pas. Dans son bel appartement de Seikusu, elle s’était laissée aller, et avait un petit copain.
Et elle était enceinte depuis moins d’une semaine. Ceci suffisait à la combler de bonheur, et les projets de Janet étaient d’obtenir des aménagements de travail auprès de son supérieur, ce qui ne serait pas très facile, car ce type était un vieux vicelard. Et Janet, avec ses jolis cheveux roses qu’elle entretenait depuis qu’elle avait enfin pu quitter un système scolaire étouffant et conformiste, se heurtant à son éducation d’Américaine, était dans son collimateur. Elle espérait qu’il n’y aurait rien de bien grave dans la chambre où un problème avait été signalé.
Janet avait hésité entre l’escalier et l’ascenseur, et la flemme l’avait emporté. On était à une heure avancée de la nuit, et elle avait envie d’en finir rapidement. Foutu règlement... À coup sûr, c’était encore un vieux qui avait oublié d’éteindre sa télé. Hier encore, le vieux de Mishima lui avait fait le coup. Un professeur complètement pervers, qui avait cherché à lui mettre sa main au cul. Mishima était un endroit que Janet avait en horreur, car il avait la sinistre réputation d’être un lycée de débauche. Honnêtement, elle ne comprenait pas pourquoi un tel lycée n’avait pas encore été fermé, ou pourquoi personne n’en parlait. Il ne fallait pas s’étonner, après ça, que les jeunes préfèrent passer des heures à jouer à des jeux vidéos insipides et bruyants, ou à errer sur Internet, plutôt qu’à travailler.
*
C’est décidé, je vais voir Kushizo demain...*
Kushizo était son employeur, et, si ce type était un salopard, Janet connaissait la loi. Même au Japon, les congés maternités existaient. Ce gros con de Kushizo était dans la ligne philosophique d’une bonne partie du Japon, où la femme était vue comme une bonniche ayant pour fonction unique de faire le ménage et la cuisine, et d’être asservie à son mari. Non, Janet n’était pas une féministe convaincue, mais, quand on tombait sur un connard de machiste hypocrite qui dissimulait son envie de vous labourer le cul avec sa vieille queue ramollie derrière ses sourires de plastique et sa condescendance envers les femmes, ça lui donnait envie d’hurler.
*
Ça y est, Janet, tu t’énerves encore toute seule ! Ne t’étonne pas que Kenji soit épuisée après toi, tu es une vraie pile sur pattes...*
Elle espérait que leur enfant ne serait pas aussi explosive qu’elle... Bébé, Janet avait été impossible, refusant d’aller dormir, réveillant ses parents à des heures pas possibles en hurlant fort.
L’ascenseur ouvrit, et Janet, qui se croyait seule, eut un sursaut en voyant une femme aussi pâle qu’un zombie... Et une femme avec une tête de psychopathe, des seins énormes, et une blouse d’infirmière.
«
Mais qu’est-ce que... ?! » s’exclama Janet.
Elle fronça les sourcils, rajoutant rapidement, en sentant son cœur s’accélérer rapidement dans sa poitrine :
«
Mais qui êtes-vous ?! »